Véritable richesse nationale, la zone économique exclusive marocaine de pêche se caractérise par une grande diversité des ressources halieutiques englobant près de 500 espèces. Cet espace immense, s’étendant sur 3500 km sur la double façade Atlantique et Méditerranéenne, constitue un patrimoine national sans équivalent qui n’a pas de prix et contribue à la création de richesses et d’emplois, tout en jouant un rôle fondamental dans la préservation du patrimoine biologique du pays. Les bateaux européens qui exercent dans la partie Atlantique de cette zone le font dans le cadre d’un accord politique qui lie Rabat et Bruxelles. En février dernier, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait estimé que l’accord entre les deux parties n’intégrait pas la région du Sahara mais le nouveau protocole signé la semaine écoulée a autorisé la pêche des embarcations européennes dans cette zone. En attendant que ce texte soit validé par les instances exécutives et élues à Bruxelles et à Strasbourg, que gagne réellement le Maroc à s’acharner à signer un tel accord qui risque, à tout moment, et de nouveau, d’être invalidé par la Cour de justice de l'Union européenne sachant qu’il y a jurisprudence en la matière ?
Le nouveau protocole d’accord signé entre le Maroc et l’Union européenne visant à renouveler le volet pêche des accords de partenariat entre les deux parties, fait désormais référence quant au statut du territoire du Sahara marocain. Mais dans ses négociations avec la partie européenne, la logique aurait voulu que le Maroc refuse catégoriquement le montant proposé par Bruxelles concernant la redevance annuelle d’accès aux eaux économiques concernées par l’accord. Car si nous permettons à des pays tiers de venir exploiter les richesses halieutiques du royaume sur une étendue de plus de 200 000 milles nautiques pour une misérable enveloppe de 50 millions d’euros, il aurait été préférable de ne pas renouveler l’accord et permettre aux pêcheurs marocains d’exploiter seuls ce patrimoine.
Le protocole d’accord non seulement insulte le Maroc par l’octroi de tout un pan de sa richesse nationale pour 50 millions de dollars, des miettes, mais porte gravement atteinte à notre souveraineté nationale.
Il faut comprendre comment les européens répartissent cette enveloppe : 16 millions d’euros pour l’accès à la côte, 14 millions d’euros en soutien au secteur marocain de la pêche hauturière et quelque 20 millions entre taxes et imposition auxquels sont soumis les armateurs. Un vrai scandale d’Etat ! En ce sens qu’un seul richissime homme d’affaires marocain, ou un pool de dix entre eux, peut payer de sa poche cette broutille et permettre au Maroc de préserver sa richesse halieutique : 1- Le poisson reste au Maroc au grand bénéfice du consommateur final grâce aux prix qui seront naturellement bas, et au bénéfice aussi du pêcheur qui doublera ses prises et donc ses revenus grevés par l’exploitation européenne; 2- Le Maroc peut exporter une partie de ce poisson à ses propres conditions et au prix fort et non pas de la manière dont il a été bradé par les négociateurs marocains.
Il s’agit-là d’une institutionnalisation par Bourita et Akhannouch de l’immixtion européenne dans les affaires intérieures du pays !
Pire, le protocole d’accord non seulement insulte le Maroc par l’octroi de tout un pan de sa richesse nationale pour 50 millions de dollars, des miettes, mais porte gravement atteinte à notre souveraineté nationale. En effet, nous ne comprenons pas comment Nasser Bourita et Aziz Akhannouch ont pu permettre à l’Union européenne, à travers ce protocole qu’on espère sera revu par le parlement marocain, d’exercer un droit de regard et de contrôle sur les retombées socio-économiques de cette enveloppe alors que l’affectation des fonds doit relever de la compétence régalienne exclusive du Maroc. Il s’agit-là d’une officialisation, voire d’une institutionnalisation par Bourita et Akhannouch de l’immixtion européenne dans les affaires intérieures du pays ! Sous d’autres cieux, et pour moins que ça, le gouvernement ferait face à une motion de censure.
La Mauritanie plus ferme en termes de négociations avec les européens
Le gouvernement marocain, et plus particulièrement les ministres en charge du dossier, à savoir ceux des Affaires étrangères et de l’Agriculture et de la Pêche, auraient pu prendre exemple de nos voisins méridionaux, la Mauritanie, plus fermes en termes de négociations avec les européens. En effet, les quatre grandes régions de pêche hauturière sont la région du sud vers N'Diago, la région de Nouakchott, la région des Imraguen entre Lehféré et Agadir, et la région du nord qui comprend Nouadhibou et la Guerra, à la frontière marocaine, font l’objet d’un contrôle draconien pour préserver le patrimoine halieutique. Chez eux, le secteur de la pêche qui emploie plus de 40 000 personnes avec des recettes pour l’Etat de l’ordre de 400 millions d’euros, impose des règles très strictes aux embarcations européennes, notamment par l’établissement de Parc nationaux en vue de sauvegarder la biodiversité de la faune marine. D’ailleurs, le célèbre parc national du banc d'Arguin, une des zones les plus riches au monde en poissons, est classée au patrimoine universel de l’Unesco.
Dans le cadre de l’accord de partenariat entre Bruxelles et Nouakchott, l’Union européenne s’est engagée à payer annuellement à la Mauritanie, 10 fois moins peuplée que le Maroc, près de 60 millions d’euros sans aucun droit de regard sur la manière dont est dépensée cette manne. Messieurs Bourita et Akhannouch, la Mauritanie serait-elle plus soucieuse de sa souveraineté que le Maroc n’est de la sienne ?