Longtemps attendus par les banques participatives, les sukuks viennent de faire leur entrée sur leur marché après la mise en place du cadre réglementaire. Le vendredi 5 octobre, la première émission de sukuks souverains a été réussie. L’émission inaugurale a concerné des certificats de sukuks de type Ijara portant sur un montant d’un milliard de DH amortissable sur cinq ans avec un rendement annuel de 2,66%. Dans un communiqué sanctionnant cette opération, le ministère de l’Economie et des Finances a précisé que ces sukuks sont « adossés à un droit d'usufruit constitué, sur des actifs immobiliers appartenant à l’État, au profit du fonds de titrisation créé à cet effet ». La réussite de la première émission de sukuks souverains augure de nouvelles opérations dans un futur proche. Sursouscrite plus de trois fois, l’émission a été gérée par Al Akhdar Bank, sélectionné au terme d’un appel d’offres restreint.
Le nouveau fonds de titrisation gère la location des actifs durant cinq ans et les loyers sont distribués aux porteurs de ces certificats de Sukuks. Réservée aux investisseurs résidants (banques, assurances, caisses de retraite et les OPCVM), cette première émission a connu un fort engouement. Les demandes se sont élevées à 3,6 milliards de DH, soit un taux de sursouscription de 3,6 fois. Les institutions participatives ont, elles, été servies à hauteur de 35%. La même source précise que ces « certificats de Sukuks sont d’une importance capitale pour le développement de la finance participative au Maroc. Ils permettront aux différents acteurs de la finance participative de gérer leur liquidité et d’optimiser la gestion de leurs ressources ». De même, l’Etat pourra diversifier ses sources de financement et d’agrandir la base des investisseurs.
De fortes attentes
Le dépositaire de cette première émission a été Al Akhdar Bank, suite à un appel d’offres restreint lancé par Maghreb Titrisation. Al Akhdar Bank a été désigné pour accompagner cette opération en tant qu’établissement dépositaire. Filiale du Groupe Crédit Agricole du Maroc (CAM) et de la Société Islamique pour le Développement du Secteur Privé (ICD-PS), Al Akhdar Bank se chargera de la tenue des comptes de paiement et de la conservation des actifs du Fonds de Titrisation qui a émis les Sukuks IJARA. Selon le CAM, « le choix du dépositaire s’est appuyé sur une évaluation technique des capacités organisationnelles et humaines des banques en concurrence et plus spécifiquement de l’organisation de leur activité dépositaire et des moyens humains et techniques qu’ils y ont alloué ».
Cette première émission de sukuks souverains vient répondre à une forte attente de la part des professionnels de la finance participative car elle constitue une alternative pour la mobilisation de l’épargne à moyen et long terme et une réponse aux investisseurs qui cherchent à placer leur argent dans des instruments conformes à la finance participative. Le Conseil supérieur des Oulémas (CSO) devra se prononcer prochainement sur leur caractère négociable. La réussite de cette première émission devrait encourager d’autres entités étatiques ou privées à faire appel à l’épargne.
Si le Maroc a choisi de structurer le marché de la finance participative par paliers et graduellement, il est temps maintenant de parachever l’édifice, notamment pour le Takaful, car la demande existe comme le prouvent les échos auprès des banques.
Trois questions à Said Aghmadir, Président de l’Association marocaine des banques islamiques
Pourquoi la première émission de sukuks a connu des retards ?
L’Etat a décidé d’émettre un milliard de DH de Sukuks pour permettre aux banques participatives, aux OPCVM et aux institutionnels, de souscrire à ces sukuks pour les utiliser comme outils pour dégager de la liquidité sur le marché. Cette première émission a connu un franc succès avec une sursouscription de 3,6 fois. On s’attendait à 20 fois car les OPCVM allaient sursouscrire étant donné qu’ils ont 430 milliards de Dh d’actifs, sauf que l’Autorité marocaine des marchés de capitaux (AMMC) a adopté une réglementation qui limite leur part à 20%. On aurait aimé qu’ils aillent jusqu’à 100% et avoir cette force de frappe. Ces certificats d’investissement permettent un rendement grâce aux loyers avec un rendement de 2,66%. Cette opération sera une référence sur le marché et nous attendons que les choses s’accélèrent avec des sukuks corporate émis par des banques participatives, des promoteurs immobiliers et autres investisseurs intéressés.
Qu’en est-il du reste de l’écosystème, en particulier du Takaful ?
Tout à fait, le mécanisme du Takaful n’est pas encore prêt et qui est prévu pour le premier trimestre 2019. Justement, le mécanisme est important car jusqu’à aujourd’hui nous avons 2,6 milliards de financements qui ont été octroyés par les banques participatives et qui ne sont pas assurés sur le marché, ce qui commence à représenter ce que nous appelons un risque systémique. Il faut absolument mettre en place rapidement le takaful pour sécuriser les financements des banques participatives qui peuvent atteindre au terme de l’année 4 milliards de DH. D’où la nécessité d’accélérer le chantier du Takaful. Je pense qu’il passera bientôt en Conseil des ministres puis ensuite par le Parlement pour l’adoption législatif. Il faut absolument accélérer ce chantier pour que le takaful soit disponible au premier trimestre 2019.
Les OPCVM ont été mécontents de la part de 16% qui leur a été impartie…
En ce qui concerne les OPCVM, il faut retoucher la loi pour qu’ils puisent investir au-delà de 20% car le gisement est important (ndlr : 430 milliards de DH). Il y a beaucoup de clients qui ont besoin d’OPCVM participatifs pour investir. Il y a une place pour ce type d’industrie. Il reste la dernière génération de fonds, les Organismes de placement collectif en immobilier (ndlr : OPCI) qui, d’après les dernières déclarations seront prêts en 2019, mais dans un premier temps ils seront conventionnels. Par la suite, ces OPCI pourront lancer des sukuks destinés au grand public. Ce sont des fonds qui gèrent des actifs immobiliers et qui rémunèrent avec le loyer les investisseurs avec un rendement intéressant de l’ordre de 7%. Ces éléments vont diversifier l’offre sur le marché et la performance car nous en avons besoin pour qu’il se développe de manière sereine.