Ahizoune a été remplacé. Pourquoi pas Terrab ?

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Il aura suffi que notre confrère Tarik Qattab, journaliste rigoureux et respecté, révèle les contours d’une opération sur le capital d’OCP Nutricrops, pour que l’écosystème médiatique marocain entre en ébullition. Il pointait du doigt un risque clair : la perte de contrôle par l’État marocain d’un actif industriel stratégique, pierre angulaire de notre sécurité alimentaire. Mais plutôt que de répondre par les faits, le top management d’OCP a choisi la provocation – en orchestrant une réplique indirecte, médiatiquement toxique, teintée de condescendance.

Ne touchez pas au Zaïm. Voilà en substance la réaction suscitée par l’audace de Qattab, qui s’était simplement interrogé :

  • Pourquoi avoir orchestré une fuite stratégique auprès de Bloomberg, média de référence de la finance internationale, relayée ensuite dans la presse économique parisienne ?
  • Pourquoi se rétracter ensuite par article interposé, via un média local, dans un exercice de communication brouillé ?
  • Et surtout, pourquoi refuser d’ouvrir le débat sur la transparence d’une entreprise publique dont les enjeux dépassent ceux d’un simple P&L ?

En comparaison, les leaks de la CNSS ont montré que la holding la plus prestigieuse du pays fonctionne dans une logique de reddition de comptes. Tout est déclaré, assumé, traçable. Pourquoi pas OCP Group ? Qui ose encore poser la question de l’impact du télétravail permanent sur le bon fonctionnement de l’entreprise ? Que cache ce silence de verre au sommet de la tour désertée.

Articles Le360RésuméAxes de critiqueÉléments factuels clés
Article 1 : OCP Nutricrops, levier stratégique en péril
21/04/2025
Analyse des risques liés à l’ouverture du capital de Nutricrops : perte de souveraineté, subventions croisées, privatisation déguisée d’un actif stratégique national.Souveraineté économique, gouvernance opaque, valorisation artificielle via des prix préférentiels internes.Création d’OCP Nutricrops en 2024, carve-out de 30 MMDH, levée de 5–7 Mds USD prévue, subventions croisées sur le phosphate.
Article 2 : Communication de crise ratée
22/04/2025
Critique du choix de Terrab de confier la communication de crise à un média local, ancienne plume du groupe, ce qui nourrit les soupçons de manipulation médiatique et de rétropédalage non assumé.Manipulation médiatique, manque de transparence, absence de réponse institutionnelle directe.Publication initiale dans Bloomberg, reprise par Le Desk, réfutation via article signé Kenza Filali, proposition d’un fonds OCP Finance.
Article 3 : Hubris de Mostafa Terrab
– 06/05/2025
Portrait critique de Mostafa Terrab : dérive monarchique, opacité, dépenses somptuaires, dispersion stratégique de l’OCP, et instrumentalisation de l’entreprise publique à des fins personnelles et symboliques.Centralisation du pouvoir, conflits d’intérêts, hypertrophie managériale, confusion entre intérêt public et ambition personnelle.Siège déserté, dépenses en RP et aviation privée, projets hors cœur de métier, détournement de ressources vers UM6P, Dar Phosphate, Evosport, etc.

Terrab et Ahizoune : deux piliers d’un même modèle

Faut-il pour autant dire que Mostafa Terrab a failli ? Non.

Comme Abdeslam Ahizoune, son alter ego du secteur des télécoms, Mostafa Terrab fait partie de ces hauts commis de l’État qui ont su traduire sur le terrain la volonté et la vision royale en transformant leur département et le Maroc en profondeur. Les deux hommes se sont croisés à la fin des années 1990, lors de la libéralisation des télécommunications : l’un dirigeait l’ANRT, l’autre restructurait l’ONPT. Ensemble, ils ont été les architectes de la révolution du mobile au Maroc, bâtisseurs d’un cadre technologique qui propulsera le pays dans l’ère numérique.

Ils furent les ambassadeurs d’un Maroc réformiste, stratège et moderne. Et en cela, personne ne remet en cause leur bilan.

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Un héritage pédagogique ambitieux

À la tête de l’OCP depuis près de 20 ans, Terrab a démontré qu’il était possible de réinventer un mastodonte public, de le moderniser, de le restructurer, de le globaliser. Il a su faire de l’éducation un pilier central de sa vision :

  • L’UM6P est aujourd’hui un acteur académique de premier plan.
  • Elle a permis à des jeunes issus de milieux modestes de devenir une élite scientifique reconnue.
  • Grâce à Terrab, la plus grande communauté internationale est marocaine.
  • OCP est devenu un incubateur de talents, un catalyseur de transformation.

C’est un fait. Et c’est à son honneur.

Mais comme Ahizoune, Terrab partira

Le décideur Marocain se pense déjà à l’horizon 2030 et 2040. Et l’une des leçons les plus simples à retenir de l’expérience Ahizoune est que nul n’est irremplaçable. Un projet d’État ne peut reposer sur une personne, aussi brillante soit-elle. Il faut un leadership collectif, une culture de la relève, un partage du pouvoir.

Et dans ce sens, la critique journalistique ne vise pas l’homme, mais le système en train de dériver sous son règne prolongé.

Où sont passées les voix libres ?

Lorsque certains médias prennent fait et cause pour le Zaïm, la réaction peut sembler spontanée. Mais une autre question mérite d’être posée avec lucidité : comment en est-on arrivé à un tel silence critique dans le paysage francophone ?

Ce n’est pas le fruit du hasard, ni seulement d’une autocensure ambiante. C’est le résultat d’une stratégie méthodique de captation des talents, menée à l’abri des projecteurs. OCP, au sommet de sa puissance, a su se constituer une galaxie éditoriale parallèle, recrutant les plus fines plumes de la presse indépendante, non pas pour les faire taire, mais pour les mettre au service d’un récit institutionnalisé.

À coups de salaires vertigineux, d’accès privilégiés et de missions prestigieuses, une génération de journalistes s’est retrouvée aspirée dans la matrice du storytelling corporate. Les uns ont migré vers l’étranger, les autres vers la communication, les agences, les think tanks.

Peu ont résisté. Beaucoup se sont tus.

Ce qui a été gagné en confort a, peut-être, été perdu en vitalité démocratique. Et aujourd’hui, la question n’est plus de dénoncer, mais de comprendre comment reconstruire un espace critique capable de dialoguer d’égal à égal avec les acteurs économiques.

Et puis, disons-le : Terrab a la peau dure, très dure. Ces mots, ces articles, ne l’ébranlent guère. Il connaît le jeu. Lui qui fut à la genèse de la génération Journal Hebdo, aux côtés de M. André Azoulay, sait parfaitement juguler la parole publique et composer avec les médias. Ce n’est pas un homme surpris par la critique — c’est un homme qui l’anticipe.

L’homme, le lignage, le legs

Peu savent que Mostafa Terrab est le petit-fils de Mohamed Belarbi Alaoui – dit Cheikh Al Islam-, il fut grand cadi du sultan de Fès et Président du Conseil des Oulémas de la Quaraouiyine (1915), ministre de la Justice, ministre de la couronne sous feu Mohammed V, et le neveu de Moulay Mustapha Belarbi Alaoui, qui fût gouverneur de Casablanca, ambassadeur à Rome et ministre de la Justice. Deux grandes figures de l’État, connues pour leur droiture intransigeante et leur service désintéressé. Un héritage noble, que Terrab n’a jamais trahi. Il sait qu’il partira un jour. Comme tout être humain, il souhaite que son action survive à son départ : que l’éducation, l’équité et la modernité fassent partie intégrante de son legs.

Ceux qui gravitent autour du Zaïm et bénéficient de ses largesses ne souhaitent qu’une chose : qu’il demeure à jamais, ad vitam æternam. Pourtant, ce qu’ils doivent désormais intégrer, c’est que la pérennité d’un projet ne réside ni dans l’éternité d’un homme, ni dans le culte d’une figure, mais bien dans la capacité à accepter la contradiction, à organiser la transmission, et à poser les limites de son propre pouvoir.

1 COMMENTAIRE

  1. L’article est trop trop trop agressif sans base solide. On peut même y voir des semblants d’injures qui peuvent mener devant la justice.

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