À mesure que l’épi se dessèche, ses graines cherchent une terre plus fertile. Portée par d’anciens cadres du Mouvement Populaire, la création du «Mouvement Démocratique Populaire» officialise une scission annoncée. Dans un paradoxe devenu presque banal dans la vie politique marocaine, ses initiateurs — qui dénoncent la prolifération des partis sans vision — en fondent pourtant un de plus. La course aux législatives de 2026 commence dans une ambiance de dispersion revendiquée et de recentrage proclamé.
Le paysage politique marocain pourrait bientôt s’encombrer d’une nouvelle formation issue des rangs du Mouvement populaire (MP). Selon les informations rendues publiques dans le dernier numéro du Bulletin officiel, le ministère de l’Intérieur a officiellement accusé réception du dossier de création d’un parti dénommé “Mouvement Démocratique Populaire”, le 28 avril 2025.
Une scission longuement mûrie
À l’origine de cette initiative : des divergences internes persistantes au sein du MP. Plusieurs parlementaires, membres du Conseil national et figures historiques du parti de l’épi, se disent en désaccord avec les orientations actuelles de la direction, présidée par Mohamed Ouzzine. Parmi les initiateurs du projet figure notamment Mohamed Fadili, ancien président du Conseil national du MP, connu pour avoir mené par le passé une tentative de scission sous l’ère de Mohand Laenser.
Fadili avait également, aux côtés de Mohamed Moubdiî – en détention, pour des délits en relation avec la gestion des affaires de la commune de Fkih Bensaleh-, conduit une fronde interne baptisée «le mouvement du changement», visant à remettre en cause la gouvernance de l’actuel secrétaire général. Cette initiative s’était heurtée à un refus du ministère de l’Intérieur d’autoriser la création d’un nouveau parti.
Une nouvelle ligne politique annoncée
Contacté par notre confrère Achkayen, Mohamed Fadili a affirmé que le projet du Mouvement Démocratique Populaire vise à “se distinguer dans le paysage politique national”, avec un accent mis sur les problématiques des Marocains résidant à l’étranger, un électorat selon lui négligé par les formations actuelles.
Le nouveau parti souhaite également aborder l’enrichissement illicite, les déséquilibres territoriaux, la répartition des richesses nationales, ainsi que les failles de la législation et le manque de concertation dans l’élaboration des politiques publiques. Il accuse par ailleurs l’opposition de ne plus jouer son rôle constitutionnel.
Fadili indique que des consultations sont toujours en cours et que la liste des membres fondateurs sera rendue publique au moment de la structuration formelle du parti. Il assure toutefois que plusieurs parlementaires, élus locaux et responsables régionaux, ainsi que des militants désabusés d’autres partis, ont déjà exprimé leur intention de rejoindre le mouvement.
Une critique du multipartisme… depuis un nouveau parti
Dans son intervention, Mohamed Fadili a plaidé pour une rationalisation du champ partisan marocain, appelant à s’inspirer des modèles allemands ou américains, où deux ou trois grandes formations structurent la vie politique. Il a fustigé la prolifération de partis qu’il juge sans vision nationale claire, accusés de «gesticuler sans proposer d’alternative». Une sortie qui ne manque pas d’ironie, venant de celui qui dépose, dans le même élan, les statuts d’un nouveau parti. À moins qu’il ne considère cette énième formation comme le début d’une recomposition salutaire, et non comme une dispersion de plus.