Il y a des tragédies qui obligent les partis à sortir de leurs automatismes. L’effondrement d’un immeuble à Fès, qui a coûté la vie à plusieurs citoyens, n’est pas seulement un drame urbain : c’est un test politique. Et pour le Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM), dont la co-présidente n’est autre que la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, absente lors de la réunion du bureau politique tenue le 13 mai dernier, ce test est d’autant plus scruté.
Dans le communiqué publié à l’issue de sa réunion du 13 courant, le bureau politique du PAM a choisi un ton grave et solidaire, exprimant ses condoléances et appelant à une mobilisation collective pour faire face au fléau des bâtisses menaçant ruine. « Un appel nécessaire, mais qui ne peut masquer une attente légitime : celle d’un parti de gouvernement qui aurait pu, en cette circonstance, aller plus loin dans la reconnaissance de ses responsabilités partagées », s’accordent à dire d’aucuns.
« Car si la compassion est une exigence morale, la redevabilité est une exigence politique. Et c’est précisément ce glissement — de la posture digne vers une parole pleinement responsable — que le parti du Tracteur esquisse, sans pleinement l’assumer », regrette-t-on.
Dans un contexte où les défaillances structurelles du tissu urbain interpellent directement les politiques publiques du logement, le refus de toute posture défensive est à saluer. Mais l’absence d’un mot plus clair sur l’action ou les limites de l’Exécutif dans ce domaine interroge et interpelle à plus d’un titre. « À vouloir incarner la hauteur, le risque est de donner l’impression de survoler », se désolent plusieurs sources contactées par la rédaction.
L’Afrique : une constance stratégique de la diplomatie royale
Au-delà de cette épreuve nationale, le PAM a tenu à saluer la constance stratégique de la politique africaine menée par le Roi Mohammed VI. L’approbation récente de six accords bilatéraux signés dans les villes de Laâyoune et Dakhla est présentée comme une double victoire : sur le plan diplomatique, en consolidant la reconnaissance de la souveraineté marocaine, et sur le plan géo-économique, en renforçant les liens avec les pays du continent.
Le communiqué évoque avec insistance le gazoduc Nigeria-Maroc et l’ouverture de l’Atlantique aux pays du Sahel, deux projets à forte charge symbolique et concrète.
Réformes institutionnelles : lucidité et sens des priorités
La dirigeante du parti Fatima Ezzahra El Mansouri a également, via le communiqué, salué la dynamique parlementaire en matière de justice, notamment l’adoption des codes de procédure civile et pénale. Le document a néanmoins insisté sur la nécessité d’accélérer la réforme du code pénal, pierre angulaire d’une politique pénale modernisée, plus conforme à la Constitution et aux engagements internationaux du Royaume.
Le PAM se montre ici force de proposition, appelant à traiter les causes profondes des tensions sécuritaires : la surpopulation carcérale, l’usage d’armes blanches, et le retard d’adaptation des politiques publiques aux réalités sociales.
Participation citoyenne : au-delà des urnes
Dans un passage particulièrement fort, le communiqué affirme que les priorités du PAM ne se résument pas aux échéances électorales, mais à la relance de l’engagement civique, notamment chez les jeunes. L’objectif : replacer les citoyennes et citoyens au cœur du processus démocratique, non seulement comme électeurs, mais comme acteurs.
Une déclaration qui résonne dans un contexte de défiance croissante envers la politique, et qui trace les contours d’un projet de réconciliation entre institutions et société.
Discipline interne et cohérence majoritaire
Enfin, le parti a fait le point sur son fonctionnement interne, saluant la préparation rigoureuse du prochain Conseil national et valorisant le travail législatif de ses parlementaires. Le tout, dans le strict respect des règles internes et du pacte de majorité gouvernementale.
Angles morts
« En assumant une communication mesurée sur le drame de Fès, le PAM a choisi la prudence et l’appel à l’unité plutôt que l’introspection directe. Mais cette retenue, si elle évite la polémique, ne saurait suffire à répondre à l’exigence de clarté qui incombe à un parti de gouvernement », martèlent avec véhémence plusieurs Hommes politiques originaires de Fès.
Selon eux, derrière cette gestion maîtrisée de la parole politique se profile une équation plus vaste (un desiderata dissimulé/masqué): la crédibilité de Fatima Ezzahra El Mansouri, ministre en charge de l’Habitat, co-présidente collégiale du parti, et désormais pressentie par certains comme la première femme capable d’occuper le poste de chef du gouvernement dans l’histoire du Royaume.
« Dans un pays en transformation, où les attentes sociales sont vives et la parole publique scrutée, cette ambition engage bien plus qu’un destin personnel : elle exige une posture d’exemplarité, une transparence assumée, et une capacité à nommer les responsabilités de tout un chacun sans détour », clament-ils en choeur.
Quoi qu’il en soit, l’on ne peut aspirer à gouverner sans affronter lucidement les angles morts de l’action publique. Le Maroc moderne mérite une gouvernance qui ne vacille ni dans les mots, ni dans les actes — surtout lorsque les murs, eux, s’effondrent. A bon entendeur…