La nomination de Duke Buchan III comme nouvel ambassadeur des États-Unis au Maroc suscite de nombreux commentaires à Madrid, où la presse y voit un signal diplomatique fort du président Donald Trump envers le Royaume chérifien et, indirectement, un désaveu implicite à l’égard du gouvernement espagnol de Pedro Sánchez, dont les relations avec Washington se sont refroidies depuis leur différend au sein de l’OTAN.
L’argentier de Trump au Maroc, symbole d’un virage stratégique
Dans un article publié le 25 octobre 2025, le quotidien El Mundo souligne que Duke Buchan n’est pas un diplomate de carrière, mais un financier milliardaire et un fidèle de la première heure de Trump, qu’il a soutenu dès 2015 par un don d’un million de dollars. Ancien ambassadeur en Espagne durant le premier mandat du président républicain, Buchan a aussi occupé jusqu’à cette année la présidence du comité financier du Parti républicain, un poste clé qui en faisait, selon The Wall Street Journal, « l’arme de collecte de fonds secrète de Trump ».
Sa nomination à Rabat est interprétée par El Mundo comme un geste de confiance et d’influence directe, le chef d’État américain ayant choisi de le remplacer à la tête des finances du parti par son propre vice-président, JD Vance, une décision rare et politiquement lourde de sens.
À Rabat, un interlocuteur de poids et un ami du Roi
Lors de son audition devant le Sénat américain, Buchan a tenu à saluer la stature du Roi Mohammed VI, qu’il a décrit comme « un ami précieux et un partenaire stratégique des États-Unis ». Il a rappelé que le Maroc constituait « un pilier de stabilité dans une région essentielle à la sécurité nationale américaine ».
L’ancien banquier a également affirmé vouloir renforcer la coopération sécuritaire et technologique entre Washington et Rabat, tout en soulignant le potentiel du Royaume dans les secteurs du transport, de l’agriculture et de l’énergie :
« Les États-Unis peuvent offrir une technologie de première classe pour soutenir les ambitions du Maroc. »
Ces propos, note El Mundo, contrastent avec la froideur actuelle entre Washington et Madrid, alimentée par les choix stratégiques du gouvernement Sánchez au sein de l’Alliance atlantique.
Entre Rabat et Madrid, une différence de traitement assumée
Le quotidien espagnol estime que le profil du nouvel ambassadeur à Rabat lui confère une influence supérieure à celle du prochain ambassadeur américain en Espagne, Benjamin Leon, un autre homme d’affaires républicain mais sans la proximité personnelle ni le capital politique de Buchan auprès de Trump.
Dans ce jeu d’équilibres diplomatiques, El Mundo suggère que le Maroc pourrait bénéficier d’un canal d’accès privilégié à la Maison-Blanche, notamment en cas de tensions régionales ou bilatérales :
« En cas de désaccord entre Madrid et Rabat, tout indique que Mohammed VI trouverait meilleure écoute dans l’actuelle administration américaine. »
Cette lecture, partagée par plusieurs analystes espagnols, révèle une inquiétude sous-jacente : celle de voir les États-Unis privilégier Rabat comme pivot sécuritaire et diplomatique dans la région, au détriment du rôle traditionnel de l’Espagne comme premier interlocuteur de Washington au Maghreb.
Le dossier du Sahara et la mission de « paix » en gestation
Interrogé par le Sénat sur la question du Sahara, Duke Buchan a rappelé la position de l’administration Trump :
« Les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et soutiennent la proposition d’autonomie sérieuse, crédible et réaliste de Rabat comme seule base pour une solution durable. »
Selon El Mundo, cette nomination intervient alors qu’un autre proche du président américain, le promoteur Steve Witkoff, œuvre avec Jared Kushner à un rapprochement diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, avec l’ambition affichée d’aboutir à un « accord de paix » dans les 60 prochains jours.
Un signal pour l’Europe et la Méditerranée
La presse espagnole y voit enfin un repositionnement américain dans la région, où le Maroc apparaît comme un partenaire agile et fiable, capable d’articuler à la fois coopération sécuritaire, diplomatie régionale et ouverture économique. Pour Madrid, cette réorientation invite à une vigilance accrue : elle rappelle que les États-Unis, sous Trump, n’hésitent pas à contourner les circuits diplomatiques traditionnels au profit d’alliances plus directes et transactionnelles.
« Nueva etapa, nuevos riesgos », conclut El Mundo : nouvelle étape, nouveaux risques.
Le ton résume bien l’état d’esprit à Madrid : celui d’un allié inquiet, conscient que l’axe Rabat-Washington pourrait s’imposer comme le nouveau centre de gravité américain au Maghreb.






