Le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, M. Nasser Bourita, a présidé une réunion ministérielle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (CPS-UA), tenue par vidéoconférence, sous la présidence marocaine du Conseil pour le mois de mars. Cette rencontre, axée sur le thème « L’intelligence artificielle et son impact sur la paix, la sécurité et la gouvernance en Afrique », a été l’occasion pour le Maroc de réaffirmer son engagement en faveur d’une IA africaine éthique, responsable et adaptée aux réalités du continent.
Dans son discours d’ouverture, M. Bourita a souligné l’urgence de développer une intelligence artificielle « par l’Afrique et pour l’Afrique », qui soit un levier de développement, de paix et de sécurité pour les populations africaines. « L’IA que nous voulons doit être éthique, responsable et bénéfique, tout en respectant notre souveraineté », a-t-il déclaré, appelant à une mobilisation collective pour saisir les opportunités offertes par cette technologie tout en en maîtrisant les risques.
L’IA en Afrique : entre promesse de progrès et risques émergents
Le Chef de la diplomatie du Royaume a mis en lumière le potentiel transformateur de l’IA pour l’Afrique, tout en alertant sur ses dérives potentielles. D’un côté, l’IA est perçue comme un vecteur de progrès économique et social : d’ici 2030, elle pourrait injecter 15 700 milliards de dollars dans l’économie mondiale, accroître la production agricole de 10 à 15 % et stimuler la croissance de certains pays jusqu’à 40 %. Cependant, mal encadrée, elle pourrait devenir une menace pour la stabilité. M. Bourita a cité des chiffres alarmants : une augmentation de 900 % des deepfakes depuis 2019, une hausse de 300 % des cyberattaques utilisant l’IA entre 2019 et 2022, et l’utilisation de drones autonomes par 40 % des groupes terroristes. En 2023, 47 pays ont également été affectés par des campagnes de désinformation, fragilisant leurs processus démocratiques.
Face à ces enjeux, le ministre a insisté sur la nécessité pour l’Afrique de surmonter ses lacunes structurelles : 60 % de la population n’a pas accès à internet, moins de 2 % des données utilisées dans l’IA proviennent du continent, et seuls 1 % des talents mondiaux en IA y sont basés. « L’Afrique doit se positionner comme un acteur clé dans la gouvernance mondiale de l’IA », a-t-il martelé.
Les propositions concrètes du Maroc
Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, le Maroc a présenté une série de mesures pour faire de l’IA un outil au service du développement africain. Parmi celles-ci : la création d’un Fonds africain pour l’IA, l’élaboration d’une stratégie panafricaine de collecte et de valorisation des données, et le lancement d’un programme de formation visant à structurer une élite africaine dans ce domaine. M. Bourita a également proposé l’institutionnalisation d’un réseau africain des centres nationaux de l’IA et la mise en place d’un panel d’experts pour accompagner la stratégie continentale.
Le Royaume, pionnier en la matière, s’appuie sur des initiatives nationales ambitieuses. La stratégie « Maroc Digital 2030 » prévoit la formation de 100 000 talents par an, tandis qu’un programme national d’initiation des enfants à l’IA a été lancé début mars 2025. Le Maroc abrite également le premier centre africain de l’UNESCO sur l’IA, « Ai Movement », basé à Rabat.
Un leadership africain uni
Sur la scène internationale, le Maroc a joué un rôle déterminant dans l’adoption des premières résolutions de l’ONU sur l’IA et a cofondé le Groupe des Amis de l’IA pour le Développement Durable, réunissant plus de 70 pays. M. Bourita a réaffirmé l’engagement du Royaume à travailler avec ses partenaires africains pour faire de l’IA un outil de stabilité et de progrès. « L’inaction est notre ennemi commun », a-t-il averti, citant Sa Majesté le Roi Mohammed VI : « L’Afrique doit croire en sa capacité à prendre son destin en main ».
Un appel à l’action collective
Nasser Bourita a lancé un appel vibrant à l’unité et à l’action : « L’IA n’attendra pas que nous soyons prêts. Elle est déjà là, redessinant les rapports de force. Le choix est simple : soit nous nous unissons pour maîtriser cette transformation, soit nous en subirons les conséquences ». Cette réunion marque une étape décisive dans la volonté de l’Afrique de s’approprier l’intelligence artificielle pour en faire un moteur de développement durable et de paix, avec le Maroc en première ligne de cette ambition continentale.