Amine Benchekri : Le Maroc, otage des marges pratiquées par l’industrie mondiale de raffinage

Dirigé par le patron du cartel des hydrocarbures, le gouvernement marocain a placé le Royaume dans une très mauvaise posture. Sous couvert de liquidité du marché des hydrocarbures, Aziz Akhannouch a mis en équation la souveraineté énergétique du pays. «Nous ne sommes pas un pays producteur de pétrole, le marché est abondant, le Maroc n’a pas besoin de raffinerie» nous-a-t-il martelé durant des mois face aux interrogations des marocains au sujet de «La Samir».

Hier, mardi 19 juillet, le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal ben Farhan Al Saud a déclaré à Reuters, qu’il ne voyait certes pas de pénurie de pétrole sur le marché, mais plutôt un manque drastique de capacité de raffinage du pétrole, d’où la nécessité d’investir davantage dans les capacités de raffinage.

Ce n’est pas la premier fois que les responsables saoudiens, appellent à l’augmentation de la capacité de raffinage, en raison de la hausse de la demande mais également à la hausse du prix de transport et du retour au stockage. Le conflit d’intérêt du Chef du Gouvernement devient très critique, face à une situation socio-économique nationale et internationale explosive. Il s’agit aujourd’hui d’une affaire de Sécurité Nationale.

Amine Benchekri, Président du Groupe Edito, a réagi à la campagne nationale contre la cherté des prix du carburants, illustrée par les hashtags #7dh_Gazoil, #8dh_Essence, en publiant sur sa page Facebook, un avis éclairé et dépassionné sur ce sujet brûlant. Vous trouverez ci-près l’intégralité de la contribution de ce grand professionnel des Achats, de la Logistique et de la Supply Chain.

Pourquoi une augmentation de 40% du cours du pétrole brut génére chez nous une augmentation de 70% du prix du gasoil à la pompe?

Le débat est lancé pour ne pas dire la polémique. A l’instar de tous les citoyens, je me suis également posé la question sur l’incohérence entre les augmentations des cours du pétrole brut et les prix du gasoil que nous payons à la pompe.

La réponse a été pour moi une grande surprise !

En janvier 2022, le baril du pétrole brut était autour de 80$. Aujourd’hui au mois de juillet 2022, le baril de pétrole brut se négocie en moyenne autour de 112$. Soit une augmentation de l’ordre de près de 40% entre janvier et juillet 2022.

Quand on regarde les prix à la pompe du gasoil sur la même période, les augmentations ont été de près de 70% !!! .

Nous sommes passé de 10 dh le litre en janvier à plus de 16,68 dh en juillet.

Pourquoi une augmentation de 40% du cours du pétrole brut génére chez nous une augmentation de 70% du prix du gasoil à la pompe?

La réponse se trouve dans la nature des produits que nous importons. Faute de raffinerie au Maroc, nous importons du pétrole raffiné et non du pétrole brut.

Faute de raffinerie au Maroc, nous importons du pétrole raffiné et non du pétrole brut !!!

Or, le coût de raffinage a littéralement explosé ces 6 derniers mois.

Entre janvier et juillet 2022, le cours du gasoil raffiné que nous importons est passé de 95$ le baril à 168$ le baril. Soit une augmentation de plus de 75% !!!

Du coup, les 70% d’augmentation à la pompe depuis janvier dernier sont très cohérents avec les 75% d’augmentation du cours du gasoil raffiné que nous importons.

Le raffinage, activité traditionnellement à faible marge d’après les experts, se retrouve aujourd’hui avec une demande tellement forte que les capacités des raffineries mondiales ne permettent pas de satisfaire.

Aujourd’hui, le jeu de l’offre et la demande permet aux raffineurs de pratiquer des marges très confortables!

Cette très forte demande de raffinage est liée entre autres au réflexe «naturel» d’augmentation du stock de sécurité chez tous les pays face au contexte de guerre en Ukraine et de risque de pénurie qui pourrait en découler.

Il est à noter que, pendant longtemps le consommateur marocain a été protégé des fluctuations du prix à la pompe à travers la caisse de compensation.

Toutefois, le débat aujourd’hui n’est pas de savoir si c’était une bonne ou une mauvaise décision d’arrêter la subvention mais plutôt de trouver des solutions pour amortir ces augmentations de prix à la pompe.

Ce qui semble aujourd’hui se dégager, c’est que l’état ne souhaite pas, dans un contexte budgétaire difficile, abandonner ses recettes fiscales confortables qui sont de 37% sur le prix à la pompe du gasoil et de 47% sur le super.

L’état a choisi d’amortir en partie le choc des augmentations en subventionnant différentes catégories de transporteurs.

Nous nous sommes retrouvés otage des marges pratiquées par l’industrie mondiale de raffinage!!!

Le fait d’avoir «abandonné» il y a quelques années, dans un contexte économique mondial favorable, la Samir, l’unique unité de raffinage du pays pour des raisons de compétitivité de coût versus le marché international (avant le scandale de mauvaise gestion de la Samir), nous nous sommes retrouvés otage des marges pratiquées par l’industrie mondiale de raffinage.

C’était peut-être le prix de la souveraineté énergétique qu’on n’était pas prêt à «subventionner» à l’époque à travers la caisse de compensation que nous devons revisiter aujourd’hui?

Toute la chaîne de valeur de ce secteur doit être questionnée

L’heure est à la réflexion et bien entendu à l’action dans un contexte économico-social
complexe.

A ce titre, toute la chaîne de valeur de ce secteur doit être questionnée avec une clarification de ce qui relève de la souveraineté énergétique et de ce qui relève de la libre concurrence entre les différentes parties prenantes.

Le citoyen a besoin de réponses pour comprendre tous les maillons de cette chaîne de valeur y compris bien entendu ceux des distributeurs qui se retrouvent en situation frontale aujourd’hui face aux citoyens.

Nawfal Laarabi

Nawfal Laarabi

Intelligence analyst at UBERAL
Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.
Nawfal Laarabi

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