Alors que les États-Unis et l'OTAN se ruent sur l'Ukraine avec leurs armes, les responsables du ministère de la défense cherchent davantage de canaux de communications avec les hauts responsables militaire de Poutine. Mais personne à Moscou ne décroche le téléphone, rapporte le journal américain POLITICO. Une information qui survient quelques heures après que Vladimir Poutine ait mis les forces nucléaires russes en état d'alerte.
Dans un article paru ce dimanche, POLITICO décrit la dernière rencontre entre le général Mark Milley avec son homologue russe à Helsinki en septembre dernier : « Après six heures de discussions tendues, le président de l'état-major américain avait l'air presque enjoué. Ou du moins, aussi gai que ce soldat bourru de plus de 40 ans peut l'être en public et a déclaré sur un ton optimiste : "Lorsque les chefs militaires des grandes puissances communiquent, le monde est plus sûr"».
Aujourd'hui, cinq mois plus tard, alors que les forces militaires russes écrasent l'Ukraine dans les airs, sur terre et sur mer, cet optimisme et cette entente commune avec Moscou sont morts.
Mais sa relation avec le général Valery Gerasimov, chef d'état-major des forces armées russes, est au centre d'un effort très sensible mené en coulisses pour éviter que la plus grande guerre en Europe depuis des générations ne se transforme en un conflit plus vaste. Cette situation est devenue plus urgente dimanche, lorsque le président russe Vladimir Poutine a ordonné la mise en alerte de ses forces nucléaires après une série de ce qu'il a appelé des «déclarations agressives» de la part des puissances de l'OTAN.
Depuis leur rencontre en Finlande, les deux chefs des armées russes et américains, Valery Gerasimov et Mark Milley se sont entretenus à de multiples reprises, notamment lors du renforcement initial des forces russes en novembre et à nouveau au début de ce mois.
Mais depuis l'éclatement des dernières hostilités en Ukraine, Milley et Gerasimov ne se sont plus parlé, rapporte POLITICO citant deux responsables du ministère de la défense.
Ces deux responsables du Pentagone ont déclaré à la m^me source qu'ils espéraient que leur ligne de communication - qui a été plus fréquente que celle du secrétaire à la Défense Lloyd Austin et de son homologue, le ministre russe de la Défense Sergey Shoygu - peut aider à préserver des liens de communication plus réguliers avec les forces russes alors que le conflit en Ukraine s'intensifiait.
«Maintenant que l'espace aérien ukrainien est contesté et disputé et que l'espace aérien ukrainien côtoie l'espace aérien de l'OTAN, nous avons fait savoir aux Russes que nous pensions qu'un canal au niveau opérationnel était nécessaire… afin d'éviter les erreurs de calcul", a déclaré un haut responsable du Pentagone à POLITICO.
«Nous n'avons reçu aucune réponse de leur part pour savoir s'ils sont d'accord, s'ils sont prêts à mettre quelque chose en place», a-t-il révélé.
Le responsable a cité comme modèle possible la ligne de «déconfliction» que les forces américaines et russes ont mise en place en 2015 pour éviter que leurs forces opérant à proximité immédiate en Syrie n'en viennent aux mains. Le but, selon ce haut responsable, serait de disposer d'un moyen fiable de télégraphier : «Nous sommes sur le point de faire ceci, restez à l'écart».
Nécessité d'un processus de désescalade
Mais avec les États-Unis et d'autres armées de l'OTAN qui réapprovisionnent les forces ukrainiennes, cette démarcation semble au mieux floue. Les puissances occidentales, bien qu'elles se soient engagées à ne pas mettre leurs troupes en conflit direct avec l'armée d'invasion russe, ont ouvertement manifesté ces derniers jours leur soutien à l'effort de guerre de l'Ukraine. Et avec deux puissances nucléaires à deux doigts d'une guerre armée potentielle, le risque de conflit est réel, tout comme la nécessité d'un processus de désescalade, selon les responsables.
La communication par voie détournée est plus nécessaire que jamais.
Au cours des dernières 48 heures, Washington et Moscou ont interrompu les «discussions sur la stabilité stratégique», destinées à faire baisser la tension. Maintenant, avec les nouvelles instructions de la semaine dernière selon lesquelles les diplomates américains doivent annuler la plupart de leurs contacts avec leurs homologues russes, un certain niveau de communication par voie détournée est plus nécessaire que jamais, écrit POLITICO.
«Nous voyons constamment des avions de chasse entrer en contact très étroit dans la région», a déclaré Emma Claire Foley, spécialiste de la Russie au sein du groupe de désarmement Global Zero, qui supervise le Military Incidents Project, qui suit les «incidents rapprochés» entre les forces militaires de l'OTAN et de la Russie.
«Ils n'utilisent pas toujours les transpondeurs. Ils ne communiquent pas avec le contrôle du trafic aérien. Dans ces situations, il peut y avoir des accidents (…) qui peuvent avoir des graves conséquences.»
«Toute relation personnelle est immensément importante lorsque vous traitez de ces questions aux conséquences importantes», a-t-elle ajouté, pointant du doigt «ces missions inutiles utilisant des avions à capacité nucléaire.»
«Tout cela présente un risque d'escalade», a ajouté Foley.
Lorsque l'invasion russe a commencé pour de bon la semaine dernière, les forces américaines dans la région ont immédiatement reçu l'ordre de se retirer de la zone de guerre.
«Dès que les Russes ont fait ce qu'ils ont fait, nous avons dû nous retirer », a déclaré l'un des responsables militaires américains en Europe directement impliqués dans la planification.
Il s'agissait notamment de réorienter une opération «assez robuste» d'avions espions et de drones survolant l'espace aérien ukrainien, a déclaré ce responsable.
Désormais, l'armée de l'air américaine s'appuie sur des avions volant à haute altitude au-dessus de l'Ukraine, comme l'avion espion U-2 qui peut éviter la plupart des missiles anti-aériens et des drones, car il y a «un peu plus de tolérance au risque pour cela».