Ceux qui connaissent MHE ne peuvent qu’éprouver une certaine compassion pour le management de l’ex-Société Générale Maroc. Nadia Fettah et Ghita Lahlou, entre autres, peuvent en témoigner, ayant piloté et survécu à l’enfer des projets du rouleau compresseur, notamment la fusion CNIA-Saada. Aujourd’hui, l’enjeu est d’une tout autre envergure : MHE hérite d’un groupe financier dépourvu de relais de croissance, adossé à une banque centenaire mais modeste, paralysée par l’immobilisme de son ancien actionnaire et frappée d’arthrose aiguë. Il doit affronter la rigueur et la rigidité des règles prudentielles bancaires, la concurrence féroce d’acteurs puissants et un marché en pleine mutation. En attendant l’agrément tant espéré, MHE a d’ores et déjà lancé plusieurs chantiers : stabiliser l’organisation d’Eqdom, gérer le départ des cadres-dirigeants français, élaborer une stratégie ambitieuse, migrer vers un nouveau système d’information bancaire, orchestrer un rebranding audacieux, tout en jouant une fine partie d’influence au sein de la CGEM. MHE is back ! Le marché en ambuscade.
L’été dernier, Jeune Afrique jetait un pavé dans la mare, insinuant que le deal Saham-Société Générale était au point mort, mentionnant un retard dans la délivrance de l’agrément par Bank Al-Maghrib.
Son emblématique gouverneur, M. Abdellatif Jouahri a mis fin aux spéculations ce mardi, lors de son point de presse périodique.
« Tout sera ficelé d’ici la fin de l’année », a-t-il lancé au journaliste impertinent, un brin malicieux.
Nominations stratégiques à la tête d’Eqdom et de l’ex-Société Générale Maroc
Pendant que le précieux agrément se faisait attendre, MHE, fidèle à sa réputation d’efficacité, n’est pas resté inactif. Il a initié des réformes structurantes, amorçant une réorganisation au sein d’Eqdom, filiale de crédit à la consommation, ainsi que dans les directions de la conformité et des ressources humaines de l’ex-Société Générale Maroc.
Les dirigeants français Thierry Veau, ancien Directeur de la conformité, et Arnaud Crouzet, ancien Directeur général délégué d’Eqdom, dont les mandats au Maroc sont arrivés à terme, ont cédé leurs places à des talents internes, dans le respect d’une stricte parité hommes-femmes.
Dans cette nouvelle phase de transformation, Moulay Hafid Elalamy a décidé de nommer des cadres de l’ex-Société Générale Maroc à la tête d’Eqdom. Ce choix stratégique envoie un signal fort au marché : cette ex-filiale de la SNI sera la pierre angulaire de son futur groupe financier, à une époque où les marges bancaires s’amenuisent.
Fidèle à sa confiance en la compétence féminine, MHE a désigné Najoua Bensouda au poste de Directrice Générale Déléguée d’Eqdom, succédant à Arnaud Crouzet. Forte de plus de 20 ans d’expérience au sein de la Société Générale Maroc, Mme Bensouda a acquis une expertise pointue dans la monétique, les réseaux multicanaux, le marketing, ainsi que dans la gestion de projets et l’organisation. En 2022, elle avait déjà pris la tête des opérations, avant cette nouvelle promotion.
En parallèle, Hicham Alami, ancien financier en chef de la Société Générale Maroc, rejoint également Eqdom en tant que Secrétaire Général. Sa solide expertise financière et sa vision internationale seront des atouts majeurs pour renforcer la gouvernance de l’institution et préparer son expansion future sur les marchés africains.
MHE a ainsi su libérer des postes clés pour son futur état-major tout en consolidant sa filiale stratégique dédiée au crédit à la consommation.
Exit le DRH, bienvenue à Houda Rahmani, nouvelle VP RH du groupe bancaire
Pour la gestion des ressources humaines, Houda Rahmani a été promue au poste de Vice-Présidente des Ressources Humaines Groupe. Chargée de superviser, entre autres, la transition post-cession, son expertise en droit et en responsabilité sociale des entreprises (RSE) lui confère une approche complète et stratégique de la gestion des talents, un axe crucial pour Moulay Hafid Elalamy. L’ancien DRH, Bachir Lotfi, a été rassuré de rester dans le groupe pour d’autres missions.
Enfin, Mohamed Amaliki prend la relève de Thierry Veau à la direction de la conformité de la banque. Son profil, qui allie expertise commerciale et gestion des risques, notamment au sein des réseaux, constitue un véritable atout pour garantir une rigueur réglementaire sans faille, tout en promouvant des pratiques éthiques au cœur de l’institution.
Transformation digitale au cœur du plan stratégique de la nouvelle banque
Pour définir les contours de son plan stratégique, MHE a fait appel au cabinet McKinsey. À la tête de ce chantier, Yassine Sekkat, promu directeur associé en décembre 2023 au bureau de Casablanca, et fer de lance du McKinsey Digital Lab. Ingénieur formé à l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris, Sekkat incarne la volonté farouche de MHE de faire de la transformation digitale la pierre angulaire de sa banque.
La nouvelle banque d’Elalamy changera de nom
Avec la sortie du groupe français du capital de l’ex-SGMB, certains changements sont inévitables :
- Un nouveau système d’information devra être déployé. En général, une période de grâce est prévue dans les contrats de cession pour débrancher l’ancienne filiale du SI du groupe français. Un chantier qui pourrait s’étendre sur une année ou plus.
- Un changement de dénomination et de marque s’impose. Pour ce faire, MHE a fait appel à une perle rare : Nawfel Bensari, formé par Jacques Séguéla himself et qui lui confie le post de chef de groupe de Havas. Après 7 année à Publicis Paris, il installe le bureau Maroc et en devient le Président durant neuf années. Aujourd’hui, M. Bensari est l’expert que s’arrachent les plus grandes enseignes au Maroc et ailleurs pour les problématiques les plus complexes en lien avec les politiques de marques.
La CGEM, bras d’influence pour l’image citoyenne de la future banque d’Elalamy
Nul doute que la CGEM est aujourd’hui dans l’orbite de MHE. Chakib Alj, l’actuel président, n’est autre que le frère de Said Alj, associé de longue date du magnat marocain. Mehdi Tazi, quant à lui, a dirigé Saham Assurance avant de rejoindre la CGEM. Et Samia Terzaz, actuelle Directrice générale déléguée de la Confédération, a également forgé son expérience dans le même groupe, en tant que Secrétaire générale.
Elalamy a la réputation d’utiliser toutes les ressources à sa disposition. Ce mercredi, Sogecapital Gestion, la filiale de gestion d’actifs de sa future banque, s’est réunie au sein de la CGEM, sous le regard attentif de Samia Terzaz et de Ghita Lahlou, son indéfectible bras droit en matière d’éducation et de citoyenneté. En stratège aguerri, MHE orchestre chaque mouvement avec précision, et cette réunion soigneusement médiatisée par la Confédération envoie un message limpide : il se positionne en futur patron d’un groupe financier engagé et socialement responsable, apportant une réponse concrète. Les dividendes de son Social Impact Fund, irrigueront des associations d’utilité publique, renforçant ainsi son empreinte citoyenne.
Elalamy fils à la barre du projet immobilier de la banque
Selon nos informations, Moulay M’hamed Elalamy (MME) aurait pris les rênes du chantier de construction du campus de l’ex-Société Générale Maroc, situé au cœur de Casablanca Finance City. Le projet, qui devrait accueillir 2000 collaborateurs d’ici fin 2025, incluant des équipes du groupe et de ses plateformes mutualisées, est en pleine réévaluation. MME aurait d’ailleurs décidé de remplacer les prestataires initiaux, estimant qu’ils n’étaient pas ceux avec qui Saham Immobilier avait l’habitude de travailler.
L’effet Rahhou : MHE veut faire trembler les banques historiques
L’exploit d’Ahmed Rahhou avec le CIH, et les succès de MHE avec Saham, prouvent qu’un petit acteur peut chambouler l’ordre établi. Rahhou a transformé une vieille banque en un acteur prisé par la jeunesse, en digitalisant ses services. Ce pari risqué a forcé les mastodontes du secteur à sortir de leur zone de confort, offrant ainsi des services plus compétitifs et plus sûrs.
De son côté, MHE a révolutionné la relation client dans le domaine de l’assurance au Maroc, un secteur qu’il a entraîné dans son sillage à travers Saham. Peut-il réitérer cet exploit dans le secteur bancaire, et insuffler une nouvelle dynamique à un marché qui sommeille ?
La question reste ouverte : MHE réussira-t-il, cette fois-ci, à ce retenir d’une envie pressante d’un énième jackpot encore plus éclatant que le précédent ?