Un fait inédit, et lourd de sens, vient d’être révélé par Jeune Afrique : « Les forces de l’ordre se sont retrouvées seules en première ligne… Ce gouvernement ne prend pas ses responsabilités et nous laisse seuls face à la rue. Le strict minimum serait que les ministres de la Santé et de l’Éducation soient limogés. » Cette confidence d’une source sécuritaire de haut niveau acte une rupture rare dans l’histoire politique récente du Maroc : «l’État sécuritaire» dit faire son travail, tandis que «l’État politique» se dérobe. Pour Aziz Akhannouch, c’est un tournant — possiblement le début de la fin.
Une phrase qui change tout
Jusqu’ici, la crise GenZ212 pouvait encore se lire comme une épreuve de gouvernance et de communication. La phrase publiée par Jeune Afrique la fait basculer dans une crise de confiance verticale : quand la première ligne considère être laissée seule, c’est que le contrat interne de responsabilité est fissuré au sommet. La demande implicite est claire : des actes politiques forts, des limogeages a minima à la Santé et à l’Éducation.
Un pouvoir politique figé face à une génération mutante
Le diagnostic posé par Jeune Afrique est sans appel : un gouvernement «englué dans des codes anciens» face à une jeunesse hyper-connectée, structurée par Discord, TikTok et des modes d’organisation horizontaux. Réponses tardives, éléments de langage glacés, incapacité à incarner : l’Exécutif parle «procédures», la rue parle «vie concrète». D’où un ressentiment qui se nationalise à grande vitesse.
La séquence qui a fait déborder le vase
Au départ, GenZ212 s’est exprimé pacifiquement autour d’un triptyque simple : éducation, santé, dignité. L’onde de choc tient à l’absence de réponse politique crédible, puis à l’accumulation d’événements traumatiques — jusqu’aux décès groupés de femmes en césarienne à l’hôpital Hassan II d’Agadir qui ont catalysé la colère. Les appels à la démission du chef du gouvernement se sont installés dans la rue, signe d’un divorce narratif entre le vécu des jeunes et la parole officielle.
Ceux qui s’exposent éclairent surtout les absents
Dans un gouvernement tétanisé, quelques ministres (PAM) ont tenté la prise de parole directe (Fatima Zahra El Mansouri, Mehdi Bensaid, Younes Sekkouri), reconnaissant l’âpreté du message venu de la jeunesse. Effet paradoxal : ces sorties ont mis en relief l’absence du reste de l’équipe et la faible incarnation du chef du gouvernement, dont les déclarations, perçues comme hors-sol, ont aggravé le décalage.
Le cœur du problème : l’État politique à la traîne
Le papier de Jeune Afrique tranche : l’appareil sécuritaire tient la ligne, mais l’État politique ne fournit ni cap, ni récit, ni gestes forts. Or la séquence actuelle ne se résoudra ni par des communiqués, ni par des promesses générales. Elle exige des signaux institutionnels forts : arbitrages, remaniements ciblés, et un cadre de dialogue crédible sur le terrain de la GenZ (plateformes et codes compris).
Ce que cela signifie pour Aziz Akhannouch
Quand la première ligne met publiquement en cause la première responsabilité politique, la marge d’erreur se réduit à peau de chagrin. Trois options deviennent tangibles :
- Limogeages immédiats à la Santé/Éducation (signal de responsabilité),
- Remaniement élargi pour ré-ancrer l’action publique sur les priorités sociales,
- Hypothèse extrême si la défiance persiste : départ du chef du gouvernement, scénario déjà évoqué par plusieurs médias internationaux au regard de la pression de rue.
La suite : un rendez-vous d’arbitrage
Dans l’immédiat, la fenêtre d’atterrissage se joue entre gestes politiques concrets et discours d’arbitrage attendu au plus haut niveau à l’ouverture du Parlement en octobre. Sans actes rapides et lisibles — et sans canal de dialogue adapté à la GenZ — le coût politique pour l’Exécutif peut devenir prohibitif, avec un risque d’enkystement de la défiance.
Ce qu’il faut retenir
– Révélation décisive de Jeune Afrique : la première ligne sécuritaire estime être abandonnée par l’Exécutif et réclame des limogeages. Point de bascule.
– Inadéquation structurelle : un gouvernement procédural vs. une génération instantanée, connectée, horizontale.
– Coût du retard politique : la colère s’est nationalisée, la demande de démission du chef du gouvernement s’est banalisée dans la rue.