Comme attendu, le discours royal d’ouverture du Parlement n’a pas cédé aux pressions de l’immédiateté. Dans le respect du cadre constitutionnel, Mohammed VI s’est adressé aux élus, non à la rue, rappelant que le temps de la politique n’est pas celui de l’émotion, mais celui du devoir. Mais entre les lignes, le Souverain a livré un message clair : le Maroc écoute, agit et avance, à condition que ceux qui portent la responsabilité publique se montrent à la hauteur.
Un rappel à la responsabilité institutionnelle
En ouvrant la dernière année législative du mandat en cours, le Roi a replacé le débat sur son terrain légitime : celui de la responsabilité. Le ton a été sobre mais ferme : les députés doivent achever les réformes entamées, suivre l’exécution des projets et défendre activement les intérêts des citoyens.
Pas de diversion ni de rivalité entre politiques sociales et grands chantiers : tout concourt à un même objectif — le développement du pays et la justice territoriale.
En filigrane, le Souverain a lancé un avertissement limpide : le Maroc ne doit pas s’arrêter.
Ni les tensions sociales, ni les calculs politiques, ni les échéances électorales ne sauraient justifier une mise en pause de la dynamique nationale. Le Roi appelle à préserver la continuité de l’action publique, à maintenir la machine du développement en marche et à ne pas céder aux réflexes d’attentisme.
Un message indirect aux citoyens : le Roi écoute… et respecte la constitution
Sans jamais s’adresser directement aux voix de la rue, le discours a porté des signaux d’écoute clairs. Le Souverain a insisté sur la communication avec les citoyens, sur la pédagogie des politiques publiques et sur la responsabilité partagée des élus, partis, médias et société civile.
C’est une manière subtile de rappeler que le lien entre le Trône et le peuple passe par des institutions, non par des improvisations. Le Roi n’ignore pas les tensions sociales : il les replace dans une architecture de gouvernance durable.
Une nouvelle génération de politiques territoriales
L’axe central du discours est clair : le développement territorial est désormais la mesure du progrès national. Mohammed VI a donné des instructions précises au gouvernement :
- Accélérer l’élaboration des nouveaux programmes de développement territorial ;
- Corriger les déséquilibres entre zones urbaines et rurales dans une logique gagnant-gagnant ;
- Placer la justice sociale et spatiale au cœur de toutes les politiques publiques.
Il ne s’agit plus d’un simple principe de discours, mais d’une doctrine royale du développement, fondée sur la donnée, la technologie et la culture du résultat.
Trois priorités signalées
Le Roi a dégagé trois axes stratégiques, qui orienteront clairement l’action publique à venir :
- Les zones montagneuses et les oasis, pour corriger une précarité structurelle ;
- Le littoral national, à valoriser sans compromettre son équilibre écologique ;
- Les centres ruraux émergents, à développer comme relais d’urbanisation maîtrisée.
Ces signaux, précis et concrets, annoncent une reconfiguration territoriale de la politique économique et sociale du Royaume, un prolongement direct du Discours du Trône sur le Maroc émergent.
Le «Jugement ici-bas» approche
En conclusion, Mohammed VI a replacé la notion de responsabilité morale et éthique au cœur de la vie publique. Les élus, a-t-il dit, doivent être dignes de la confiance placée en eux et agir avec intégrité, engagement et abnégation. Le Souverain a cité le verset coranique :
« Quiconque fait un bien, fût-ce du poids d’un atome, le verra. »
Une manière spirituelle et politique d’alerter que le jour du Jugement approche, que chaque action, bonne ou mauvaise, même la plus infime, sera comptabilisée et révélée ce jour-là, et que nul acteur public n’échappe à la reddition des comptes, ici-bas comme dans l’au-delà.
Le sens du moment
En deux discours successifs, celui du Trône et celui du Parlement, le Roi a redéfini la séquence politique :
- Le Discours du Trône a fixé la vision d’un Maroc, puissance régionale en devenir, en révélant les fractures d’un pays à deux vitesses.
- Le discours parlementaire, lui, en trace la méthode, la responsabilité et la reddition des comptes.
Pas de promesse de rupture, mais une promesse de constance.
L’attente, désormais, doit céder la place à l’action.
Texte intégral du discours royal au parlement à l’occasion de l’ouverture de la première session de la 5e année législative de la 11e Législature
Louange à Dieu,
Paix et Salut sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons.
Mesdames et Messieurs les honorables parlementaires,
Avec l’aide du Seigneur, Nous ouvrons aujourd’hui la dernière année législative du mandat en cours de la Chambre des Représentants.
C’est l’occasion de vous assurer du prix que Nous attachons à votre travail, qu’il soit d’ordre législatif ou qu’il se rapporte au contrôle de l’action gouvernementale et à l’évaluation des politiques publiques.
Nous tenons aussi à saluer les efforts déployés pour relever le niveau de performance de la diplomatie partisane et parlementaire afin de mieux servir les Causes supérieures de la Nation. Nous appelons également à ce qu’en la matière, un travail plus appliqué et plus efficace soit mené dans une logique de coopération et de complémentarité avec la diplomatie officielle.
Comme il s’agit, pour les membres de la Chambre des Représentants, de la dernière année de leur mandat, Nous vous invitons à vous employer avec sérieux et responsabilité à mener à bonne fin les processus législatifs, à mettre en œuvre les programmes et les projets en chantier, à demeurer alertes et engagés à plaider la cause des citoyens.
Par ailleurs, il ne devrait y avoir ni antinomie ni rivalité entre les grands projets nationaux et les programmes sociaux, tant que le but recherché est de développer le pays et d’améliorer les conditions de vie des citoyens, où qu’ils soient.
Dans la même veine, une attention particulière doit être portée à l’encadrement des citoyens et à la communication autour des initiatives engagées par les pouvoirs publics, et des différentes lois et décisions, notamment celles ayant trait directement aux droits et aux libertés des citoyens.
Cette mission n’est pas du seul ressort du gouvernement. Elle est l’affaire de tous, et vous, les parlementaires, êtes en première ligne, car vous êtes les représentants des citoyens.
C’est aussi la responsabilité des partis politiques et des mandataires siégeant au sein des différents Conseils élus, à tous les échelons de l’organisation territoriale. Doivent également s’y associer médias, acteurs de la société civile et, globalement, toutes les forces vives de la Nation.
Mesdames et Messieurs les honorables parlementaires,
Nous avons appelé dans le dernier Discours du Trône à accélérer la marche du Maroc émergent et à lancer une nouvelle génération de programmes de développement territorial.
Ainsi que vous le savez, il s’agit d’enjeux majeurs qui débordent la limite temporelle de l’action gouvernementale et parlementaire.
Dieu soit loué, à la faveur des dynamiques que Nous avons impulsées, notre pays se fraye un chemin sûr vers une plus grande justice sociale et territoriale.
Nous nous attachons aussi à ce que les fruits de la croissance profitent à tous, à ce que les enfants du Maroc uni jouissent à égalité des droits politiques, économiques et sociaux et de bien d’autres.
Aussi, Nous considérons que le niveau du développement local est le vrai miroir du progrès du Maroc émergent et solidaire, dont nous nous employons tous à consolider le statut.
De fait, le diptyque “justice sociale et lutte contre les inégalités territoriales” est loin d’être un slogan creux, ou une priorité conjoncturelle dont l’importance pourrait décliner au gré des circonstances.
Nous le considérons plutôt comme une orientation stratégique qui requiert l’engagement de tous les acteurs, ainsi qu’un enjeu crucial qui doit imprégner les différentes politiques de développement.
Par ailleurs, le cap tracé par le Maroc émergent pour réaliser la justice sociale et spatiale exige la mobilisation de toutes les potentialités dont il dispose.
En effet, la transformation majeure que Nous entendons opérer en matière de développement territorial, requiert un changement significatif des mentalités et des méthodes de travail, ainsi qu’un véritable enracinement de la culture du résultat. Cette démarche doit reposer sur la collecte de données de terrain précises et l’utilisation des technologies numériques.
Aussi, s’agissant de la nouvelle génération de programmes de développement territorial que le gouvernement doit s’atteler à élaborer conformément à Nos orientations, Nous attendons qu’ils se caractérisent par une plus grande célérité et qu’ils produisent un impact plus fort. Ce travail doit être mené dans le respect d’une relation gagnant-gagnant entre les zones urbaines et rurales.
Il s’agit notamment des questions clés que Nous avons définies comme prioritaires, au premier rang desquelles figurent l’encouragement des initiatives locales et des activités économiques, la création d’emplois pour les jeunes, la promotion concrète des secteurs de l’éducation et de la santé, ainsi que la mise à niveau territoriale.
Et parce que toute négligence affectant l’efficacité et la rentabilité des investissements publics est inadmissible, Nous exhortons, chacun à son niveau, à lutter contre toute pratique chronophage, énergivore et avide de ressources.
Outre les directives contenues dans Notre Discours du Trône à propos du développement territorial, Nous appelons à ce que l’accent soit mis également sur les points suivants :
– Premièrement : accorder un intérêt particulier aux régions en situation de très grande précarité, notamment les zones montagneuses et les oasis, en tenant compte de leurs spécificités et de la nature de leurs besoins.
De fait, le développement territorial harmonieux ne saurait être réalisé sans une complémentarité et une solidarité effective entre les différentes zones et les diverses régions.
A cet égard, il devient indispensable de reconsidérer le développement des zones montagneuses qui couvrent 30% du territoire national. En effet, ces espaces doivent être dotés d’une politique publique intégrée qui prend en considération leurs particularités et leurs nombreuses potentialités.
– Deuxièmement : mener avec sérieux l’opérationnalisation optimale des leviers de développement durable du littoral national, y compris la loi relative au littoral et le Plan national du littoral.
Le but est de contribuer à assurer l’équilibre nécessaire entre le développement accéléré de ces espaces et les exigences de leur protection et de mise en valeur de leurs grands atouts, dans le cadre d’une économie maritime nationale, génératrice de richesse et d’emplois.
– Troisièmement : étendre le Programme National pour le développement des Centres ruraux émergents, en tant que levier adapté pour la gestion de l’urbanisation et la réduction de ses impacts négatifs.
En outre, ces centres émergents sont susceptibles de devenir un maillon efficace dans la dynamique visant à fournir aux citoyens en milieu rural des services administratifs, sociaux et économiques de proximité.
Mesdames et Messieurs les honorables parlementaires,
L’année qui se profile devant nous abonde en projets et en défis.
Dès lors, Nous attendons de vous tous, au gouvernement comme au Parlement, en tant que Majorité et au sein de l’Opposition, que vous mobilisiez toutes les énergies et toutes les potentialités et que vous fassiez prévaloir les intérêts supérieurs de la Nation et des citoyens.
Soyez, que Dieu vous garde, dignes de la confiance placée en vous et à la hauteur de la responsabilité qui vous incombe. Faites aussi preuve d’intégrité, d’engagement et d’abnégation au service de la Patrie.
Le Très-Haut dit : “Quiconque fait un bien fût-ce du poids d’un atome, le verra, et quiconque fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra”. Véridique est la parole de Dieu.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh.