Sur Sky News Arabia, la ministre de l’Économie et des Finances a livré une lecture claire des priorités du Maroc à l’heure du budget 2026. Entre les attentes exprimées par la jeunesse (GenZ212), la consolidation de l’État social et la préservation des équilibres macroéconomiques, son message se veut celui d’une confiance maîtrisée.
Loi de finances 2026 : appliquer la vision royale dans le concret
Depuis Washington, Nadia Fettah a tenu à replacer la préparation du budget 2026 dans la continuité des orientations royales. Le travail en cours au sein de son ministère vise à traduire, ligne par ligne, le cap tracé par le Roi Mohammed VI : celui d’un État social qui assume ses priorités, santé, éducation, formation, appui aux plus vulnérables, tout en veillant à maintenir la dynamique de croissance enclenchée.
La ministre évoque un travail de coordination “dans ses derniers ajustements”, où chaque ministère ajuste ses enveloppes et ses programmes à une logique nouvelle : celle des résultats mesurables. L’objectif est clair : rompre avec une approche budgétaire centrée sur les montants pour lui substituer une culture de la performance publique.
La voix de la GenZ212 comme aiguillon des politiques publiques
Sans éluder le contexte, Nadia Fettah reconnaît que la mobilisation récente de la jeunesse marocaine, qu’elle qualifie de voix forte, agit comme un rappel salutaire pour le gouvernement. Elle y voit moins une crise qu’un signal : celui d’une génération exigeante, qui réclame des effets tangibles dans son quotidien.
En réponse, la ministre promet une accélération de certains programmes à court terme, notamment dans l’éducation et la santé, tout en inscrivant les réformes sociales dans un horizon pluriannuel garantissant leur pérennité.
Cette approche traduit un changement de paradigme : le social devient un investissement productif, et non plus une dépense d’accompagnement.
Vers une gouvernance publique pilotée par la donnée
Évoquant la culture des résultats mise en avant par le Souverain, la ministre plaide pour une administration fondée sur la mesure et la transparence. Les technologies numériques et la digitalisation des services publics doivent permettre un suivi en temps réel des programmes publics et non plus une évaluation a posteriori. « Nous ne pouvons plus attendre un an pour constater si un programme a été exécuté ou non », souligne-t-elle, insistant sur la nécessité d’outils dynamiques et d’indicateurs accessibles.
Cet impératif s’inscrit également dans la recherche d’une justice territoriale, en particulier dans les zones rurales et montagneuses, souvent éloignées des circuits de la croissance.
Un Conseil des ministres attendu
Au détour de l’entretien, Nadia Fettah a indiqué qu’une réunion ministérielle présidée par le Roi devait se tenir dans les jours à venir pour définir les grandes lignes du budget.
Ce Conseil des ministres, non encore annoncé officiellement, serait destiné à valider les arbitrages sociaux et économiques du projet de loi de finances 2026, dans un contexte de forte attente populaire et d’exigence institutionnelle.
Washington : crédibilité internationale et attractivité retrouvée
Interrogée sur les réunions d’automne du FMI et de la Banque mondiale, la ministre a rappelé que la relation du Maroc avec ces institutions repose sur un dialogue constant, bien au-delà des échéances calendaires. L’essentiel, selon elle, est désormais de mobiliser de nouveaux partenaires financiers et d’élargir la base d’investisseurs internationaux.
Le reclassement du Maroc en Investment Grade par Standard & Poor’s, après 18 mois de perspective positive, marque un tournant. Il élargit le champ des investisseurs institutionnels pouvant désormais s’intéresser au Royaume, dans la finance comme dans l’économie réelle. Ce gain de confiance s’ajoute à la reconnaissance du FMI : une croissance estimée à 4,5 – 5 % pour 2024-2025, fondée sur des piliers jugés solides.
Une croissance sans dépendance sectorielle
Pour Nadia Fettah, la force de l’économie marocaine réside dans sa diversification.
Aucun secteur ne pèse plus de 10 % du PIB, ce qui garantit une résilience face aux chocs.
Elle cite l’exemple de la récente inauguration d’un complexe de production de moteurs d’avion, symbole d’une stratégie industrielle mûrie : énergies renouvelables pour la compétitivité, montée en compétences, et intégration dans les chaînes mondiales de valeur.
Le modèle marocain repose désormais sur une croissance équilibrée, portée par l’innovation et l’ouverture.
Inflation maîtrisée, dirham sous vigilance
La ministre a tenu à rappeler la coordination constante avec Bank Al-Maghrib, saluant une politique monétaire jugée “réussie”.
L’inflation, passée d’un pic de 13 % en février 2023 à moins de 1 % en 2024, illustre cette stabilité.
Quant à la flexibilisation du dirham, elle insiste : la priorité reste la préparation du tissu économique, notamment les TPE, afin que cette transition se fasse sans fragiliser les acteurs les plus vulnérables.
Cette prudence traduit une philosophie : le rythme de la réforme ne doit pas dépasser la capacité d’adaptation de l’économie réelle.
Soutenir l’État social sans creuser le déficit
La ministre reconnaît la difficulté de concilier soutien social et discipline budgétaire, mais refuse d’y voir une contradiction. Le budget social est un choix de long terme, ancré dans la vision royale, et il ne saurait être remis en cause. L’enjeu, précise-t-elle, est d’assurer la soutenabilité : mobiliser de nouvelles ressources tout en maintenant le déficit dans des proportions maîtrisées.
Ce cadre engage, selon elle, tous les gouvernements à venir : «L’État social et le déficit sont les deux piliers intangibles de la politique économique nationale.»
Un nouveau contrat de confiance
Au-delà des chiffres, le propos de Nadia Fettah dessine un contrat de confiance : entre le gouvernement et la jeunesse, entre la politique économique et la stabilité sociale, entre le Maroc et ses partenaires financiers.
Le pays entre dans une phase où la rigueur produit de la crédibilité, la crédibilité attire l’investissement, et l’investissement nourrit la cohésion nationale.
C’est dans ce cercle vertueux que la ministre inscrit la prochaine loi de finances : une équation entre discipline et inclusion, où chaque dirham dépensé devra désormais se traduire en résultat concret et mesurable.