Dans le langage du protocole de la Maison Royale, chaque déplacement, chaque audience, chaque formule protocolaire, chaque mot a un sens.
Le choix de confier à Nasser Bourita, et non à un ministre de l’Économie, ou de l’Investissement ou de l’Industrie, la représentation du Royaume à un forum économique où la délégation est composée essentiellement du patronat marocain, en l’occurrence le Invest in Senegal Forum, n’a rien d’anodin.
L’expression qui l’accompagne — « Sur Très Haute Instruction Royale » — n’est pas une simple mention administrative : c’est un marqueur.
Ce déplacement, voulu, calibré et supervisé depuis le Palais royal, s’inscrirait dans une logique à deux niveaux : interne et externe. À la fois message politique adressé à l’appareil gouvernemental et signal diplomatique envoyé à Dakar, il illustre la manière dont le Souverain orchestre ses gestes internationaux avec une précision d’orfèvre.
Ce déplacement porte la griffe d’un savoir faire séculaire : mesuré dans la forme, précis dans le timing, fort dans la symbolique.
Il intervient à un moment où le Maroc traverse une phase de tension sociale, et où l’opinion publique questionne la performance de plusieurs ministres confrontés à la colère d’une génération impatiente, connectée et lucide, la GenZ212. Dans ce climat de fragilité politique, le Roi choisit un diplomate aguerri, respecté, pour incarner la voix du Royaume à l’étranger : un visage de constance, de maîtrise et d’équilibre.
Maroc-Sénégal : Entre continuité historique et réajustement diplomatique
Depuis l’avènement du président Bassirou Diomaye Faye, les relations entre le Maroc et son allié historique, le Sénégal, n’ont connu ni rupture ni saut qualitatif notable. Elles demeurent portées par un socle rare en Afrique : un respect mutuel profond entre les peuples, et une admiration constante du Sénégal pour la monarchie marocaine, perçue à la fois comme un leadership spirituel et un modèle de stabilité et de clairvoyance.
Pourtant, dans les cercles diplomatiques, la présence prolongée de l’ancien président Macky Sall au Maroc n’est pas sans susciter de discrètes réserves du côté de Dakar. L’ex-chef d’État, qui a transféré au Royaume une partie de ses activités économiques, conserve une influence intacte sur la vie politique sénégalaise, un fait qui oblige Rabat à exercer sa traditionnelle prudence diplomatique, entre fidélité et équilibre.
La mission de Nasser Bourita à Dakar prend ainsi un message fort du Royaume exprimant sa volonté de préserver la profondeur historique de sa relation avec le Sénégal, tout en ouvrant une nouvelle phase de coopération économique partagée et maîtrisée.
La sémantique même de la Très Haute Instruction vient renforcer ce message : elle marque une implication directe du Souverain et signale que l’avenir du partenariat maroco-sénégalais est désormais traité au plus haut niveau.
Laquelle volonté s’est traduite par la présence d’une importante délégation économique marocaine, emmenée par la CGEM et regroupant plusieurs acteurs majeurs des secteurs bancaire, énergétique, médical et industriel. Une manière de rappeler que la prospérité du continent passe par des alliances sud-sud solides, durables et mutuellement bénéfiques.
Les deux temps forts de la visite de Nasser Bourita à Dakar
1. Ousmane Sonko reçoit Nasser Bourita
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a reçu mardi à Dakar le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en marge du forum Invest in Senegal.
Les entretiens ont porté sur le partenariat stratégique entre Rabat et Dakar et sur la préparation des prochaines échéances bilatérales, illustrant la volonté commune de donner un nouvel élan à la coopération économique et institutionnelle entre Rabat et Dakar.
2. Audience présidentielle
Quelques heures plus tard, le président Bassirou Diomaye Faye a reçu Nasser Bourita, porteur d’un message du Roi Mohammed VI.
Le ministre a réitéré la volonté du Souverain de consolider un partenariat fort et multidimensionnel, tandis que le président sénégalais a exprimé son engagement à en faire un modèle de référence.