La Turquie renforce l’armée syrienne : armes avancées et conseiller militaire

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La Turquie s’apprête à jouer un rôle clé dans la restructuration de l’armée syrienne en fournissant des équipements militaires de pointe, comprenant des avions de combat, des systèmes de défense antiaérienne et des véhicules blindés. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’accords de défense conjoints et des relations fraternelles entre Ankara et Damas. Par ailleurs, un officier turc de haut rang sera nommé conseiller militaire au sein du ministère syrien de la Défense, marquant une étape significative dans la coopération bilatérale.

Le 8 décembre 2024, une révolution menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a renversé Bachar el-Assad, mettant fin à 61 ans de régime baasiste et à 13 ans de guerre civile.Il faut dire que Bachar al-Assad, des mois durant, avait minutieusement orchestré sa fuite et celle de sa famille. Résultat, Ahmed al-Sharaa, ancien chef militaire de HTS, est devenu président intérimaire en janvier 2025, promettant stabilité et justice. Depuis, la Syrie est déchirée par des violences internes et des rivalités régionales impliquant entre autres la Turquie, le Qatar, l’Iran et Israël.

Tentative de coup d’État

Le 6 mars 2025, alors qu’Ahmed al-Sharaa participait au sommet arabe d’urgence au Caire (« Sommet pour la Palestine ») pour discuter de la situation palestinienne, des violences ont éclaté dans les provinces côtières de Lattaquié et Tartous, fiefs alaouites de l’ex-régime Assad. Selon le New York Times (10 mars 2025), plus de 1 300 personnes, dont 1 000 civils majoritairement alaouites, ont été tuées en quelques jours, suite à une embuscade de loyalistes pro-Assad contre les forces de sécurité gouvernementales. Ces affrontements, les plus meurtriers depuis décembre 2024, ont été interprétés comme une tentative de coup d’État orchestrée en l’absence de Sharaa, visant à exploiter sa visite au Caire pour déstabiliser son régime naissant. Le gouvernement a riposté avec une répression brutale, déployant drones, chars et artillerie, tandis que Sharaa, de retour, a formé une commission d’enquête pour identifier les responsables, y compris parmi ses propres forces.

Frappes israéliennes sur Damas : une menace persistante

Parallèlement, Israël a intensifié ses frappes aériennes sur Damas depuis décembre 2024, ciblant des dépôts d’armes et des infrastructures militaires pour empêcher HTS ou d’autres groupes de s’en emparer. Ces raids, justifiés par Israël comme une mesure préventive contre des menaces transfrontalières, ont fragilisé l’autorité de Sharaa. Lors du sommet du Caire le 5 mars, Sharaa a appelé les pays arabes à condamner l’« agression israélienne » et à exiger un retrait des incursions israéliennes dans le sud syrien, notamment dans le Golan occupé. Les violences côtières, débutant le lendemain de son discours, ont détourné l’attention de cette priorité diplomatique.

Réactions turques : entre diplomatie et soutien stratégique

La Turquie, principal soutien de HTS et de Sharaa, a réagi aux crises multiples. Face aux frappes israéliennes, Ankara a maintenu une posture ferme mais mesurée. Dès décembre 2024, des mises en garde ont été adressées à Israël pour cesser ses raids et quitter le Golan, tandis que Hakan Fidan, le chef de la diploamtie et ancien maître espion d’Ankara dénonçait les ingérences déstabilisatrices.

Des informations non corroborées par des sources officielles ont rapporté que la Turquie aurait déployé 13 chasseurs de combat pour contrer une tentative israélienne d’attiser les tensions entre Druzes près de Damas, une action interprétée comme une riposte directe. Par ailleurs, la Turquie a consolidé ses positions dans le nord syrien via la Syrian National Army (SNA), qu’elle soutient, . Lors des troubles côtiers et de la tentative de coup d’État, la Turquie a intensifié son soutien à Sharaa pour sécuriser son régime

Indices d’actions militaires turques : entre rumeurs et renforts

La récente visite d’une délégation turque en Syrie, marquée par des annonces de coopération militaire, positionne Ankara comme un acteur central dans un pays convoité par plusieurs puissances régionales. Cet engagement, qui inclut la fourniture d’armes avancées et la nomination d’un conseiller militaire, intervient dans un contexte de bouleversements internes et d’intérêts concurrents.

Le timing de cette visite peut être analysé sous quatre angles :

  1. L’accord entre Ahmed al-Sharaa, chef du gouvernement intérimaire syrien issu de la révolution du 8 décembre, et Mazloum Abdi, commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes, visant à désarmer et intégrer ces forces dans l’armée syrienne,
  2. L’annonce prochaine d’un nouveau gouvernement à Damas, dirigé par al-Sharaa en tant que président exécutif,
  3. L’échec d’une tentative d’insurrection à Lattaquié et Tartous, attribuée aux restes de l’armée d’Assad soutenus par l’Iran,
  4. Les agissements d’un groupe druze lié à Israël, perçu comme une tentative de déstabilisation.

Le jeu de la Turquie face aux puissances rivales

Depuis la chute du régime baasiste le 8 décembre, la Syrie est un théâtre d’influences conflictuelles. L’Iran, allié historique d’Assad, cherche à maintenir son emprise via des milices et des poches de résistance, comme à Lattaquié et Tartous. Israël, préoccupé par l’axe iranien et la sécurité de sa frontière, multiplie les frappes et soutient des groupes locaux, notamment druzes. Les Émirats arabes unis, moins visibles militairement, investissent dans la reconstruction et cherchent à façonner un gouvernement syrien modéré pour limiter l’influence turco-quatarie et iranienne.

Dans ce contexte, la Turquie s’impose comme un acteur militaire décisif. Elle propose d’équiper l’armée syrienne, sous la direction d’Ahmed al-Sharaa, avec des avions de combat, des systèmes de défense antiaérienne et des véhicules blindés, tout en dépêchant un officier comme conseiller au ministère de la Défense. Cet appui vise à consolider un pouvoir central aligné sur ses priorités, notamment l’élimination de la menace du PKK-YPG, que Mazlum Abdi dirige via les FDS.

Une évaluation prudente

L’accord ratifié entre Ahmed al-Sharaa et Mazloum Abdi, qui engage ce dernier à désarmer ses forces kurdes pour les intégrer sous l’autorité du nouvel homme fort de la Syrie, est scruté par Ankara. Hakan Fidan, ministre turc des Affaires étrangères et ex-chef du renseignement, adopte une posture réservée : « Je me concentre sur les résultats et suivrai cela jusqu’au bout. » Cette méfiance reflète une volonté de limiter les risques d’instabilité, que l’Iran ou Israël pourraient exploiter. Les Émirats, quant à eux, observent, prêts à ajuster leur stratégie si la Turquie renforce trop son influence militaire.

L’application sous tension

La mise en œuvre de l’accord reste fragile. La dissolution du PKK-YPG, potentiellement actée en avril, et l’intégration des 20 000 combattants des FDS, dirigés par Mazloum Abdi, dans l’armée syrienne dépendront de la capacité d’al-Sharaa à unifier le pays avec l’appui turc. L’Iran pourrait saboter ce processus via ses proxies, tandis qu’Israël, inquiet d’une armée syrienne modernisée, risque d’intensifier ses frappes. Les Émirats, en coulisses, pourraient privilégier des leviers économiques et de lobbying pour peser sur al-Sharaa.

Coopération militaire : un levier turc

La Turquie déploie un arsenal stratégique : ses troupes restent dans les zones nord-syriennes (Bouclier de l’Euphrate, Rameau d’Olivier, Source de Paix), et une nouvelle délégation militaire est attendue à Damas. Elle équipe l’armée d’al-Sharaa avec des technologies avancées et implante un conseiller turc au ministère de la Défense.

Un nouveau gouvernement syrien qui tarde à se former

Ahmed al-Sharaa était censé présenter la liste d’un nouveau gouvernement le 1er mars, en raison de l’expiration du gouvernement de transition instauré après la chute d’el-Assad. Ce nouveau gouvernement devrait adopter un système présidentiel unitaire, dirigé par al-Sharaa, qui cumulera les pouvoirs exécutifs, entraînant la suppression du poste de Premier ministre. Un ministère de l’Énergie sera créé pour gérer les gisements pétroliers des zones contrôlées par le PKK-YPG, un enjeu stratégique que l’appui militaire turc contribuera à sécuriser.

Ce gouvernement inclusif devrait refléter la diversité syrienne : Kurdes, Arabes, Alaouites, Chrétiens et Turkmènes y seront représentés proportionnellement. La présence de Turkmènes, ainsi que de figures pro-turques, renforce l’influence d’Ankara, soutenue par son engagement militaire.

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