L’armée française teste la cyber guerre : un Griffon de 24,5 tonnes paralysé en exercice

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L’immobilisation, lors d’un exercice militaire français, d’un blindé Griffon de 24,5 tonnes par un appareil électronique modifié n’est pas un simple fait divers technique. Elle cristallise une transformation profonde de l’art de la guerre : la tactique numérique s’infiltre désormais dans les rouages de la puissance conventionnelle, avec un impact potentiellement stratégique.

Alors que 15 000 soldats participaient à l’exercice DEFNET, cette cyberattaque simulée a révélé l’ampleur des vulnérabilités des systèmes interconnectés qui équipent les armées modernes.

Au sein de l’exercice Cyber DEFNET 25, l’armée française a simulé des cyberattaques tactiques sur ses propres équipements. L’un des enseignements les plus marquants du retour d’expérience (RETEX) : un simple télémètre modifié a permis de mettre hors service un blindé Griffon de 24,5 tonnes en quelques secondes.

Ce scénario, bien que simulé, expose avec clarté les vulnérabilités critiques des systèmes militaires interconnectés et la nécessité d’intégrer la cyberdéfense dès la conception des opérations terrestres.

Une vulnérabilité systémique des forces mécanisées

Le véhicule Griffon n’est pas un blindé ordinaire. Il incarne la modernisation de l’armée française au sein du programme Scorpion, qui vise l’interopérabilité des unités grâce à des réseaux tactiques numérisés. Cette interconnexion est une force, mais devient aussi un talon d’Achille.

Ce type d’exercice démontre que l’effet paralysant d’un télémètre modifié n’est pas une hypothèse d’école : des acteurs étatiques ou non étatiques, bien équipés sur le plan cybernétique, pourraient désactiver une unité entière sans tirer un seul coup de feu.

Des approches convergentes… et divergentes

La France, en structurant une doctrine de réaction en plusieurs phases – isolation, sécurisation, contre-mesures, restauration et analyse – rejoint les grandes puissances militaires dans la reconnaissance du cyberespace comme cinquième dimension du champ de bataille, aux côtés de la terre, de l’air, de la mer et de l’espace.

Mais comparée à d’autres pays, la doctrine française reste plus défensive et structurée autour de la résilience, là où :

  • Les États-Unis, via le U.S. Cyber Command, développent une stratégie offensive assumée dite persistent engagement, visant à désorganiser l’adversaire avant même qu’il n’attaque.
  • Israël, par le biais de l’unité 8200, intègre les capacités cyber directement dans ses opérations spéciales, avec un maillage ultra serré entre renseignement, électronique, et cinétique.
  • La Russie, elle, mise sur une doctrine hybride mêlant désinformation, sabotage et guerre électronique pour influencer les perceptions autant que les dispositifs matériels, comme observé en Ukraine.

La guerre morale et informationnelle

Ce type d’attaque a également une portée informationnelle et psychologique. Immobiliser un véhicule de 24,5 tonnes avec un appareil bricolé suscite un effet de sidération. En cas de conflit, une telle démonstration pourrait être exploitée pour démoraliser les troupes, semer le doute sur l’efficacité des équipements, ou nourrir des campagnes de désinformation à l’échelle internationale.

L’armée française a donc intégré la réponse informationnelle à son protocole de crise. Cette capacité à reprendre le contrôle du récit est aujourd’hui un volet essentiel de la souveraineté.

Vers une cybersécurité tactique de nouvelle génération

L’exercice DEFNET 25 n’était pas un simple entraînement. Il marque une nouvelle étape dans la militarisation du cyberespace. Il rappelle que la supériorité technologique ne vaut que si elle est protégée. Ce constat appelle une montée en puissance :

  • de l’intégration native de la cybersécurité dans le développement des systèmes d’armes,
  • de la formation au combat électronique dès les écoles militaires,
  • et de la coopération renforcée avec les acteurs civils et industriels du numérique.

Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, les prochaines batailles pourraient bien être gagnées ou perdues dans l’invisible. Le blindé neutralisé est un signal d’alerte : ce n’est plus une question de si, mais de quand.

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