Le Sultan Haitham en Algérie : Que cherche vraiment Oman dans le bunker paranoïaque algérien ?

Alors que Donald Trump annonçait la fin de l’accord nucléaire iranien et un cessez-le-feu surprise avec les Houthis, le sultan d’Oman effectuait un déplacement historique à Alger. Cette séquence synchronisée interroge.

La visite d’État du sultan Haïtham ben Tariq en Algérie, les 4 et 5 mai 2025, a marqué une étape diplomatique inattendue entre les deux pays. C’est la première fois qu’un chef d’État omanais se rend officiellement à Alger depuis plusieurs décennies. Accueilli avec faste par le président Abdelmadjid Tebboune, le souverain omanais a supervisé la signature de plusieurs accords économiques d’envergure, dont la création d’un fonds d’investissement bilatéral de 300 millions de dollars et la formation d’une coentreprise dans les services pétroliers entre Sonatrach et Abraj Energy Services, filiale du groupe omanais OQ. Les deux dirigeants ont salué une «étape nouvelle”»dans leurs relations, affirmant leur volonté de renforcer la coopération dans les domaines de l’énergie, des mines, de la logistique et de l’agriculture.

Une chorégraphie bien réglée

Deux événements en apparence sans lien secouent la scène géopolitique. D’un côté, Donald Trump, fidèle à son style spectaculaire, annonce un double coup diplomatique : l’arrêt définitif du dialogue nucléaire avec l’Iran et un accord de cessez-le-feu avec les Houthis, négocié dans le plus grand secret à Mascate. De l’autre, à Alger, le sultan Haïtham ben Tariq est accueilli avec les honneurs par Abdelmadjid Tebboune. Résultat concret : un fonds d’investissement conjoint de 300 millions de dollars et un partenariat stratégique entre Sonatrach et Abraj Energy Services.

Ces gestes ne peuvent être dissociés d’un contexte plus vaste : celui d’une redéfinition silencieuse mais ferme des rôles de chaque acteur dans le théâtre du Moyen-Orient.

Le nouveau grand échiquier de Trump

Depuis son retour à la Maison Blanche, Trump a procédé à une redistribution claire des fonctions régionales :

  • Qatar et Turquie sont repositionnés sur le dossier syrien.
  • Arabie Saoudite prend le leadership sur l’axe Ukraine–Russie, au nom de la sécurité énergétique.
  • Émirats arabes unis sont désormais le pivot du triangle Égypte–Israël–Soudan.
  • Oman, fidèle à son rôle traditionnel de médiateur discret, est chargé du canal indirect avec Téhéran et des dossiers sensibles comme les Houthis.

À travers ce prisme, la visite du sultan Haitham en Algérie n’est ni anodine ni purement économique : elle pourrait indiquer que Mascate est mandaté pour sonder, voire recadrer, un régime algérien isolé et de plus en plus imprévisible.

L’Algérie, membre marginal mais agité de l’axe Iran–Russie

Depuis plusieurs années, Alger affiche ostensiblement sa proximité stratégique avec Téhéran et Moscou. Coopérations militaires, coordination énergétique, rhétorique anti-occidentale : l’Algérie s’est enfermée dans un axe qui l’éloigne non seulement du Maroc, mais aussi de l’Europe (France, Espagne) et du Golfe.Ce positionnement devient cependant problématique dans le nouveau jeu de Trump. En marge, mais bruyante, l’Algérie pourrait être incitée à assouplir son approche. En ce sens, la visite du sultan d’Oman apparaît comme un test de disponibilité : Alger est-elle prête à s’arrimer à un ordre régional piloté par Washington, même indirectement ?

Vers un rôle de médiation pour Alger ?

La question peut paraître provocante tant l’Algérie s’est enfermée dans une logique de confrontation permanente : avec le Maroc bien sûr, mais aussi avec l’Espagne, la France, et plus récemment le Sénégal et les EAU.

Mais à y regarder de plus près, ce rapprochement avec Oman pourrait être une tentative d’offrir à Alger une porte de sortie honorable. Un rôle de médiateur africain ? Un canal vers certaines factions iraniennes ou vers Moscou ? Une future plateforme logistique conjointe Oman–Algérie en Méditerranée occidentale ?

Ce que cherche réellement Oman

Oman n’est pas là pour les hydrocarbures algériens. Son objectif est diplomatique, stratégique, et peut-être même préventif. Car un régime algérien acculé, surarmé et sans relais internationaux est une menace potentielle pour la stabilité du Maghreb. En engageant une relation économique officielle, le sultanat cherche peut-être à neutraliser les frictions futures et à ramener Alger dans un jeu plus coopératif.

Alger peut-elle changer de rôle ?

Si l’Algérie s’ouvre, même timidement, à une logique de désescalade, ce sera d’abord grâce à des signaux indirects comme cette visite d’Oman. Encore faut-il que le régime algérien accepte de passer du rôle d’agitateur à celui de médiateur — un costume qu’il n’a jamais su enfiler jusqu’ici.

Mais le timing et la mise en scène de cette visite indiquent une chose : le Maghreb est désormais pleinement intégré dans les nouvelles logiques d’alliances redessinées par Trump, et chaque capitale est sommée de choisir son rôle.

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