Rabat–Nouakchott : Laftit pivot de la continuité d’une diplomatie territoriale pensée au sommet de l’État

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Dans un contexte régional marqué par l’instabilité et la quête de modèles de gouvernance efficaces, la visite à Rabat du ministre délégué mauritanien à la décentralisation met en lumière un levier diplomatique discret mais stratégique : celui de la coopération territoriale. En recevant son homologue à la tête d’une importante délégation, Abdelouafi Laftit s’impose comme le pivot opérationnel d’une diplomatie territoriale structurée, inscrite dans la continuité d’une vision étatique portée par le sommet de l’État. À travers l’exportation maîtrisée de son modèle de régionalisation, le Maroc affirme sa capacité à irriguer son voisinage sahélien d’une influence institutionnelle stabilisatrice.

À Rabat, ce lundi 5 mai 2025, le ministre marocain de l’Intérieur Abdelouafi Laftit a accueilli son homologue mauritanien, le ministre délégué chargé de la décentralisation et du développement local, M. Yacoub Ould Salem Fall. Une visite de travail étalée sur cinq jours, à la tête d’une délégation de haut niveau, qui dépasse le simple cadre administratif pour s’inscrire dans une reconfiguration silencieuse mais structurante de la coopération régionale au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Un dialogue institutionnel au service de la stabilité

Au premier regard, les échanges peuvent sembler techniques : gouvernance locale, gestion des déchets solides, transformation numérique des collectivités, urbanisme, planification territoriale. Mais derrière ces thématiques, c’est une grammaire diplomatique nouvelle qui s’écrit entre Rabat et Nouakchott. Celle d’une alliance stabilisatrice fondée non sur la force armée, mais sur la consolidation de l’État local — maillon faible de nombreux pays sahéliens.

En partageant son expérience de la régionalisation avancée, le Maroc propose à la Mauritanie un modèle de gouvernance fondé sur la subsidiarité, la responsabilisation locale et l’anticipation des fractures territoriales. Un soft power à la marocaine, nourri par deux décennies de réforme institutionnelle et de déploiement logistique sur l’ensemble du territoire national.

Un levier Sud-Sud à portée géopolitique

Cette rencontre intervient dans un contexte de recomposition des alliances africaines, marqué par la montée en puissance des coopérations Sud-Sud comme alternative crédible aux injonctions des bailleurs traditionnels. À travers cette initiative, le Maroc confirme sa stratégie d’ancrage au Sahel par la diplomatie des territoires, un levier moins médiatisé mais hautement stratégique.

En s’appuyant sur les collectivités territoriales comme vecteurs de partenariat, Rabat contourne les fragilités des États centraux et plante les germes d’une interconnexion décentralisée des politiques publiques africaines. Une manière aussi d’ouvrir la voie à des projets structurants dans les domaines de l’énergie, des infrastructures ou de la résilience climatique, en s’appuyant sur des réseaux de coopération horizontale.

Vers une diplomatie territoriale à haute valeur ajoutée

Au-delà des intentions, les discussions entre les deux ministres ont mis en lumière des résultats concrets déjà atteints : projets conjoints entre collectivités marocaines et mauritaniennes, initiatives de renforcement des capacités, et volonté affichée d’institutionnaliser ces relations via des mécanismes pérennes.

C’est là que le Maroc tente un coup diplomatique subtil : transformer le partenariat décentralisé en colonne vertébrale d’une alliance géostratégique plus vaste. Une alliance qui, sans jamais se substituer aux canaux bilatéraux classiques, crée une dynamique parallèle portée par les territoires, plus proche des citoyens et mieux à même de répondre aux défis immédiats de la région.

Quand le geste royal insuffle l’action territoriale

La visite à Rabat du ministre mauritanien chargé de la décentralisation, et les discussions menées avec Abdelouafi Laftit, ne sont pas un geste isolé. Elles s’inscrivent dans un moment diplomatique fort, une semaine seulement après l’audience accordée par le Roi Mohammed V aux ministres des Affaires étrangères des trois pays de l’Alliance des États du Sahel.

Ce coup de maître royal, salué par le monde entier, a repositionné le Maroc comme acteur pivot de l’intégration sahélienne. Sur cette toile de fond, l’action de Laftit apparaît comme le prolongement opérationnel d’une stratégie d’État articulée : pendant que le Souverain trace les lignes d’horizon de l’axe atlantique sahélien, le ministère de l’Intérieur enracine sur le terrain les bases d’une coopération territoriale sud-sud durable, fonctionnelle et profondément politique. Une diplomatie sans apparat, mais aux effets concrets et structurants.

Du local au global, une vision d’intégration stabilisatrice

La visite de la délégation mauritanienne, encadrée au plus haut niveau par les deux chefs d’État – le Roi Mohammed VI et le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani – illustre la convergence d’intérêts entre deux nations frontalières qui entendent faire du développement local un socle de paix et de prospérité partagée.

Dans un espace sahélo-maghrébin fragilisé par les rivalités sécuritaires, l’approche maroco-mauritanienne par la décentralisation pourrait bien devenir un modèle d’intégration douce et résiliente. Une diplomatie discrète, mais aux ambitions claires : arrimer l’Afrique de l’Ouest au dynamisme institutionnel du Maroc, et faire des territoires des acteurs à part entière du projet continental.

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