De retour au Caire, après un crochet par Amman, le président égyptien Abdelfattah al-Sissi rentre d’une visite officielle aux Etats-Unis auréolé de tous les superlatifs possibles et imaginables par lesquels l’Administration américaine peut encenser un dirigeant arabe. Il est désormais détenteur d’un ordre du jour signé Trump qui lui indique, dans le détail, le cap à suivre et la démarche à entreprendre dans une région proche-orientale à feu et à sang.
Qualifié d’allié stratégique par Washington, le président al-Sissi est en réalité devenu le nouveau bras armé de la politique américaine au Moyen-Orient pour faire face à l’extrémisme et combattre le terrorisme, pour réenclencher un semblant de dialogue entre palestiniens et israéliens et, aux côtés de l’Arabie saoudite et de la Jordanie, constituer ce qui est communément appelé un axe sunnite par opposition à l’axe chiite mené par l’Iran et ses satellites le Hezbollah libanais et les milices houtis au Yémen.
Le choix porté par les américains sur le président égyptien n’est pas fortuit. Abdelfattah al-Sissi a, durant des mois, tout parié sur le cheval Trump, et ce durant toute la campagne électorale qui a précédé les élections présidentielles de novembre 2016. Banni par Barack Obama et taxé par l’ancienne administration américaine de « putschiste», al-Sissi a fait un pari risqué.
Getting ready to meet President al-Sisi of Egypt. On behalf of the United States, I look forward to a long and wonderful relationship.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 3, 2017
It was an honor to welcome President Al Sisi of Egypt to the @WhiteHouse as we renew the historic partnership between the U.S. and Egypt. pic.twitter.com/HE0ryjEFb6
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 3, 2017
Homme du Pentagone lorsqu’il officiait en qualité de Chef d’Etat-major de l’armée égyptienne sous l’ancien président Morsi, puis très proche des russes dans une phase postérieure, al-Sissi n’est pas fidèle en alliances. On l’a vu tourner le dos sans scrupule à ses bienfaiteurs saoudiens et émiratis, et retomber aujourd’hui dans leurs bras sur ordre de Washington. Et si Trump a décidé de “miser” sur lui c’est par pur opportunisme politique.
En effet, l’influence grandissante de Moscou, de la mer Méditerranée à l’Asie centrale, fait craindre à Washington une perte de domination politique et territoriale notamment en présence des Ve et VIe Flottes de l'US Navy ainsi que des bases américaines dans la presqu’île arabique, faisant face à une imposante armada russe à Tartous en Syrie.
Aux yeux de Trump, l’importance de l’Egypte (re)devient stratégique à cause non seulement du Canal de Suez, passage obligé de 40% du commerce mondial, mais aussi en tant qu’affluent névralgique au carrefour de l’Asie, de l’Afrique, de la Mer Rouge, de la Méditerranée et estuaire du Nil. Sans oublier les 90 millions d’habitants -à 99% musulmans sunnites dont la moitié vit sous le seuil de la pauvreté- qu’il faut contenir et canaliser au risque de constituer une bombe à retardement, véritable menace pour l’Occident.
The US delivered 8 new F16s to the Egy Air Force this week - watch them fly over Cairo! #تحيا_مصر https://t.co/5CjJw7xqOh
— US Embassy Cairo (@USEmbassyCairo) July 31, 2015
L’urgence aujourd’hui pour Washington est d’activer l’axe Ryadh-Le Caire-Amman dont elle est acteur central, car le calendrier géopolitique international n’attend pas et les défis sont majeurs, en termes militaires et sécuritaires certes mais aussi et surtout en terme de développement humain et économique. Et le président al-Sissi le sait très bien : il ne peut réussir dans la feuille de route qui lui a été soumise par Trump que s’il répond illico presto aux attentes d’une Egypte aux bords d’une implosion sociale aux conséquences dramatiques, incalculables et imprévisibles.
Abdellah EL HATTACH Follow @aelhattach