Le ton est monté d’un cran ce dimanche entre Moscou et l’Iran d’une part et Washington et ses alliés d’autre part au sujet des allégations d’une attaque à l’arme chimique perpétrée samedi par le régime d’Al-Assad contre la ville syrienne de Douma dans la Ghouta orientale avec un lourd bilan provisoire de pertes de vies humaines. Une guerre de communiqués s’est installée entre les deux camps avec des menaces de représailles américaines. Chronologie d’une escalade.
Les forces syriennes sont soupçonnées d’avoir commis le samedi 8 avril un nouveau massacre à l’arme chimique à Douma, dans la Ghouta orientale, ville sous contrôle de l’opposition, faisant au moins 150 morts et des centaines de blessés parmi les civils au milieu de craintes d’une augmentation du nombre des victimes, rapportent des agences de presse internationale citant la protection civile, l’Observatoire syrien des droits de l’homme et l’opposition syrienne, sans que cela ne soit vérifié de sources indépendantes.
Vendredi, le régime a lancé de lourdes attaques aériennes et terrestres contre Douma.
Des sources locales ont rapporté que la raison de la reprise des attaques est due à l'échec de la Russie et la faction Jaïch al-Islam dans la ville pour arriver à un accord sur la trêve et l'évacuation comme cela est arrivé avec le reste de la Ghouta.
Au cours de la semaine dernière, des milliers de personnes ont quitté, y compris les combattants de l'opposition et de leurs familles, la Ghouta orientale en direction des régions dans les provinces d'Alep, Idlib et Hama, après près de deux mois d'une répression violente par les forces du régime avec le soutien russe utilisant des bombes incendiaires et des gaz toxiques.
L’armée de l’air syrienne a repris ses bombardements ce dimanche contre la ville
Plus tôt dans la journée, la télévision officielle syrienne avait cité une source officielle gouvernementale affirmant que les négociations avec l'Armée de l'Islam commenceraient plus tard ce dimanche à la demande de cette faction armée.
Négociations qui ont bien eu lieu. Et ce dimanche soir, le ministère de la défense russe confirme qu’un accord a été trouvé : 8000 éléments armés de "l’Armée de l’Islam" vont quitter Douma avec leurs familles à bord de 100 autocars en deux fois.
Côté réactions, le département d'Etat américain a déclaré samedi que les Etats-Unis suivaient les développements faisant état d'une éventuelle attaque chimique en Syrie et que la Russie devrait prendre ses responsabilités si l'incident impliquait l'utilisation d'armes chimiques mortelles.
"L'histoire du régime dans l'utilisation d'armes chimiques contre son peuple ne fait aucun doute ... La Russie porte finalement la responsabilité du ciblage brutal d'innombrables Syriens avec des armes chimiques", a déclaré Heather Nauret, porte-parole du Département d’Etat.
Hezther a ajouté que "les informations faisant état de victimes à grande échelle dans une attaque chimique à Douma, dans la Ghouta en Syrie, sont effroyables et, si elles sont confirmées, elles exigent une réponse internationale".
La réponse de Moscou est tombée ce dimanche après-midi midi balayant la prise de position de Washington. Le ministère russe des affaires étrangères qualifie les rapports faisant état d’attaques contre Douma de faux et une tentative pour protéger les terroristes; ajoutant que toute intervention militaire en Syrie aura des conséquences graves et une justification pour le recours à la force étrangère.
De son côté, le ministère russe de la Défense a réfuté ce dimanche les allégations américaines, d'après le chef du Centre russe de réconciliation des parties belligérantes en Syrie, le général Yuri Yevtushenko.
Selon le général, les allégations selon lesquelles une bombe à canon chlore aurait été larguée à Douma par les forces armées syriennes ont été le fait d'organisations non gouvernementales dites indépendantes, dont les Casques blancs, largement connus pour leurs fausses nouvelles : "Nous rejetons fermement cette information et confirmons notre disponibilité après la libération de Douma des militants pour envoyer des spécialistes russes en radioprotection, protection chimique et biologique pour recueillir des données pour confirmer que ces déclarations sont fabriquées", a souligné le chef du centre, qui relève du Ministère russe de la Défense.
Réponse du berger à la bergère, il s'agit-là d'un réel avertissement aux Américains qui avaient lancé sur ordre de Donald Trump, il y a tout juste un an, le 7 avril 2017, pas moins de 59 missiles contre la base aérienne de Shayrat, près de Homs en riposte à l’attaque à l’arme chimique contre Khan Cheikhoun.
"Ce soir, j'ai ordonné une frappe militaire ciblée sur une base aérienne en Syrie d'où a été menée l'attaque chimique contre la localité de Khan Cheikhoun", avait annoncé Donald Trump dans un discours à la nation.
Il est à rappeler à ce sujet que la semaine écoulée, les ministres des Affaires étrangères de la France, de la Grande Bretagne, de l’Allemagne et des Etats-Unis avaient publié un communiqué commun à l’occasion du premier anniversaire de l’attaque chimique contre Khan Cheikhoun, rappelant les atrocités du régime d’Al- Assad contre son peuple et de la nécessité de la reddition des comptes.
Many dead, including women and children, in mindless CHEMICAL attack in Syria. Area of atrocity is in lockdown and encircled by Syrian Army, making it completely inaccessible to outside world. President Putin, Russia and Iran are responsible for backing Animal Assad. Big price...
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) April 8, 2018
Donald Trump est revenu à la charge ce dimanche après la mise au point russe à travers deux tweets des plus menaçants rendant responsables Poutine, la Russie et l’Iran de soutenir «l’animal Al-Assad» en écrivant en substance : «Beaucoup de morts, y compris des femmes et des enfants, dans une attaque chimique stupide en Syrie. La zone d'atrocité est verrouillée et encerclée par l'armée syrienne, la rendant complètement inaccessible au monde extérieur. Le président Poutine, la Russie et l'Iran sont responsables de soutenir l’animal Assad. Il paiera un prix fort. Ouvrez la zone immédiatement pour l’aide médicale. Une autre catastrophe humanitaire sans aucune raison. Malade ! ».
Trump a été bien entendu par la France qui, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a déclaré que Paris assumera toutes ses responsabilités. Il a également demandé la réunion d’urgence du Conseil de sécurité. Demande formulée aussi par 9 membres sur les 15 que compte le Conseil de sécurité. Elle aura lieu lundi 10 avril.
Pour sa part, le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué que "ces allégations et accusations portées par les Etats-Unis et certains pays occidentaux sont une indication d'un nouveau complot contre le gouvernement et le peuple syriens, et un prétexte pour une action militaire qui va inévitablement compliquer davantage la situation dans ce pays et dans la région".
Allons-nous assister à un remake et à une escalade entre Moscou et Washington et leurs alliés sur le front syrien dans cette nouvelle guerre froide qui risque de devenir brûlante à tout moment ?