Le Yémen, pays en proie à une grave crise humanitaire due à la guerre, a annoncé vendredi un premier cas de contamination au nouveau coronavirus, faisant craindre aux ONG des répercussions catastrophiques en cas de propagation de l'épidémie.
Un cessez-le-feu décrété unilatéralement à partir de jeudi par la coalition militaire menée par l'Arabie saoudite, alliée du pouvoir au Yémen, ne semblait pas tenir, des frappes aériennes ayant visé des cibles des rebelles Houthis quelques heures après son entrée en vigueur, selon des sources des belligérants.
En décrétant cette trêve unilatérale avant l'annonce du premier cas au Yémen, Ryad a dit espérer qu'elle permettrait de lutter contre la maladie Covid-19 dans ce pays pauvre menacé également par la famine, frappé par des épidémies de dengue et choléra et qui souffre d'un système de santé en déliquescence.
Le conflit déclenché en 2014 au Yémen entre pouvoir et rebelles soutenus par l'Iran, a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils, selon des organisations humanitaires, et provoqué la pire crise humanitaire au monde avec 24 millions de Yéménites dépendant des aides d'après l'ONU.
«Le premier cas confirmé de nouveau coronavirus a été recensé dans la province de Hadramout (sud)», a indiqué sur Twitter la commission gouvernementale sur la pandémie.
La personne contaminée dans la localité de Chahr reçoit des soins médicaux et son état est stable, a précisé ce comité, dirigé par le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale. Vendredi, un couvre-feu de 24 heures a été imposé à Chahr et ses environs.
«C'est le moment que nous craignions tous, car le Yémen est sous-équipé face au virus, avec seulement la moitié des établissements de santé encore opérationnels», a réagi Xavier Joubert, directeur de l'ONG Save the Children au Yémen.
- "Prudence" -
Sur le front militaire, quelques heures seulement après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, plusieurs frappes ont visé «des véhicules appartenant aux Houthis» dans les provinces de Jawf (nord) et Hajjah, près de la capitale Sanaa, selon une source militaire proche du gouvernement.
Des affrontements ont également éclaté entre les Houthis et les forces loyalistes dans les provinces de Jawf et de Marib (nord), a-t-elle ajouté.
La chaîne de télévision Al-Massirah, sous contrôle des rebelles, a fait état de «six frappes d'avions ennemis (...) lors des dernières heures» sur la province de Hajjah, et de deux sur celle de Jawf.
Jeudi, les Houthis ont dit rejeter la trêve, l'un de leurs responsables y voyant une «manoeuvre politique et médiatique» de la coalition militaire.
L'annonce de cette trêve avait fait suite à une escalade des combats au Yémen, malgré l'appel de l'ONU à leur cessation immédiate pour protéger de la pandémie les civils du pays le plus pauvre du monde arabe.
Vendredi, 59 ONG, dont Oxfam et Médecins sans frontières, ont salué avec «prudence» dans un communiqué commun le cessez-le-feu. Mais il «ne peut à lui seul arrêter la propagation du Covid-19 au Yémen», ont-elles souligné.
- Diminution des aides -
Les voisins du Yémen comptent plusieurs milliers de cas de contamination au nouveau coronavirus. L'Arabie saoudite a enregistré officiellement plus de 3.200 cas et 44 décès.
Le pays vit presque entièrement isolé, sous le blocus aérien imposé par la coalition menée par Ryad, ce qui fragilise sa situation alimentaire.
Avant l'annonce du premier cas de contamination, la coordinatrice humanitaire de l'ONU au Yémen, Lise Grande, a indiqué que l'aide mensuelle fournie par le Programme alimentaire mondial (PAM) à plus de 12 millions de personnes vivant dans des zones à 80% sous contrôle des Houthis, pourrait désormais être octroyée plus rarement.
Des donateurs ont décidé de suspendre leurs contributions, estimant que l'aide était bloquée par les Houthis, a-t-elle expliqué à la BBC.
Une décision qui survient au «pire moment, étant donnée la menace de (la maladie) Covid-19», a-t-elle regretté.