Othman Benjelloun croit en la Chine et tient à renforcer le partenariat de son groupe et du Maroc avec l’Empire du Milieu. La cité Mohammed VI Tanger-Tech, projet du siècle, est une opportunité immanquable par laquelle le gentleman de la finance marocaine compte couronner sa longue carrière. Sa réaction surprise et preste suite à la publication d’une enquête de nos confrères de LeDesk, n’a d’égale que la dimension de sa volonté de voir se réaliser ce projet et honorer son engagement public envers le Roi.
L’énergie remarquable qui anime le président de 86 ans se voit brider par un appareil étatique décrédibilisé, lent et populiste. Le contraste était encore plus flagrant, lors de la conférence de presse organisée par la BMCE à laquelle j’ai été convié. La sagesse, l’espoir, l’assurance et l’ambition d’Othman Benjelloun et de son poulain Moulay Hafid Elalamy, devaient cohabiter avec le fiasco, l’incompétence et le populisme de Ilyas El Omari.
Alors que Benjelloun et Elalamy défendaient la théorie optimiste du verre à moitié plein, le secrétaire général du PAM donnait l’impression de broyer du noir montrant les limites de son pouvoir d’influence et de sa vision économique et sociale pour le pays.
Moulay Hafid Elalamy, entre opportunisme et efficacité
Moulay Hafid Elalamy, qui en passant, regrette la liberté qu’il avait dans le secteur privé, semble avoir fait le tour sur l’offre et les capacités industrielles du Maroc. Il semble aussi avoir tiré les conclusions nécessaires sur l’expérience de Kenitra et les autres projets similaires. Il plaide aujourd’hui, publiquement, pour : 1) Une approche plus pragmatique des micro-zones industrielles aux périphéries des villes (ce qui me rappelle personnellement les zones de Ain Sebaa et Bernoussi durant mon enfance) pour connecter les opérateurs à l’infrastructure urbaine, routes et logements etc. 2) Des cités industrielles intégrées. Pour cette option, il semble avoir une idée arrêtée : commencer par le plus difficile et le moins rentable pour l’investisseur et l’activité industrielle.
Personnellement, l’idée m’a séduite, sauf que je sens une certaine volonté du ministre d’améliorer son tracking record, pointé du doigt ces derniers mois sur le R.O.I de sa stratégie, surtout en termes de création d’emplois. Sa nouvelle approche pour la qualification et la formation, nouvelle offre marketing de son ministère et du secrétariat d’Etat à l’investissement, impactent également le projet de la Cité Tanger Tech. Interviewé par sa propre chaîne digitale «Horizon», Moulay Hafid Elalamy défend une nouvelle stratégie de formation basée sur le recensement des besoins, une sorte d’ingénierie de formation, chère aux RH, appliquée au niveau pays.
Toutefois, cette «mue» ou «maturité» de la vision du ministre, a été très visible lors de la (re)présentation du projet #M6TangerTech. MHE a désiré, semble-t-il, présenter aux médias une 2ème version de la cité, voulue plus pragmatique et plus réaliste avec un impact plus précis sur l’emploi des jeunes de la région du nord du Royaume. Moulay Hafid, comme l’interpelait familièrement Fahd Yata lors de cette conférence, a gommé d’un trait ce qu’il considérait comme superflu, et s’est recentré sur l’accélération industrielle. La mosquée moins imposante, le cadre de vie, l’écologie, les nouvelles technologies ont été malheureusement sacrifiés au profit de la rentabilité et de l’investissement industriel.
Libérez les énergies de l’emprise de l’échec
Le couple Benjelloun/Elalamy a démontré sa volonté de leader le projet #M6TangerTech, en donnant de l’espoir et en transmettant de l’assurance, tout en se positionnant en tant que responsable de l’AMOA du projet, dans un contexte politique difficile et une situation sociale explosive dans le Rif. Prudents, les deux hommes ont évité d’avancer des chiffres précis sur les délais de réalisation du projet et sur le tour de table ainsi que sur le business plan de la société d’aménagement de la cité, très probablement pour éviter les pièges d’annonces non réalisables, face à une presse de plus en plus regardante, virale et influente.
Sauf que la cohésion de l’équipe de projet a fait défaut quand le président de la région du Nord a commencé à donner des détails sur l’apport de cette dernière. Une intervention que Ilyas El Omari aurait dû éviter, car en 2 minutes chrono il a entaché tout le processus :
- En déclarant que sa présence dans le tour de table de la société d’aménagement était d’avoir une option de «blocage». Ce qui ne va pas manquer de rendre les chinois encore plus fébriles sur la collaboration avec la région. Une déclaration qui dévoile l’incompétence de Ilyas dans l’administration des entreprises car, à 5%, il est minoritaire et complètement dilué;
- En tant qu’administrateur public, ordonnateur et élu local, Ilyas a manqué l’occasion de défendre le citoyen marocain. Au lieu de garantir des conditions de rémunération avantageuses des futurs employés des «usines» de la cité, il s’est perdu dans une rhétorique où il était fervent défenseur d’une pression vers le bas des salaires;
- En s’essayant à l’humour, l’anecdote de Ilyas au sujet de Mao et sur laquelle la conférence a pris fin, résume l'abîme qui le sépare de Othman Benjelloun : « Othman Benjelloun a vu et rencontré Mao et moi je n’ai fait que contempler ses photos dans les posters.»
Suis-je sorti rassuré de la conférence de presse, sur l’avenir de la cité Mohammed VI Tanger-Tech ? Après une réflexion de 48 heures, pas vraiment.
Toutefois, si la situation dans le Rif s’améliore, et si le projet s’émancipe du jeu politique, l’engagement de Othman Benjelloun pourrait garantir au moins l’installation de la société d’aménagement et les débuts des travaux de viabilisation. D’ailleurs Moulay Hafid Elalamy a rappelé que #M6TangerTech était une initiative privé-privé ce qui, en principe, devrait faciliter le processus et non le retarder.
Nawfal Laarabi Follow @nawfal