Pendant que le Roi du Maroc se trouve dans une région du Golfe sous haute tension, où il tente vraisemblablement de colmater les brèches causées par une crise profonde entre quelques Etats du CCG et le Qatar ainsi qu’une crise interne explosive au sein de la famille royale en Arabie saoudite, le président français Emmanuel Macron, en visite actuellement de travail aux Emirats arabes unis, a décidé ce soir de se rendre à Ryadh pour y rencontrer le puissant prince héritier, Mohammed Ben Salmane.
Je me rendrai ce soir en Arabie Saoudite pour voir le prince héritier Mohammed ben Salmane.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 9, 2017
Le déplacement à Ryadh du président français n’était pas à l’ordre du jour. Emmanuel Macron devait rentrer ce soir à Paris après avoir participé la veille à l’inauguration du Musée du Louvre d’Abu Dhabi aux côtés du Roi Mohammed VI, du Roi de Bahreïn, de l’Emir de Dubaï, Cheikh Mohammed Ben Rachid Al-Maktoum, et du Commandant en chef-adjoint des EAU, Cheikh Mohammed Ben Zayd Al-Nahyane.
Cette visite inopinée en Arabie saoudite a quatre objectifs : 1) faire l’état des lieux de la guerre au Yémen menée par une coalition arabe essoufflée et tenter de convaincre les autorités saoudiennes de prôner une approche plus humanitaire à cette crise ; 2) discuter de la situation au Liban, de la récente ‘démission’ du premier ministre libanais Saad Hariri et de son impact sur la politique intérieure et extérieure du Liban ; 3) s’entretenir de la crise avec le Qatar; 4) échanger sur le dossier iranien et mettre garde les autorités saoudiennes contre toute ‘folle aventure’ belliqueuse sur l’Iran avec tout ce que cela pourrait impliquer comme dégâts incommensurables.
S’il est quasi-improbable que le président français puisse soulever la crise interne qui secoue la famille régnante en Arabie saoudite et la vague d’arrestation qui a touché des centaines de princes, ministres, hauts fonctionnaires et richissimes hommes d’affaires, cette question relevant exclusivement des affaires intérieures de ce pays, Emmanuel Macron pourra le faire d’une manière indirecte : en s’enquérant du «sort» du premier ministre libanais dont plusieurs sources avancent qu’il serait «séquestré» à Ryadh aux côtés des Al-Walid Ben Talal, Meteib Ben Abdallah Ben Abdelaziz et Mohammed Ben Nayef.
Sur le dossier Yéménite, la situation humanitaire a atteint un tel degré d’inquiétude que le président français a décidé de ne pas rester les bras croisés. Il propose une issue diplomatique en collaboration avec l’Iran, la grande puissance régionale, qu’il compte visiter l’année prochaine. La France a de grands intérêts économiques dans ce pays et se veut être son premier partenaire commercial dans les domaines de l’hydrocarbure, de l’automobile et des services. C’est un sujet qui sera discuté en long et en large avec le prince héritier saoudien, la France ne voulant pas entendre parler d’une guerre irano-saoudienne : Paris estimant que l’Iran, malgré ce qu’on pourrait lui «reprocher», est une grande puissance avec qui il faut désormais composer.
Concernant le Qatar, que le Roi Mohammed VI visitera à compter du dimanche, Emmanuel Macron étalera la position officielle de la France sur ce sujet à savoir l’intenabilité du blocus imposé sur ce pays par certaines composantes du CCG et les implications de cet embargo sur les économies française et européenne, même si le président français accuse le Qatar (et l’Arabie saoudite) d’avoir financé certaines activités terroristes.
Le défi de la France est de maintenir un certain équilibre entre quatre puissance régionales : la Turquie, héritière de l’Empire Ottoman, l’Iran, ancien Empire Perse, Israël et le monde arabe. L’exercice n’est pas facile avec un Donald Trump qui veut tout détruire sur son passage, une Russie et une Chine de plus en plus gourmandes et une situation interne de la famille arabe qui vit la plus grave crise de son histoire contemporaine.
Abdellah EL HATTACH Follow @aelhattach