Le président américain Donald Trump n’est pas allé par quatre chemins en recevant à la Maison Blanche le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane. D’emblée de jeu et après les formules laudatrices de part et d’autre sur la solidité des relations bilatérales, vieille de 80 ans comme l’a rappelé Ben Salmane, Trump est entré dans le vif du sujet qu’il maîtrise le mieux et affectionne : les affaires. Brandissant une affiche, il a énuméré tout un chapelet de ce qui a été vendu et coûté aux Saoudiens et ce qui reste à conclure aussi bien au cours de cette visite qu’à l’avenir.
Le président américain a parlé de milliards de dollars d’armes et d’autres pour des projets en cours de réalisation avec Ryadh, les qualifiant avec sarcasme de « peanuts », c'est-à-dire d’insignifiants ou epsilon en regardant dans les yeux le prince tout en lui réclamant davantage.
Pointant du doigt chaque photo d’un marché conclu, Trump souligne que certains projets sont en cours de réalisation et d’autres en voie d’approbation pour la protection des Saoudiens. Il donne quelques chiffres : 3 milliards de dollars par-ci, 533 millions de dollars par-là, 525 millions de dollars dans un tel projet, 880 millions de dollars dans l’autre ou 645 millions de dollars, 6 milliards de dollars pour l’achat de frégates, 889 millions de dollars à n’en pas finir ou 63 millions de dollars pour l’artillerie !
l’Arabie saoudite est un pays très riche et va mettre, comme on le souhaite, une partie de cette richesse à la disposition des Etats-Unis avec la création d’emplois et l’achat de matériels militaires
Dans la foulée, Trump sort un autre carton montrant un système de défense et de couverture aérienne pour 13 milliards de dollars de transport militaires Hercules, 3,8 milliards de dollars pour l’achat d’avions de transport militaires hercules, 1,7 milliards pour les chars Bradley et autres gadgets.
C’est des peanuts pour vous a-t-il dit !
Dans sa réponse, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane est allé plus loin en révélant que le volume des investissements que compte injecter l’Arabie Saoudite dans l’économie américaine atteindra la bagatelle de 400 milliards de dollars rien qu’au cours des quatre prochaines années, un chiffre qui donne le tournis. Il affirmé que cette enveloppe permettra de créer aux Etats-Unis pas moins de quatre millions de postes d’emploi de manière directe ou indirecte.
Il a ajouté que cela permettra aussi de booster le marché du travail dans son royaume sans expliquer comment ou le nombre d’emplois qui seront générés.
S’adressant au locataire de la Maison Blanche, le prince lui a déclaré: « dès le premier jour de votre élection à la présidence, nous avions planifié d’investir 200 milliards de dollars pour les prochaines quatre années mais là on est passé à 400 milliards de dollars.»
Et comme l’appétit vient en mangeant, Trump est revenu à la charge au cours d’un déjeuner entre les deux délégations en soulignant sans protocole que «l’Arabie saoudite est un pays très riche et va mettre, comme on le souhaite, une partie de cette richesse à la disposition des Etats-Unis avec la création d’emplois et l’achat de matériels militaires.» Du jamais vu !
Fidèle à lui-même, et l’a déclaré à maintes reprises des années avant son entrée en politique, il a clairement signifié à MBS que les pays du Golfe devaient payer les Etats-Unis pour assurer leur protection.
Par ailleurs, et au-delà de cette shopping List, Trump et Ben Salman ont discuté de nombreux dossiers touchant la région dont celui concernant l’Iran lequel sera traité ultérieurement, sans que le président américain ne révèle de quelle manière.
La sortie de Trump avec ses « peanuts » a fait la Une des médias à travers le monde
زيارة #ولي_العهد_في_امريكا تتصدر الصفحات الأولى في أهم الصحف الأميركية اليوم pic.twitter.com/6SH1zHOcrS
— Fadila Al Jaffal (@FadilaAlJaffal) March 21, 2018
S’il est écrit sur le dollar la fameuse expression «In God We Trust», pour Trump, c’est devenu : « In Dollar we trust » !
La plupart des médias qui ont couvert la visite de Mohammed Ben Salmane à Washington sont unanimes à dire qu’elle entre dans le cadre d’une opération de relation publique et d’une offensive de charme et de séduction pour soigner son image et se faire accepter comme le prochain souverain d’Arabie.
Selon Elaph, la tournée américaine du prince héritier durera trois semaines et concernera sept villes dans plusieurs Etats, non seulement pour une opération de lobbying, mais surtout pour tisser des relations approfondies avec l’Establishment américain dans divers secteurs, rencontrer des membres du Congrès et des décideurs politiques et économiques, pour leur signifier que les Etats-Unis peuvent compter sur lui. Il veut se vendre comme étant le prince qui veut faire entrer son “nouveau royaume” dans la modernité.
Reste la question qui se pose : quel rôle assigné à l’Arabie Saoudite dans l’avenir de la politique américaine de remodelage des pays de la région ?
La réponse ne viendra certainement pas à l’issue de cette tournée mais devra attendra le mois prochain pour le sommet Trump/Macron et le sommet USA/CCG et les conclusions du Forum de Saint-Pétersbourg organisé au mois de mai par le président russe, Vladimir Poutine.