Mouhcine Jazouli, nouvel homme fort de la diplomatie marocaine

Le Roi Mohammed VI a reçu mardi à Casablanca vingt-deux ambassadeurs étrangers, représentant les cinq continents, venus présenter au souverain leurs lettres de créance en tant qu’ambassadeurs plénipotentiaires et extraordinaires de leurs pays respectifs dans le Royaume. Aux côtés de Sidi Mohamed El Alaoui, Chambellan du Roi, qui a assisté à cette audience, et en l’absence de Nasser Bourita et de Mounia Boucetta, c’était le baptême de feu pour le tout nouveau ministre délégué chargé de la Coopération africaine, Mouhcine Jazouli, qui inaugurait par-là ses charges gouvernementales alors qu’il n’était toujours pas officiellement installé dans ses fonctions. Et si Mounia Boucetta représentait le Maroc à des travaux onusiens portant sur les armes chimiques dans une conférence à Paris, l’absence du chef de la diplomatie, en revanche, soulève quelques interrogations.

Dans les stratégies multilatérales globales engagées par le Maroc, l’Afrique est au sommet des priorités. Il ne s’agit ni d’une lubie, ni d’un fantasme, ni encore moins d’un caprice folklorique. C’est une affaire très sérieuse. Une affaire d’Etat. Celui ou celle qui maîtrise aujourd’hui les arcanes des affaires africaines et des rouages y afférant est le mieux à même de diriger le département des affaires étrangères. La nomination de Mouhcine Jazouli est un véritable camouflet pour Nasser Bourita qui se fait ainsi retirer le portefeuille le plus stratégique de la politique étrangère marocaine à savoir l’Afrique. En France par exemple, le chef de la diplomatie a le titre de ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, ce qui signifie que l’Europe est au centre de la politique étrangère du président Macron qui en fait une priorité parmi les priorités. Les ratages de Nasser Bourita, qui a conduit le Maroc dans les méandres d’une crise non avouée avec quelques pays de la CEDEAO, ont poussé les pouvoirs publics à proposer une personnalité qui s’occuperait exclusivement des dossiers africains tant sur le plan politique que celui du développement à l’échelle continentale et de la coopération sud-sud.

Nous évoquions ici même, il y a quelques mois, et en exclusivité, comment Valyans Consulting, cabinet à la tête duquel officiait Mouhcine Jazouli jusqu’à hier, jour de sa nomination en tant que ministre délégué à la Coopération africaine, avait bénéficié d’un contrat avec le département des Affaires étrangères d’un montant de 3 millions de dirhams pour accompagner le département sur des dossiers ad hoc. Le rapport concocté par Valyans Consulting, et commandé par la Secrétaire d’Etat Mounia Boucetta, comporte toute l’orientation de l’Etat marocain concernant la politique africaine du pays et sa stratégie chiffrée au détail près, les contacts, le contenu des négociations, les deals et autres contrats diplomatiques et économiques portés par le Maroc. Fort de ses données, Mouhcine Jazouli a disposé de cinq mois pour «digérer» toute cette stratégie dont il a été un des artisans. Il est donc devenu, tout naturellement, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut : il est aujourd’hui celui qui maîtrise le plus parfaitement le dossier africain, le vrai «Monsieur Afrique» du royaume.

Mouhcine Jazouli, qui a le titre de ministre délégué, assistera aux conseils des ministres, contrairement à Mounia Boucetta qui n’est «que» Secrétaire d’Etat ce qui ne lui permet pas d’y prendre part. «Monsieur Afrique» a déjà assisté à son premier conseil lundi soir juste après sa prestation de serment devant le Roi. Et en tant que «ministre délégué», il a systématiquement la délégation de signature, il n’est donc pas obligé de revenir vers Nasser Bourita pour engager telle ou telle autre dépense. Autonome politiquement, indépendant financièrement et maîtrisant les dossiers dont il a désormais la charge, Mouhcine Jazouli se fraie doucement un chemin vers les cimes de la diplomatie marocaine alors que Nasser Bourita est resté piégé du multilatéralisme global. Mouhcine Jazouli pourra d’ailleurs compter sur l’expérience de l’ambassadeur du Maroc en Argentine, Fouad Yazourh, qui a été bombardé en conseil des ministres directeur général des Relations bilatérales et des affaires régionales, périmètre cher et réservé de Nasser Bourita, ce qui affaiblit davantage ce dernier. Sachant que l’ambassadeur Yazourh, connu pour son dynamisme et son ambition, et qui chapeautera sept directions, dont celle à juste titre des affaires africaines, n’est pas connu pour faire partie de l’écosystème du chef de la diplomatie marocaine à l’inverse de son prédécesseur, Nabil Adghoghi, aujourd’hui ambassadeur du Maroc au Brésil, un fidèle allié de Nasser Bourita.

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