Approuvé par 150 pays et rejeté par une trentaine, le Pacte sur les migrations adopté le 10 décembre à Marrakech est une victoire arrachée à la Pyrrhus. Texte controversé autour duquel beaucoup d’intox a circulé, le Pacte sur les migrations est plus le reflet d’un consensus plutôt qu’un texte contraignant. Dans un message adressé aux Etats membres participant à la Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées, le roi Mohammed VI a rappelé que ce pacte reste un ensemble de promesses dont les résultats seront jugés par l’histoire. Il est encore tôt pour crier victoire car le véritable défi, a souligné Mohammed VI, réside dans la capacité de la communauté internationale à la solidarité collective et responsable vis-à-vis de l’immigration. Fortement calomnié et vampirisé par certains milieux, le Pacte de Marrakech reste en-deçà des attentes des ONG de défense des droits des immigrés et des droits humains. Il n’en reste pas moins que c’est un grand pas dans le bon sens. L’approche unilatéraliste et sécuritaire a montré ses limites et il était grand temps de sortir d’un carcan dépassé par les réalités du terrain comme l’a démontré le flux massif des réfugiés syriens vers l’Europe. Chacun demeurant souverain dans la définition de sa propre politique migratoire et qui doit être respectée par le reste de la communauté des Etats.
Dans le message royal, dont lecture a été donnée par le chef du gouvernement, Saad Eddine El Otmani, le roi Mohammed VI, a rappelé que "le multilatéralisme est antinomique avec la politique de la chaise vide, l’insouciance et l’irresponsabilité". Mohammed VI a rappelé que le défi de ce sommet est de faire prévaloir la logique de l’unité sur le populisme sous ses différentes formes et sur l’autarcie et de se baser sur le dialogue et la coopération pour trouver des solutions constructives pour relever ce challenge qui ne peut être assumé par un seul État. "Le pacte n’est pas une fin en soi", a souligné le roi, et ne tire sa vraie valeur que de l’application effective de son contenu et c’est ce qui fait du congrès de Marrakech un appel à l’initiative et au travail avant toute chose.
L’Afrique, un acteur essentiel
Le roi Mohammed VI a rappelé que " l’Afrique a répondu présente à cet appel car elle ne veut pas rester à la marge et demeurer spectatrice et, par conséquent, elle ne sera pas seulement un objet du pacte, mais un acteur essentiel dans son activation ". Mohammed VI a rappelé que l’agenda africain sur l’immigration a dessiné la route qu’elle doit emprunter et a été l’une des premières à insister sur l’importance donnée par le pacte aux différentes dynamiques de l’immigration. L’Afrique a, d’ailleurs, créé un observatoire africain de la migration dont le siège sera abrité par le Maroc et auquel le pacte a apporté son soutien. Le roi a émis l’espoir que le travail de cet observatoire soit renforcé par un réseau de coopération avec des organismes identiques dans le monde et rappelé que l’approche sécuritaire ne peut être la solution et qu’il existe un choix intermédiaire qui a été inauguré à Marrakech. Ce choix met la souveraineté solidaire en face du nationalisme discriminatoire, le multilatéralisme en face de l’autarcie et la responsabilité partagée en face de l’insouciance consacrée institutionnellement. Le but, in fine, étant de mettre fin à l’anarchie et au désordre en veillant à donner un caractère humain à l’ordre voulu.
Une nouvelle page
La page qui vient de s’ouvrir à Marrakech est un motif de fierté pour la communauté internationale qui a fait un autre pas vers la création d’un ordre nouveau de la migration, plus juste et plus humain. Le roi Mohammed VI a rappelé que " le Maroc s’intéresse depuis longtemps à cette problématique et que cet intérêt n’est pas conjoncturel ". Il émane plutôt d’un engagement volontariste et ancien qui se trouve incarné dans une politique humaine dans sa philosophie, globale dans son contenu, pratique dans sa méthodologie et responsable dans son application. La réussite de cette approche a d’ailleurs poussé les pays de l’Union africaine à confier au Maroc le rôle de leader de l’union dans le domaine de l’immigration et à élaborer l’agenda africain de l’immigration. Cet engagement se reflète aussi au niveau international à travers le Pacte de la migration car ils s’inscrivent dans le cadre de la recherche de consensus créatifs entre la gestion des frontières, les droits des migrants et le développement tout en insistant sur la responsabilité collective, la souveraineté responsable et le réalisme humaniste.
Retrait de certains Etats
Ce sommet a été aussi marqué par une multitude d’intox véhiculées par certains médias. Des mensonges dénoncés par Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Dans une déclaration lors de la séance d’ouverture, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a rappelé que le Pacte sur la migration n’est pas contraignant et que " les pays signataires ont été moins nombreux que ceux qui ont participé à sa rédaction ". Consacrant la souveraineté des États dans la gestion de la question migratoire, ce pacte est une traduction du multilatéralisme pour faire face à un problème qui touche plusieurs continents. Nasser Bourita a souligné que "ce congrès historique est le couronnement d’un long parcours de négociations qui a démarré en 2016 avec l’adoption par les Nations Unies de la Déclaration de New York sur les réfugiés et les immigrés". Pour sa part, Antonio Guterres a estimé que ce congrès est le fruit d’efforts colossaux appelant à ne pas céder aux craintes et aux fausses informations sur l’immigration. Ce dernier a aussi critiqué les nombreux mensonges véhiculés autour du texte du pacte.
Une feuille de route pour le futur
Antonio Guterres a affirmé que l’immigration restera toujours présente et qu’il faut la gérer d’une meilleure manière considérant que le pacte est une feuille de route pour éviter les souffrances, le chaos et pour renforcer la coopération bénéfique pour tous. La Chancelière allemande, Angela Merkel, pour sa part, a loué l’adoption de ce pacte qui constitue une avancée qualitative dans la politique internationale ajoutant que ce dernier déclare la guerre à l’immigration illégale et le trafic des êtres humains. Angela Merkel a ajouté que l’immigration est un mouvement naturel et quand elle est légale, elle est bénéfique. L’approche unilatéraliste de certains Etats est, selon elle, inefficace car elle ne résoudra pas le problème.
Appelé désormais le Pacte de Marrakech, cet engagement international sera soumis au cours du mois prochain au vote de l’Assemblée générale de l’ONU. Fortement critiqué par la droite en Europe, le pacte sur la migration ne sera pas soutenu par plusieurs pays de l’Europe de l’Est, les Etats-Unis, l’Australie, le Chili, l’Italie. Rappelons que près 258 millions d’immigrés travaillent dans d’autres pays et leurs transferts atteignent 450 milliards de dollars, soit 9% du PIB mondial, expliquent les Nations Unies.