Les médias occidentaux ont bien accueilli l'eléction surprise d'un certain Masoud Pezeshkian à la présidence d'Iran. Ils y voient un «tournant significatif dans la politique du régime des Mollahs». Pezeshkian incarnerait un vent de changement modéré face à l'ultraconservatisme, du fait de sa réputation d'être défenseur de réformes sociales limitées et de ne pas cacher une certaine ouverture envers les États-Unis concernant le programme nucléaire iranien.
Masoud Pezeshkian, candidat réformiste et ancien ministre de la Santé, a remporté l'élection présidentielle iranienne en battant l'ultraconservateur Saeed Jalili lors d'un second tour marqué par une participation relativement faible de 50 %. Selon les chiffres officiels, Pezeshkian a obtenu 16,3 millions de voix, devançant Jalili d'environ 3 millions de votes. Ce succès représente un revers notable pour le parti ultraconservateur à un moment crucial pour l'Iran, confronté à des tensions régionales accrues et à un bras de fer avec l'Occident sur son programme nucléaire.
Un profil réformiste modéré
Pezeshkian, peu connu hors d'Iran avant la campagne présidentielle, est le seul réformiste à avoir été approuvé pour se présenter. Chirurgien cardiaque et vétéran de la guerre Iran-Irak, il a gravi les échelons de la législature iranienne en prônant des changements limités tout en respectant le système théocratique dirigé par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.
Pendant sa campagne, Pezeshkian a plaidé pour des réformes sociales et économiques mesurées et un engagement avec les États-Unis pour lever les sanctions qui paralysent l'économie iranienne. Ses partisans mettent en avant son héritage azéri, l'une des minorités ethniques d'Iran, comme facteur unificateur pour le pays.
Pezeshkian a promis de combler le fossé entre le peuple et le gouvernement, déclarant vouloir éradiquer la pauvreté, la discrimination, la guerre, les mensonges et la corruption. Cependant, malgré son élargissement de la base de soutien, le nouveau président devra composer avec l'opposition conservatrice qui cherchera à entraver ses initiatives dès le premier jour de son mandat.
Un contexte interne et régional tendu
L'élection de Pezeshkian intervient à un moment où l'Iran fait face à des crises internes et régionales majeures. À l'intérieur du pays, les Iraniens se remettent encore de la répression brutale des manifestations nationales de 2022, déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune femme kurde iranienne de 22 ans, arretée par la police des mœurs. Le régime a intensifié les sanctions contre les manifestants et renforcé les codes vestimentaires stricts pour les femmes.
Sur le plan régional, les groupes armés alliés à l'Iran continuent de menacer Israël et ses alliés, perturbant les bases militaires américaines et les voies maritimes mondiales. En avril, une attaque israélienne contre un bâtiment diplomatique iranien à Damas a conduit à la première attaque militaire directe de l'Iran contre Israël, mettant en lumière le conflit larvé de longue date entre les deux nations.
Interrogé sur les droits des femmes et l'application sévère de la loi sur le hijab, Pezeshkian a exprimé son accord avec le code vestimentaire obligatoire, tout en questionnant les méthodes d'application. «L'idée que les femmes sont des citoyennes de second rang et existent uniquement pour la famille doit changer», a-t-il déclaré lors d'un débat présidentiel.
La victoire de Pezeshkian, bien que prometteuse pour l'occident, est limitée par une faible participation électorale et les perpectives de succession imminente du guide suprême.
Quelques réactions
Raz Zimmt, chercheur principal à l'Institut d'Études de Sécurité Nationale (INSS) et chercheur associé au Centre Alliance pour les Études Iraniennes de l'Université de Tel Aviv, partage ses premières réflexions sur les élections iraniennes récentes :
Surprises du système politique iranien :
Le système politique iranien a prouvé une fois de plus sa capacité à surprendre. Raz Zimmt n'aurait jamais cru possible l'élection d'un président réformiste il y a trois mois, étant donné la tendance récente à exclure les réformistes des processus décisionnels au profit d'une domination conservatrice totale. Il mentionne que Pezeshkian, un candidat autrefois relativement inconnu, est devenu un concurrent sérieux, contredisant les prédictions selon lesquelles Jalili gagnerait en raison de l'appui du Guide Suprême. Cet événement démontre que même dans des régimes autoritaires comme la République Islamique, les résultats peuvent être imprévisibles.
Crise de légitimité du régime iranien :
Raz Zimmt souligne la crise de légitimité croissante du régime iranien, mise en évidence par le faible taux de participation aux élections, malgré la peur d'une victoire de "Jalili et des Talibans iraniens". Néanmoins, il admet que, à court terme, les élections représentent un succès significatif pour le régime et un coup pour les partisans du changement de régime, tant au niveau national qu'international. Le régime a réussi à organiser des élections anticipées en moins de 50 jours après un coup dur et à élire un nouveau président qui bénéficiera d'un certain crédit interne et externe dans les mois à venir. Enfin, bien que le public iranien et la communauté internationale soient sceptiques quant au nouveau président, il est possible que certains, en Iran et ailleurs, préfèrent lui donner une chance. Si Khamenei décidait de saisir cette opportunité pour avancer vers un règlement avec l'Occident, cela pourrait encore améliorer la situation de l'Iran, bien que cette éventualité reste très incertaine.
Georges Malbrunot, grand reporter pour Le Figaro et spécialiste du Moyen-Orient, a partagé également sur X, les réflexions suivantes sur les élections iraniennes récentes :
Surprise électorale :
Le réformateur Massoud Pezeshkian a remporté l'élection présidentielle avec 16 millions de voix contre 13 millions pour l'ultraconservateur Saïd Jalili. Ce résultat inattendu crée une nouvelle cohabitation entre le guide suprême conservateur, l'ayatollah Ali Khamenei, et un président réformateur, ce qui rappelle la dynamique dominante des vingt-cinq dernières années.
Participation électorale et désaffection :
La participation au second tour a été de 50%, ce qui montre que de nombreux Iraniens se désengagent des institutions de leur pays. Habituellement, le camp conservateur mobilise fortement ses partisans, mais ce ne fut pas le cas cette fois-ci, signalant une désaffection même au sein de ses rangs.
Les défis pour Massoud Pezeshkian :
Pezeshkian aura une marge de manœuvre limitée en raison des purges opérées par les conservateurs au sein de l'état iranien depuis cinq ans. Bien que le président iranien ne possède pas de pouvoirs en matière sécuritaire ou sur les conflits comme celui de Gaza, Pezeshkian, un chirurgien de 69 ans, a exprimé son désir de relations plus apaisées avec les États-Unis. La nomination de Javad Zarif au poste de ministre des Affaires étrangères serait un signe de cette volonté.
Pezeshkian souhaite négocier directement avec Washington pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, interrompus depuis le retrait américain en 2018. Il estime que la levée des sanctions américaines améliorerait les conditions de vie en Iran. Sur le plan intérieur, il s'oppose à l'usage de la force pour imposer le port du voile aux femmes et promet de lutter contre les comportements violents et inhumains.
Implications de l'élection :
L'élection d'un réformateur redonne une image moins radicale à la République islamique d'Iran. La composition de son gouvernement, qui sera un exercice délicat, indiquera sa capacité à manoeuvrer face à ses opposants au sein du système.