Dans un contexte de guerre prolongée et de tensions régionales croissantes, Khartoum franchit un cap en accusant frontalement Abou Dhabi d’ingérence dans ses affaires internes. Une rupture aux résonances bien au-delà du théâtre soudanais, qui met à l’épreuve les équilibres déjà fragiles de la Corne de l’Afrique et du Golfe.
Le gouvernement soudanais soutenu par l’armée a annoncé, mardi 6 mai, la rupture de ses relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis, qualifiant ce pays d’« État agresseur ». Dans une déclaration télévisée, le ministre de la Défense Yassin Ibrahim a accusé Abou Dhabi de porter atteinte à la souveraineté du Soudan à travers son soutien présumé aux Forces de soutien rapide (RSF), engagées dans une guerre contre l’armée depuis avril 2023.
« Le monde entier a été témoin, depuis plus de deux ans, du crime d’agression commis par les Émirats arabes unis contre la souveraineté du Soudan, son intégrité territoriale et la sécurité de ses citoyens », a déclaré le conseil.
Cette décision intervient au lendemain du rejet, par la Cour internationale de justice, d’une plainte déposée par Khartoum. Le Soudan accusait les Émirats de complicité dans des actes de génocide, une allégation fermement rejetée par Abou Dhabi. La CIJ a déclaré qu’elle ne disposait pas de compétence pour statuer sur cette affaire.
Depuis le début du conflit, le Soudan fait face à une crise humanitaire sans précédent, marquée par la plus importante vague de déplacement de population au monde et une famine avérée dans plusieurs régions.
Une rupture aux implications régionales
Cette escalade diplomatique pourrait redéfinir les équilibres géopolitiques dans la Corne de l’Afrique, une région où les Émirats arabes unis ont multiplié les investissements et partenariats stratégiques. La rupture avec Khartoum intervient alors que le Golfe cherche à maintenir son influence sur les ports de la mer Rouge et à contenir l’instabilité régionale.
Pour le Soudan, cette décision marque un tournant dans sa stratégie extérieure, cherchant à isoler le soutien présumé au RSF tout en consolidant des alliances alternatives, notamment avec l’Égypte et l’Arabie saoudite. Les observateurs s’inquiètent toutefois d’une polarisation accrue du conflit et de son internationalisation progressive.
Voici la traduction complète en français de la déclaration du Conseil de sécurité et de défense du Soudan :
Déclaration du Conseil de sécurité et de défense
Le monde entier suit, depuis plus de deux ans, le crime d’agression perpétré contre la souveraineté du Soudan, l’unité de son territoire et la sécurité de ses citoyens — un crime commis par les Émirats arabes unis à travers leur agent local, la milice terroriste et rebelle des Forces de soutien rapide, ainsi que ses soutiens politiques.
Lorsque les Émirats arabes unis ont compris la défaite imminente de leur agent local — vaincu par nos Forces armées, institution légitime chargée de défendre la patrie et de préserver ses ressources — ils ont intensifié leur soutien et mobilisé davantage de moyens pour fournir à la rébellion des armes stratégiques de pointe.
Ces armes ont été utilisées de manière continue pour cibler des installations vitales et de services dans le pays. Tout récemment, elles ont frappé des dépôts de pétrole et de gaz, le port et l’aéroport de Port-Soudan, des centrales électriques et des hôtels — mettant ainsi en danger la vie et les biens de millions de civils. Ces actes constituent une menace pour la sécurité régionale et internationale, en particulier celle de la mer Rouge.
En réponse à cette agression persistante, le Conseil de sécurité et de défense a décidé ce qui suit :
▪️ Déclarer les Émirats arabes unis comme État agresseur ;
▪️ Rompre les relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis ;
▪️ Rappeler l’ambassade et le consulat général du Soudan.
Conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui reconnaît aux États le droit de se défendre, le Soudan se réserve le droit de répondre à cette agression par tous les moyens nécessaires afin de préserver sa souveraineté, son intégrité territoriale, protéger ses citoyens et garantir la continuité de l’aide humanitaire.
Le Conseil salue les efforts et les sacrifices du peuple soudanais, des Forces armées, de la Police, des services de sécurité, des Forces conjointes et de la Résistance populaire, et rassure la nation soudanaise sur la capacité de l’État à dissuader cette agression et à maintenir la sécurité du pays.
Que le Soudan demeure fier, digne, élevé, stable et victorieux.