EBITDA is «bullshit» ?

Pourquoi la métrique préférée des financiers est aujourd’hui sur la sellette

Depuis plusieurs années, un mot règne en maître dans les présentations de startups, les négociations de rachats d’entreprise ou les pitchs d’investisseurs : l’EBITDA. Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer ses limites, voire sa capacité à induire en erreur. Et ce n’est pas n’importe qui : Charlie Munger, le légendaire associé de Warren Buffett, allait jusqu’à dire :

«À chaque fois que vous voyez EBITDA, remplacez-le par “bullshit earnings”.»

Alors, simple exagération provocatrice ou vraie remise en question ? Décryptage.

C’est quoi l’EBITDA déjà ?

L’EBITDA, pour Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization, correspond en français au résultat avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements. En clair, c’est une manière de mesurer la rentabilité opérationnelle d’une entreprise, en faisant abstraction de sa dette, de sa fiscalité et de ses investissements passés.

=> Pourquoi on l’aime ?
Parce qu’il donne une idée du cash généré avant les contraintes financières et fiscales.

=> Pourquoi il pose problème ?
Parce qu’il ignore des coûts bien réels, et peut donc donner une vision trop flatteuse de l’entreprise.

Illustration simple

Prenons une entreprise qui affiche un EBITDA de 10 millions de dirhams. À première vue, on pourrait croire qu’elle est en excellente santé. Pourtant, si elle doit :

  • Rembourser 6 MDH de dettes,
  • Payer 3 MDH d’impôts,
  • Et enregistrer 3 MDH d’amortissements,

…elle finit avec un résultat net de -2 MDH. L’illusion d’une entreprise prospère tombe dès qu’on regarde les chiffres réels.

Ce que l’EBITDA ne dit pas

Charlie Munger n’est pas le seul à critiquer l’EBITDA. Dans un article du Financial Times, l’exemple de la société X (ex-Twitter) rachetée par Elon Musk est éclairant : malgré une baisse importante des revenus, l’entreprise annonçait fièrement un EBITDA de 1,2 milliard de dollars. Sauf que ce chiffre ne tenait pas compte des remboursements d’emprunts massifs, ni des investissements nécessaires pour maintenir la plateforme à flot.

En oubliant des postes clés comme :

  • Le remplacement des équipements,
  • Le remboursement de la dette,
  • Les impôts,
  • Ou encore la dépréciation des actifs,

…l’EBITDA devient une vision partielle – voire partiale – de la réalité.

Et l’EBITDA ajusté, alors ?

C’est là que les choses se corsent : la nouvelle tendance est de présenter non pas l’EBITDA “brut”, mais un EBITDA ajusté (Adjusted EBITDA). En théorie, cela permet de retirer les éléments non récurrents (frais exceptionnels, restructurations ponctuelles, etc.). En pratique ? C’est souvent une opération de maquillage comptable.

Comme le souligne Investopedia, l’EBITDA ajusté est parfois tellement nettoyé qu’il ne reflète plus du tout la réalité économique. Certaines entreprises y ajoutent même des “ajustements créatifs” pour coller à la valorisation qu’elles espèrent obtenir.

Comment valoriser plus sainement une entreprise ?

Pour les investisseurs sérieux, l’EBITDA est un point de départ – pas une vérité absolue. Voici quelques principes qui reviennent dans la presse spécialisée :

À privilégier :

  • Le résultat net avant impôts (Net Profit Before Tax), plus proche de la réalité financière.
  • Les flux de trésorerie réels (free cash flow).
  • L’analyse des actifs et passifs, ainsi que les besoins de renouvellement (CAPEX).
  • L’étude du modèle économique (récurrence des revenus, dépendance à certains clients, structure de coûts…).

En résumé :

🔍 Ce que dit l’EBITDA❌ Ce qu’il ne dit pas
Rentabilité opérationnelleCoût de la dette, fiscalité, amortissements, CAPEX
Comparaison entre entreprisesRéalité du cash disponible, solidité du modèle économique
Chiffre “market-friendly”Vision parfois artificielle, surtout quand il est “ajusté”

Verdict ?

L’EBITDA n’est pas inutile, mais il n’est pas suffisant. À vouloir trop simplifier, on finit par se tromper. Et dans un contexte où les marchés financiers deviennent plus prudents, où les investisseurs scrutent la solidité réelle des entreprises, le temps de l’illusion comptable semble révolu.

Revenue is vanity. Adjusted EBITDA is fantasy. Net profit is sanity. Cash is king.

À méditer.

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