La nouvelle doctrine militaire américaine de Donald Trump

Depuis que la plaque sur la porte du bureau de Pete Hegseth a changé, passant de Secretary of Defense à Secretary of War, c’est une véritable révolution doctrinale qui s’opère au sein de l’appareil militaire américain. Ce changement, plus symbolique qu’administratif, marque le retour à une vision assumée de la puissance : celle du peace through strength – la paix par la force-.

Donald Trump, réélu à la Maison-Blanche, a trouvé en Pete Hegseth, ancien militaire et animateur télé, l’incarnation parfaite de sa vision d’une armée recentrée sur la combativité, l’uniformité et la loyauté. Ensemble, ils entendent rompre avec le modèle d’un Pentagone « bureaucratisé » et influencé, selon eux, par les politiques de diversité et d’inclusion.

Hegseth, un ministre de la guerre à l’ancienne

Confirmé de justesse par le Sénat, Hegseth est perçu comme un choix controversé. Son profil hybride, entre patriotisme médiatique et idéologie guerrière, s’inscrit pourtant dans la stratégie de Trump : faire de l’armée non plus un instrument de défense, mais un bras armé du pouvoir politique et moral de la nation.

Lors d’un rassemblement des chefs militaires à Virginia, Hegseth a prononcé un discours dans le style du général Patton, devant un drapeau américain géant. Il y a défendu un retour à la discipline virile : pas de barbe, pas de surpoids, pas de déviation de la norme. Le ton était clair : « L’armée n’est pas un laboratoire social. »

Son ambition : restaurer l’« esprit du guerrier » et rompre avec ce qu’il décrit comme la fragilisation morale des forces armées par les politiques de diversité (DEI – Diversity, Equity and Inclusion).

Trump et l’armée : du mépris des généraux à la séduction des soldats

Cette mutation idéologique s’inscrit dans la continuité d’une relation complexe entre Donald Trump et l’institution militaire. Durant son premier mandat, le président avait multiplié les tensions avec ses généraux, qu’il surnommait ses « my generals » avant de les accuser d’« incompétence » et de « trahison ».

Des figures comme John Kelly et Mark Milley l’ont publiquement qualifié de « fasciste », révélant un fossé profond entre le commandant en chef et son état-major.

Trump en a tiré une leçon politique : les généraux peuvent se retourner contre lui, mais les soldats, eux, demeurent fidèles. En 2024, 61 % des vétérans déclaraient vouloir voter pour lui, selon le Pew Research Center.

Sa stratégie actuelle consiste donc à militariser le patriotisme populaire, en opposant les « vrais soldats » à l’élite militaire jugée politisée.

Le retour du «Department of War» : une déclaration d’intention

La décision de rebaptiser symboliquement le Department of Defense en Department of War traduit la philosophie du tandem Trump-Hegseth : la force comme moyen naturel de dissuasion.

Dans leur logique, parler de «défense» sous-entend une posture passive. Parler de «guerre», c’est affirmer une volonté d’action et de domination, même préventive.

Le président veut ainsi projeter une Amérique qui ne s’excuse plus de sa puissance. Dans un discours prononcé lors du rassemblement militaire en Virginie, il a averti contre « l’ennemi intérieur » et suggéré que certaines villes gouvernées par des démocrates, comme Portland, pourraient servir de « terrains d’entraînement » pour l’armée, une idée qui flirte dangereusement avec la militarisation de la politique intérieure.

Vers une armée idéologique ?

L’approche de Hegseth vise à transformer l’armée en vecteur de valeurs conservatrices, à rebours du multiculturalisme et des normes inclusives adoptées depuis vingt ans.

Mais la vision soulève des inquiétudes :

  • Érosion de la neutralité politique de l’institution militaire
  • Risque d’utilisation interne de la force armée contre des opposants politiques
  • Réduction du pluralisme au sein des forces, alors que la diversité est historiquement liée à la cohésion nationale américaine.

Trump, qui a promis de ne plus engager les États-Unis dans des guerres étrangères, paraît désormais vouloir orienter la puissance militaire vers la gestion du désordre intérieur et la reconquête idéologique du pays.

Une armée au service d’une cause politique

La transformation en cours ne se limite pas à une réorganisation administrative : elle redéfinit le rôle du soldat et du commandement. Le message est clair : l’armée doit défendre non seulement les intérêts américains, mais aussi la vision politique du président.

Selon un sondage YouGov, 27 % des Américains et 37 % des Républicains pensent qu’« une guerre est en cours dans les villes américaines ». La bataille, conclut l’analyse de Defence24, ne se joue donc plus sur le champ de bataille extérieur, mais dans les urnes : celle du pouvoir sur la définition même de ce qu’est être Américain.

Sous le sceau du « Department of War », Donald Trump et son ministre de la guerre Pete Hegseth semblent vouloir refonder l’armée américaine sur une idéologie de confrontation : contre les ennemis extérieurs, mais aussi contre les divisions internes.

Cette réinvention militaro-politique de la puissance américaine redéfinit les frontières entre sécurité, autorité et démocratie, au risque de transformer la force armée la plus puissante du monde en instrument de guerre culturelle.

(Avec Defense24 )

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