L’Algérie, qui peine depuis des années à amorcer une véritable transition numérique, voit aujourd’hui cette ambition freinée par la montée spectaculaire des escroqueries en ligne. Selon les données de la Gendarmerie nationale, le pays a enregistré 1 387 affaires d’arnaque électronique en 2024, soit presque le double de l’année précédente (700 cas en 2023).
Ce bond inquiétant traduit non seulement une sophistication croissante des réseaux de fraude, mais surtout un affaiblissement du climat de confiance indispensable au développement du commerce et des services numériques.
Un écosystème digital fragile et une population vulnérable
Dans un contexte de faible bancarisation et d’usage encore limité des paiements électroniques, les internautes algériens deviennent la cible privilégiée d’arnaques bien rodées :
- Faux sites de e-commerce proposant des produits à prix cassés
- Promesses d’emplois en ligne et de revenus hebdomadaires
- Ventes fictives de biens de consommation ou de matériaux de construction
- Offres frauduleuses de formation, de bourses ou de visas.
Ces escroqueries prospèrent sur les plateformes sociales, profitant du manque d’éducation numérique et de la lenteur des institutions à mettre en place des mécanismes de vérification ou de certification des prestataires.
L’explosion des « scams » : un signal rouge pour la confiance numérique
Les cas recensés révèlent une industrialisation du mensonge en ligne : réseaux structurés, sociétés fictives à façade étrangère, campagnes publicitaires ciblées.
Dans la région de Chlef, la police a démantelé une organisation se présentant comme une entreprise de marketing digital, ayant dépouillé des dizaines de citoyens de plusieurs millions de dinars. D’autres opérations similaires à Tipaza et Tlemcen ont mis au jour des montages identiques : location d’espaces temporaires, usage d’identités fictives et disparition après encaissement.
Cette prolifération d’arnaques fait planer une menace directe sur la naissance du e-commerce algérien, déjà en difficulté à cause du manque de logistique, d’infrastructures de paiement et de cadre légal adapté.
Les peines prévues par la législation algérienne, de trois mois à trois ans de prison selon la nature de la fraude, ne suffisent plus à dissuader des cybercriminels de mieux en mieux organisés.
Des voix s’élèvent pour réclamer une révision du cadre juridique et l’introduction de sanctions proportionnelles à l’ampleur des dommages. Les tribunaux, quant à eux, croulent sous les dossiers de chantage, d’extorsion et de diffamation en ligne, illustrant une explosion des litiges liés au numérique.
Recul de la confiance numérique
Au-delà de l’aspect judiciaire, le phénomène sape la confiance sociétale dans les outils numériques.
Le sociologue Hassan Aït, cité par Al-Araby Al-Jadid, avertit : « La multiplication des escroqueries risque d’installer une peur du digital, poussant les citoyens à se détourner du commerce en ligne et à revenir aux méthodes traditionnelles. »
Ce retour en arrière serait un coup dur pour un pays qui ambitionne encore d’entrer dans l’ère de la digitalisation économique. Dans un environnement où l’innovation reste timide et où la régulation tarde, la montée des scams agit comme un frein culturel et économique, décourageant à la fois les consommateurs, les entrepreneurs et les investisseurs.





