Pour la première fois depuis 4 ans, la presse a été unanime pour critiquer l'action de Aziz Akhannouch. Du disruptif Barlamane au très officiel LeMatin passant par le très équilibré Médias24, le constat est sans appel : les 100 premiers jours du gouvernement Akhannouch ont été plus que décevants, ils sont inquiétants. Ces faiseurs d'opinion n'ont fait qu'exprimer une frustration générale face à un exécutif tétanisé, sensé nous faire oublier les sombres jours du PJD. Les signaux négatifs envoyés par le gouvernement ont au contraire réveillé la tentation de reconsidérer le jugement porté «aux barbus». Pourtant, dans ce climat de scepticisme, aggravé par cette pandémie qui n'en finit pas, de belles surprises ont émergé de ce désert de désespoir. Une goutte d'eau qui n'étanche aucune soif mais nourri notre instinct et désir de survie.
Ils se présentent très bien, dosent leur communication, déploient leur feuille de route et de surcroît arborent les plus beaux sourires du gouvernement. Leila Benali, Younes Sekkouri deux talents prometteurs qui ont honoré la confiance qu'on leur a accordé.
Leila Benali, un talent en or
Leila Benali notre Ministre de la Transition Énergétique et du Développement Durable a confirmé ligne par la ligne son impressionnant CV qu'on rappellera ci-après, rien que pour le plaisir de faire pâlir de jalousie la vielle garde.
Mme Benali est une experte internationale en énergie, planification stratégique, investissements, finance et diplomatie énergétique. Elle possède une vaste expérience de la gestion des plans directeurs énergétiques, de la stratégie d'entreprise et des acquisitions. Consultée notamment dans des circonstances sensibles, elle a contribué à l'élaboration de la loi irakienne sur les hydrocarbures, à la création d'une compagnie gazière, à la stratégie économique nationale de la Libye, à la réponse du G20 à la crise de 2008, ainsi qu'à de multiples transactions commerciales et grands projets.
Elle a rejoint APICORP en provenance de la plus grande compagnie pétrolière au monde, Saudi Aramco, où elle était en charge de la politique énergétique et de la stratégie gazière. Elle a été directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique à IHS Cambridge Energy Research Associates, une société américaine qui fournit des analyses sur les marchés de l'énergie, la géopolitique, les tendances industrielles et la stratégie.
Leila Benali trouvait le temps pour assurer des cours à Sciences Po!
Elle est titulaire d'une maîtrise en génie industriel de Centrale Paris, d'une maîtrise en sciences politiques et d'un doctorat «Summa Cum Laude » ( avec la plus haute louange ) en économie de Sciences Po. Elle préside l'Arab Energy Club et a été distinguée comme «future leader 2016» par le Petroleum Economist, en tant que personne la plus susceptible de façonner l'avenir de l'industrie dans les années à venir.
Il est peu probable que le commun des mortels sache le sacrifice financier et de qualité de vie auquel un talent comme celui de Leila Benali a dû consentir pour accepter une mission en tant que ministre.
Une mission complexe où il ne faut pas juste déployer une stratégie nationale de l'énergie mais surfer entre les goutes radioactives de la politique, des jeux d'intérêts et des égos.
Leila Benali évolue dans un contexte de tensions et d'incertitudes où les réponses doivent être immédiates: la fin du contrat du gazoduc Maghreb-Europe qui transportait le gaz algérien, augmentation des prix de l'énergie et perturbation de la logistique mondiale, retard dans la structuration et règlementation du secteur aval du gaz naturel, ralentissement des actions de Masen après la disgrâce de Mustapha Bakkoury et last but not least imbroglio politique autour de l'entente sur les prix des hydrocarbures.
Younes Sekkouri, l'enchanteur
Son regard froid et ferme et sa posture distante, symptomatique d'un processus mental en constante mobilisation, se dissolvent comme par enchantement au contact de ses interlocuteurs, laissant place à un large sourire charmeur et un discours enchanteur.
Younes Sekkouri aime la politique et c'est ce qui le différencie d'un grand nombre de parachutés du gouvernement Akhannouch. De plus, il a de l'expérience dans les politiques publiques et maitrise les enjeux Macro-économiques et sociétaux du pays. Il a été formé à bonne école.
Si sa vision des politiques publiques a été forgée au ministère de l'intérieur où il a été durant quatre années chargé de mission sur des politiques sectorielles de l'Emploi, l'industrie, la décentralisation et la digitalisation des services publics et que sa formation politique a été faite au sein du MTD et du PAM, son école de communication a été Feu le Roi Hassan II.
Son amour pour les discours du défunt roi sont, à ce propos, légendaires dans le microcosme de la jeunesses des partis politiques.
Sa volonté d'apprentissage et de partage l'ont emmené après neuf années d'engagement politique de rejoindre l'École des Ponts Business School ParisTech où il a enseigné des cours de « corporate strategy » ayant le titre de Professeur adjoint mais aussi de doyen de cette entité au niveau de l’Afrique.
Un mois de sa nomination en tant que ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences, Sekkouri lance un programme d'emploi de 125.000 jeunes pour un budget de 2,5 milliards dhs, en concertation avec les douze régions du Royaume.
Aux côtés de Mehdi Bensaid et Fatima-Zahra Mansouri, Younes Sekkouri est un cas d'école pour les partis politiques de la coalition gouvernementale. Le PAM démontre qu'il est possible d'attirer les jeunes talents, de les former, de les responsabiliser et fidéliser les plus émérites.
Chakib Benmoussa et Fouzi Lekjaâ, les piliers
Chakib Benmoussa n'est pas né de la dernière pluie. Quand on lui donne une mission, il trace et n'attends pas de consignes. Un état d'esprit qui dénote avec la dilettante du Chef du Gouvernement.
La malheureuse polémique sur l'âge des enseignants n'aurait pas eu lieu si le gouvernement allait de concert et avançait à la même vitesse.
Bourreau de travail, Chakib Benmoussa est sur tous les sujets, y compris dans le sport malgré le retard pris dans la nomination d'un secrétaire d'état en charge de ce département. D'ailleurs, il est toujours désigné comme le porteur du nouveau modèle de développement.
Dans une équipe gouvernementale fragile, il est rassurant d'avoir un calibre comme celui de M. Benmoussa pour la préserver de tout risque de décrochage.
Un autre ministre qui endosse plusieurs responsabilités sans faire beaucoup de vague est Fouzi Lekjaâ.
Pour ceux qui ne le savent pas peut-être encore, le patron du foot marocain est, selon la description très juste de Maroc Hebdo, le véritable argentier du Royaume et le principal gestionnaire des ressources de l’État.
En effet, début novembre dernier à la lecture du dernier BO édité par la SGG, on a découvert non sans surprise, que Nadia Fettah avait délégué ses principales prérogatives à Fouzi Lekjaâ, à savoir la gestion de la Direction générale des impôts et l’Administration des douanes et impôts indirects.
«C'est un remaniement qui ne dis pas son nom», commente un observateur averti.
Fouzi Lekjaâ connu par ses saillies médiatiques quand il prend sa casquette de président de la FRMF, a des qualités insoupçonnées quand il s'agit de trouver la bonne procédure administrative pour débloquer les budgets. Il est malin, rapide et retombe toujours sur ses pieds.
Sans le fardeau du foot, sa carrière dans les finances aurait été tout autre.
Nadia Fettah, Mohcine Jazouli, des énergies comprimées
Voilà deux profils très prometteurs sur le papier mais qui en deux mandats nous ont laissé sur notre faim. Pourtant, ils viennent tous deux du privé où ils ont fait preuve de leadership, évolué et réussi dans des contextes de pression et de complexité et reconnu pour leurs qualités humaines et leur grande capacité de travail.
Nadia Fettah est une femme brillante. Elle est passée par l'école Moulay Hafid Elalamy réputé pour être un rouleau compresseur. «On ne survit pas après une opération fusion menée par MHE», dit la légende urbaine. Mme Fettah a survécu à deux grosses opérations, CNIA et Es Saada et l'acquisition de Saham Finances par le sud-africain Sanlam, en 2018.
Alors qu'elle a dû sacrifier une rémunération à huit chiffres et le titre de la CEO de l’année à l’Africa CEO Forum, son tracking record au tourisme puis à l'Economie et les Finances et en-dessous des attentes et de son réel potentiel.
Idem pour Mohcine Jazouli. Le fondateur de Valyans a travaillé sur presque toutes le stratégies publiques, de l'industrie et du commerce jusqu'au sport passant par la coopération économique en Afrique. Si avec l'amiral Nasser Bourita il a été réduit à faire de la figuration, sauf sur le dossier des Abraham Accords où il était «un chouia visible», on pensait qu'avec Aziz Akhannouch, avec qui il entretient des relations de confiance et pas que, il serait la tour de contrôle, la matière grise de la Chefferie du gouvernement.
Mohcine Jazouli est notre Ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’évaluation des Politiques publiques. Une mission transversale, sensée harmoniser et prioriser les politiques publiques. Sauf que, avec sa posture de consultant dont il n'arrive pas à s'en défaire, la réserve et la retenue trop appuyée qu'il partage avec Nadia Fettah, des ministres très visibles comme Ryad Mezzour, Younes Sekkouri et Fouzi Lekjaâ et l'inexpérience de la plus jeune secrétaire général de la Chefferie du gouvernement de l'histoire du Maroc, Mohcine Jazouli risque de porter le passif de son patron et d'endosser la stérilité de son action.