Sénégal : le FMI acte la rupture avec l’ère Macky Sall, mais maintient la pression sur les finances publiques

Dakar cherche un nouvel équilibre entre transparence, souveraineté économique et contrainte de refinancement

Le Fonds monétaire international (FMI) a salué les efforts de transparence du gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, marquant ainsi une rupture assumée avec la gestion de l’ancien président Macky Sall. En prenant acte de la révélation de la « dette cachée » par les nouvelles autorités, l’institution valide un changement de cap, sans toutefois lever les incertitudes sur la soutenabilité des finances sénégalaises.

Une mission cruciale mais sans accord

À l’issue d’une mission de dix-sept jours à Dakar, conduite par Edward Gemayel du 22 octobre au 6 novembre, le FMI a reconnu les « progrès notables » du Sénégal dans la mise en œuvre de mesures correctives liées à la dette dissimulée. Si le communiqué salue « l’engagement fort en faveur de la transparence et des réformes », aucun nouvel accord n’a été signé.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, avait déjà rencontré le président Faye en septembre 2024, soulignant la volonté du Sénégal de restaurer la confiance internationale. Toutefois, les discussions ont achoppé sur la question de la viabilité de la dette, dont le chiffrage définitif n’est toujours pas stabilisé.

Une dette publique portée à 132 % du PIB

Selon le FMI, la dette publique et parapublique du Sénégal s’élève désormais à 132 % du PIB, contre 99,6 % fin 2023. Le déficit budgétaire, quant à lui, a bondi à 14 % du PIB, révélant l’ampleur du passif hérité. L’affaire de la « dette cachée », évaluée à près de 7 milliards de dollars, a provoqué la suspension, dès mai 2024, d’un prêt de 1,8 milliard $ en faveur de Dakar.

Le FMI avait jugé les « déclarations erronées » du précédent gouvernement comme une atteinte grave à la crédibilité financière du pays. Pour la Cour des comptes, le déficit avait été artificiellement réduit à 4,9 % du PIB sous Macky Sall, alors qu’il atteignait en réalité 12,3 % en 2023.

Une économie en tension mais encore résiliente

Malgré ce contexte, l’économie sénégalaise montre des signes de résilience. Le démarrage de la production de pétrole et de gaz, ainsi qu’une campagne agricole soutenue, apportent un souffle nouveau. Mais les marges de manœuvre budgétaires restent extrêmement réduites : selon la loi de finances 2026, le service de la dette augmentera de 44 %, absorbant 30 % des recettes de l’État, soit un montant comparable aux budgets combinés de l’éducation et de la santé.

Les agences de notation, elles, tirent la sonnette d’alarme. Moody’s a abaissé la note souveraine du Sénégal à Caa1, signalant un « risque extrême de crédit ». Le pays, privé d’accès aux marchés internationaux, se replie désormais sur les marchés régionaux, à des taux bien plus élevés.

Subventions énergétiques : un test de crédibilité

Autre sujet sensible : la réduction des subventions à l’énergie. Alors que le Premier ministre Ousmane Sonko a promis une baisse prochaine des tarifs de l’électricité et du carburant, le FMI attend au contraire une suppression progressive des aides, évaluées à 250 milliards FCFA (381 millions €) pour 2026.

Edward Gemayel a indiqué que le gouvernement s’est engagé à réduire ces subventions de 30 % à 40 % dès 2026, en les remplaçant par des transferts ciblés vers les ménages vulnérables. Une réforme politiquement explosive dans un contexte social déjà tendu, où les manifestations contre le coût de la vie se multiplient.

Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko revendiquent un cap : souverainiser l’économie sénégalaise. Leur « plan de redressement économique et social », annoncé en août 2025, doit être financé à 90 % par des ressources internes. Mais cette ambition entre en collision avec les exigences du FMI en matière de discipline budgétaire et de transparence.

Pour l’heure, le pays reste dans une impasse financière. Faute d’accord, le risque d’un défaut de paiement plane toujours, et les marges politiques du nouveau pouvoir se réduisent à mesure que le temps passe. La rupture avec l’ère Sall est désormais actée ; la consolidation de la nouvelle gouvernance financière, elle, reste à construire.

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