L’information est tombée dans la soirée du mardi 31 juillet 2018 à Lomé, capitale du Togo. Le Président du Nigéria, Muhammadu Buhari a été élu nouveau président de la CEDEAO en marge du sommet de cette organisation sous-régionale africaine. L’ami du roi Mohammed VI prend ainsi, pour une année, les rênes de l’organisation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, que le Maroc ambitionne d’intégrer afin de boucler son arrimage institutionnel et politique à son continent, l’Afrique.
JUST IN: President @MBuhari emerges as the new Chairman of the ECOWAS.
— Bashir Ahmad (@BashirAhmaad) July 31, 2018
C’est le conseiller média du Président Buhari, Bashir Ahmad, qui a été le premier à annoncer la nouvelle sur son compte Twitter : "Le président Muhammadu Buhari a été élu nouveau président de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au sommet de la CEDEAO qui vient de se terminer à Lomé, au Togo. L'annonce a été faite peu après une session à huis clos des chefs d'État de la Commission."
President Muhammadu Buhari has been elected the new Chairman of Economic Community of West African States (ECOWAS) at the just concluded ECOWAS Summit in Lome, Togo.
The announcement was made shortly after a closed session of Heads of State of the Commission. pic.twitter.com/W6Y5gOqPft
— Bashir Ahmad (@BashirAhmaad) July 31, 2018
La présidence de la République, à travers l’assistant spécial du président pour les médias et la publicité, Garba Shehu, va ensuite annoncer dans un communiqué que l'élection du président Buhari était l'un des points forts de la 53ème session de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO.
Buhari ne voulait pas de ce poste
Dans le communiqué de la présidence nigériane, on apprend que Buhari ne voulait pas de ce poste : “Je ne me suis pas porté candidat à ce poste, et il apparaît que vous n’avez pas pris mon “non” pour une réponse” a-t-il déclaré.
Toutefois, Buhari va rassurer les chefs d’Etat présents au sommet, après les avoir remercié de leur confiance, de son engagement pour mener à bien sa mission au sein de la CEDEAO : "Je m'engage à servir et à travailler avec vous tous pour maintenir la paix, la sécurité, la bonne gouvernance et le développement socio-économique de la sous-région, et de porter notre organisation à de nouveaux sommets.”
Le président Buhari a également félicité son prédécesseur le président togolais, Faure Gnassingbé, pour avoir accueilli avec succès deux réunions importantes de la Communauté économique commune des États d'Afrique centrale (CEEAC) et de la CEDEAO ainsi que la 53ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO. Buhari a annoncé que la prochaine réunion de l'organisation aura lieu à Abuja le 21 décembre 2018.
Buhari ouvrira-t-il la porte de la CEDEAO au Maroc ?
Le 15 mai dernier, l'institut Amadeus a organisé une journée débat dans la capitale ghanéenne Accra, autour de la candidature du Maroc à l'adhésion à la CEDEAO. Les travaux de cette journée, première du genre dans ce pays anglophone de l'Afrique de l'Ouest, s'est déroulée à huis clos et à laquelle était convié www.le1.ma aux côtés de personnalités politiques, économiques et diplomatiques de premier plan.
Le constat des ghanéens était sans équivoque : le Maroc intéresse toute l’Afrique pour tous types de partenariats, le Ghana voit l'adhésion du Maroc à la CEDEAO une opportunité pour la région , toutefois cette candidature est avant tout un processus institutionnel et politique, un challenge aussi bien pour la capacité d’influence continentale et régionale du Maroc que pour le «marketing pays» que le roi Mohammed VI a marqué de son sceau par une proximité humaine avec les populations qu’il a visitées.
L'élection de Muhammadu Buhari à la présidence de la CEDEAO confirmera-t-elle la capacité d'influence régionale du Royaume ? Probablement. En tout état de cause, mais Rabat ne peut qu'accueillir avec satisfaction cet événement de taille en raison des relations remarquables qu’entretient le roi Mohammed VI avec le Président Buhari. D’ailleurs, ce dernier vient d'effectuer, en juin 2018, une visite officielle au Maroc, où il a confirmé l'engagement de son pays à soutenir le projet de construction du gazoduc devant relier le Nigéria au Maroc.
Si le président Nigérian et le roi Mohammed VI peuvent user de leur influence pour ramener les pays de la zone économique d'accélérer le processus d'adhésion du Maroc, à cet important espace géoéconomique, la tâche de Buhari s'avère plus compliquée dans son propre pays. En effet, il fait face à des adversaires politiques virulents qui ont fait du dossier de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO un argumentaire politique pour contrer Buhari en avançant que cette adhésion constituait une menace sur l’influence régionale du Nigéria.
Reste qu’en plus de ce jeu d’influence long et énergivore, le Maroc se doit de 1) marketer auprès des populations et des décideurs politiques l’importance de l’arrimage total du royaume dans son continent; 2) repenser sa stratégie opérationnelle en Afrique en encourageant les bonnes volontés et les bonnes visions, et tourner ainsi le dos à ces opérateurs économiques qui se sont lancés en opportunistes sur le marché subsaharien, sans prendre en compte leur capacité en mobilisation des ressources financières ni en compétences humaines, ni les contraintes culturelles importantes des pays subsahariens cibles.