Le communiqué conjoint publié le 27 mars 2025 par Inwi et Maroc Telecom, annonçant la création de deux joint-ventures pour accélérer le déploiement de la fibre et de la 5G, constitue bien plus qu’un simple partenariat industriel. Il s’agit d’un tournant majeur dans la gouvernance du secteur des télécommunications, intervenant dans un contexte politique lourd de sens : un mois à peine après le limogeage du dirigeant historique de Maroc Telecom, Abdeslam Ahizoune et l’installation d’un commis de l’État à la destinée d’IAM, Mohamed Benchaâboun.
Fin d’un bras de fer historique
Maroc Telecom et Inwi ont entretenu pendant des années un conflit ouvert sur le partage des infrastructures passives, culminant avec une condamnation de Maroc Telecom à verser 6,38 milliards de dirhams à Inwi. Le communiqué acte une transaction amiable, ramenant l’indemnisation à 4,38 milliards MAD, conditionnée à la signature des documents engageants relatifs aux joint-ventures.
Cette résolution marque la fin d’une guerre de positions, et l’entrée dans une logique de coopération structurée, rendue incontournable par les injonctions d’une transformation numérique ambitieuse et les exigences de souveraineté numérique nationale.
Deux JV, une nouvelle ère
Aujourd’hui, les deux opérateurs ont décidé de créer ensemble :
- Une « FiberCo » pour atteindre 3 millions de prises fibre dans 5 ans ;
- Une « TowerCo » pour construire ou rénover 6.000 tours 5G à horizon 10 ans.
Ces chiffres montrent la volonté d’accélération, mais surtout une nouvelle architecture de marché, fondée sur la mutualisation, l’ouverture et la coopération technique entre concurrents.
Une victoire de l’État stratège
En creux, ce partenariat traduit une décision d’ordre supérieur. L’État a tranché : les querelles intestines entre opérateurs ne peuvent plus ralentir la marche vers la souveraineté numérique. En poussant les deux principaux acteurs à collaborer au lieu de s’affronter, le régulateur transforme une fracture sectorielle en moteur de compétitivité.
Il s’agit d’un mouvement coordonné, méthodique :
- Fin d’un cycle dominé par une rente technique ;
- Mise en place de nouveaux mécanismes de gouvernance (joint-ventures, mutualisation) ;
- Volonté d’ouverture à tous les titulaires de licence, pour éviter la reconstitution d’oligopoles fermés.
Ce partenariat s’inscrit dans une vision de long terme initiée sous le règne de feu SM le Roi Hassan II, qui avait fait de Maroc Telecom un opérateur public stratégique au service de la souveraineté nationale. Maroc Telecom fut pendant des décennies l’outil de l’État pour équiper le territoire en infrastructures et téléphonie de base.
Sous le règne de Mohammed VI, l’approche a évolué vers une dynamique de libéralisation maîtrisée et de modernisation radicale. Le lancement d’Inwi, conçu comme un véritable opérateur national aux capitaux marocains, a permis de briser toute entente tacite possible sur les prix et les offres entre les deux autres opérateurs à capitaux étrangers, Maroc Telecom (Etisalat) et Orange. Inwi a joué un rôle clé dans la démocratisation de la data, la baisse des prix, l’accès massif à l’internet mobile et l’adoption rapide de la 4G, puis de la 5G.
Une ambition continentale
Au-delà du Maroc, ce partenariat place le Royaume en position de référence pour d’autres pays africains. Il établit un précédent : la modernisation des infrastructures télécom ne peut se faire que par l’entente supervisée, et non par la guerre commerciale.
Ce partenariat n’est pas une simple alliance d’entreprises. C’est un acte stratégique. Une orchestration politique. Et une démonstration de force douce de l’État dans un secteur clé du XXIe siècle.