Bank Al-Maghrib (BAM) poursuit son bras de fer réglementaire avec Bruxelles pour préserver la compétitivité des filiales marocaines opérant en Europe. Le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a confirmé le 23 septembre que les discussions avec la France avaient abouti à un accord préliminaire jugé satisfaisant, en attendant son feu vert par la Commission européenne et les clarifications du régulateur français.
Une directive lourde de conséquences
Adoptée en mai 2024, la directive européenne 2024/1619 vise à renforcer le cadre prudentiel des établissements étrangers opérant dans l’Union européenne. Ses exigences, centrées sur la gouvernance, la transparence et le capital réglementaire, imposent des contraintes nouvelles aux banques marocaines disposant de succursales en Europe.
Les risques identifiés sont multiples : hausse des coûts de conformité, restructurations imposées, voire menace directe sur l’activité essentielle des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), qui représentent une source stratégique de devises pour le Maroc.
La riposte de Bank Al-Maghrib
Face à ce défi, BAM a mis en place une task force interministérielle réunissant le ministère des Finances, le ministère des Affaires étrangères et les trois principales banques marocaines concernées. Cette cellule de crise a entamé des négociations pays par pays, ciblant en priorité les marchés les plus stratégiques : la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas.
En parallèle, BAM explore des solutions technologiques et numériques susceptibles d’alléger les impacts de la directive, tout en sécurisant la continuité des services bancaires pour les MRE.
L’avancée française, un signal positif
Devant la presse, Abdellatif Jouahri a insisté sur la portée de l’avancée obtenue avec Paris. « Nous sommes arrivés à un contour qui, grosso modo, nous donne satisfaction. Ce que nous avons finalisé ne va pas limiter l’activité des filiales des banques marocaines en Europe », a-t-il déclaré.
Toutefois, deux étapes restent à franchir :
- La validation par la Commission européenne, condition indispensable pour donner force juridique à l’accord.
- Les discussions avec l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), le régulateur français, afin de lever toute ambiguïté. Jouahri a d’ailleurs exigé que « tout ce qui est flou soit clarifié dès maintenant » pour éviter des divergences d’interprétation ultérieures.
Vers une solution d’ensemble d’ici 2026
La Banque centrale marocaine vise un accord global avant 2026, date d’entrée en vigueur de la directive. Les prochaines étapes porteront sur les négociations avec l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas, où les banques marocaines détiennent une présence significative.
« Nous sommes sur la bonne voie », a conclu Jouahri, tout en appelant à maintenir la vigilance et la cohérence dans les négociations. L’enjeu dépasse la simple conformité réglementaire : il s’agit de préserver un pilier vital de la relation entre le Maroc et sa diaspora, et plus largement la place des banques marocaines sur le marché européen.