Le message de Jouahri à la France : Nos banques ne sont pas des centres d’appels

Emmanuel Macron ne l’avait visiblement pas vue venir. Pensant user de subterfuges de communication pour décrocher le jackpot en cédant la Société Générale à l’ex-maître incontesté du service client, MHE, mais la réalité est tout autre. Eh non, Monsieur le Président, au Maroc, on ne vend pas une banque comme on vend un centre d’appel. L’acquéreur doit non seulement satisfaire à des exigences rigoureuses, mais également solliciter un nouvel agrément de Bank Al-Maghrib. Abdellatif Jouahri, son gouverneur, l’a lui-même clairement exigé, en présence de témoins : la presse marocaine.

La France a-t-elle misé sur le mauvais cheval pour opérer un de ses désengagements majeurs du système financier marocain ? Si l’on se fie au ton chargé avec beaucoup de sarcasme, et à la fermeté affichée par le gouverneur de la Bank al-Maghrib lors de sa conférence de presse du 19 mars, il semblerait bien que oui.

«Épargnez-moi vos fables, en tant que régulateur je pourrais plutôt vous instruire sur l’état financier de votre entreprise et comment la crise russe impacte vos opérations et filiales», c’est en substance le recadrage qu’Abdellatif Jouahri a infligé au patron français de la Société générale, venu l’informer de son intention de céder la filiale marocaine.

«Nous examinerons votre requête lorsque vous serez prêts. Cependant, les règles sont claires : si cette transaction affecte le contrôle de la banque, une nouvelle autorisation est requise», a souligné Jouahri.

Il précise ensuite : «Puisque vous possédez plus de 50% du capital, l’acquéreur doit obligatoirement solliciter nouvel agrément bancaire».

A ce point de la discussion, tout ce qui a été répété dans la presse médias et et les cercles d’influence à propos du énième coup magistral de Moulay Hafid Elalamy commence à s’évaporer.

Sous ces conditions, l’accès de Saham au métier de la banque, après avoir cédé son activité assurance, devient plus ardu qu’anticipé. MHE, connu pour influencer les décisions financières, politiques et administratives afin de «closer» rapidement ses deals et avaler ses proies, se trouve désormais face à un environnement moins manipulable que par le passé. Pour une fois, il ne pourra pas faire mieux que ses «amis», les Bensallah.

D’autant plus, Jouahri a manifesté son scepticisme envers MHE, un personnage qui n’a cessé de convoiter le trône d’Othman Benjelloun. Le vieux lion, gardien du temple financier, a mis les points sur les i avec le directeur français de la Société Générale : venir me dire que celui-ci est acheteur ne suffit pas. Ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent.

«Je n’accorde aucun agrément sans un examen approfondi du dossier : quel est le projet industriel de l’acheteur, son business plan, sa valeur ajoutée à lui. Si l’opération est rentable pour la banque et pour le Maroc, alors “Bismillah”. Sinon, pas d’agrément.

L’affirmation la plus révélatrice de Jouahri fut :

«Si vous avez décidé de vendre même dans le cadre du Maroc, voici l’acheteur pour qu’on puisse donner notre aval et concrétiser l’opération, et voici les documents requis.»

Abdellatif Jouahri a clairement signalé à la France que les banques marocaines ne sont pas des call centers. Intégrer ou quitter le secteur bancaire marocain est soumis à des règles précises, et une cession ne se résume pas à un simple communiqué de presse.

La banques n’est pas une entreprise comme les autres

Moulay Hafid Elalamy, aussi bon qu’il peut être, a démontré au fil des années un opportunisme marqué dans ses affaires. Visant toujours plus grand, il ne s’intéresse pas à un actif mais à l’ensemble du marché. Il se lance ensuite dans une course effrénée de taille avant de céder son affaire et de se remplir personnellement les poches.

Il a cette capacité de gestion des projets d’acquisition et de cession qui le classe davantage parmi les prédateurs que des bâtisseurs.

Le métier de la banque ne se presse pas à ce type de profils d’homme d’affaires. Une banque n’est ni CapInfo, ni BigDeal, ni Phone Groupe.

Les banques, autrefois majoritairement sous contrôle étatique et spécialisées, se distinguent des autres entreprises par leur rôle central dans la gestion de l’argent, un bien commun, et leur capacité à créer de la monnaie.

Cette position unique les rend indispensables à l’économie, mais leur impose de grandes responsabilités et les expose à des risques spécifiques, comme la transformation des dépôts liquides en prêts moins liquides, augmentant leur vulnérabilité à des retraits massifs de dépôts. Leurs interdépendances font qu’une faillite bancaire peut entraîner un risque systémique, déstabilisant l’ensemble du secteur et affectant gravement l’économie. Cela souligne le caractère distinct et fragile des banques, qui, malgré leur concurrence, doivent respecter des réglementations strictes pour préserver la stabilité financière.

De plus, MHE est tombé sur un os : les relations tendues entre Rabat et Paris. Accepter un deal supervisé par l’Élysée reviendrait à faciliter la tâche à un pays peu bienveillant à notre égard.

Moulay Hafid est pour la premier fois se met dans la peau du pigeon :

  1. Il a le cash qu’il faut après la cession de Saham Assurance aux sud-africains et de Majorel aux français
  2. Il ne réside que peu au Maroc et échappe aux influences de l’environnement politico-économique
  3. Il s’est fait la spécialité d’«optimiser» ses impôts.

Il est de notre devoir d’accueillir avec une profonde admiration la position tenue par Abdellatif Jouahri face aux responsables de la Société Générale. La prospérité du pays repose sur la présence continue de ces figures de proue, empreintes d’honneur et d’intégrité.

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