La cour d'appel d'Alger a condamné deux ex-Premiers ministres de l'ère Bouteflika, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, respectivement à 15 et 12 ans de prison ferme, à l'issue d'un procès sans précédent pour corruption, a-t-on appris de source judiciaire.
En revanche, elle a allégé des peines infligées à l'encontre d'anciens ministres et patrons algériens, impliqués dans un scandale automobile et accusés de financement illégal de la dernière campagne électorale du président déchu Abdelaziz Bouteflika, selon des avocats de la défense.
La cour d'appel a confirmé mercredi les sentences prononcées le 10 décembre contre Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, tous deux proches de Abdelaziz Bouteflika.
«Ce verdict en appel reste une décision politique», a déclaré à l'AFP Me Mourad Khader, l'avocat de Sellal.
Les deux condamnés ont huit jours pour se pourvoir en cassation.
Deux anciens ministres de l'Industrie, Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi, condamnés en première instance à 10 ans de prison, ont vu leurs peines réduites de moitié.
Un autre inculpé influent, Ali Haddad, ex-président de la principale organisation patronale algérienne FCE et PDG du N.1 privé du BTP, considéré comme l'un des principaux financiers des dernières campagnes électorales de M. Bouteflika, a écopé de quatre ans de prison contre sept ans en première instance.
L'avocat crie au scandale
Mais, pour son avocat, Me Kaled Bourayou, «c'est un verdict injustifiable». «Tant que la justice est instrumentalisée, on ne peut pas s'attendre à autre chose», a critiqué l'avocat qui va se pourvoir en cassation.
Le président Abdelaziz Bouteflika a été poussé à la démission le 2 avril 2019, sous la pression d'un mouvement de contestation antirégime inédit à la suite de l'annonce de sa candidature à un cinquième mandat.
Le financement de sa campagne «a occasionné une perte au Trésor public estimée à 110 milliards de dinars» (plus de 830 millions d'euros), selon le procureur.
Deux autres riches hommes d'affaires, Hassen Arbaoui et l'ancien vice-président du FCE Mohamed Bairi, tous propriétaires d'usines de montage de véhicules, ont été condamnés mercredi à des peines identiques (4 et 3 ans d'emprisonnement respectivement).
Depuis le 1er mars, une vingtaine de personnalités --ex-responsables politiques, puissants patrons et hauts fonctionnaires-- étaient jugées en appel.
Elles étaient poursuivies pour le financement «occulte» de la cinquième campagne électorale de Bouteflika, début 2019, ainsi que pour népotisme et favoritisme dans l'industrie automobile via des partenariats entre marques étrangères et grands groupes algériens, souvent propriétés d'hommes d'affaires liés à l'entourage de l'ex-président.
Les groupes agréés par les autorités avaient bénéficié d'importantes subventions et de substantiels avantages fiscaux, malgré un cahier des charges rarement respecté.
Le scandale automobile a entraîné une perte pour le Trésor public estimée à plus de 128 milliards de dinars (975? millions d'euros), selon des chiffres officiels.
D'autres procès attendent certains des accusés, cités dans des volets des vastes enquêtes relatives à des faits présumés de corruption, ouvertes depuis le départ du président Bouteflika et soupçonnées de servir opportunément des luttes de clan au sommet dans l'après-Bouteflika.