Trop heureux de ressortir après 48 jours de confinement très strict, les Espagnols sont allés marcher, courir, pédaler samedi sous le soleil pour jouir de l'autorisation de se promener et de refaire du sport en plein air.
«Hier j'étais comme un enfant à la veille de Noël. Après tant de semaines de confinement, j'avais très envie de sortir, courir, voir du monde», s'enthousiasme un conseiller financier de 42 ans, Marcos Abeytua, sorti faire du jogging en plein centre de Madrid.
Habitant du quartier habituellement festif de Chueca, il dit s'être levé très exceptionnellement à 7H00, alors qu'il y a sept semaines, quand les bars et restaurants étaient encore ouverts, il aurait fait la grasse matinée pour se remettre d’une sortie du vendredi soir...
Près du Retiro, le plus célèbre des parcs de la capitale qui restent fermés, de nombreux Madrilènes sortent courir en tenue d'été, parfois en groupes. «Merci de courir sur les trottoirs», leur demande par haut-parleur un policier municipal, non loin du musée du Prado, également fermé.
Beaucoup s'arrêtent, le temps d'un «selfie» devant la Porte d'Alcala, ornée d'un ruban noir en signe de deuil alors que la pandémie a fait plus de 8.000 morts dans la région de Madrid sur les plus de 25.000 dans le pays.
Après avoir déjà permis aux enfants de moins de 14 ans de sortir depuis le 26 avril, le gouvernement de Pedro Sanchez a de nouveau allégé les conditions du confinement imposé depuis le 14 mars, qui était l'un des plus stricts au monde.
Auparavant les Espagnols n'étaient autorisés à quitter leur domicile que pour aller travailler - si le télétravail n'était pas possible - acheter à manger, se rendre à la pharmacie, chez le médecin ou promener brièvement leur chien.
Les promenades et activités sportives restent cependant très encadrées.
Dans les communes de plus de 5.000 habitants, elles sont soumises à des horaires précis afin d'éviter qu'il n'y ait foule dans les rues et pour maintenir à distance enfants et personnes âgées qui ne peuvent sortir aux mêmes heures.
Les créneaux 10H-12H00 et 19H00-20H00 sont réservés aux personnes âgées de plus de 70 ans et aux personnes dépendantes, éventuellement accompagnées.
Cheminant lentement dans la Calle Mayor de Madrid, en s'appuyant sur une canne et le bras de sa fille, Amalia Garcia Manso, 87 ans, sort pour la première fois «pour une petite promenade», masquée et gantée. «Cela fait de la peine, c'est dur pour moi de voir que tout est fermé à Madrid», confie-t-elle, dans la rue commerçante où patrouillent des policiers.
Ça fait plaisir de bien s'habiller
Place de l'Opéra, deux femmes de 76 et 79 ans cheminent à bonne distance l'une de l'autre: «Nous sommes à haut risque, moi je n'étais pas sortie du tout, et ça fait plaisir de bien s'habiller et de marcher au lieu de faire des exercices à la maison», confie la plus âgée, Sonia Claesson.
De 6H00 à 10H00 puis de 20H00 à 23H00, adolescents de plus de 14 ans et adultes peuvent sortir soit pour se promener à moins d'un kilomètre de leur maison - à deux d'un même foyer maximum - soit pour faire du sport individuellement.
L'après-midi est réservé aux enfants de moins de 14 ans. Dans une ruelle proche de l'Opéra, Joud Ali Garcia, 3 ans, s'agrippe aux barres de son balcon du quatrième étage. «Je veux sortir», crie-t-il à une voisine de 81 ans de l'immeuble d'en face avec laquelle il a pris l'habitude de converser ces dernières semaines, impatient de se précipiter dans le jardin faisant face au Palais royal.
A Barcelone, de très nombreux sportifs et marcheurs sont de nouveau en liberté sur le front de mer, même si l'accès aux plages reste interdit contrairement à d'autres villes comme Saint-Sébastien, au Pays basque, qui laisse les promeneurs marcher sur le sable.
Mais déjà, certains regrettent que beaucoup ne respectent pas la distance de sécurité de deux mètres, tel Jose Antonio, un retraité de 65 ans, qui lâche: «si les gens veulent se contaminer, qu'ils se contaminent, mais le résultat, ce sera que dans 15 ou 20 jours, ils nous enfermeront de nouveau».