Aziz Akhannouch vire ESL et choisit Cambre Associates, le défenseur des pollueurs

Après les multiples déboires de la diplomatie marocaine sur plusieurs dossiers, notamment ceux liés au secteur de la Pêche ainsi que les péripéties inhérentes aux décisions et contre-décisions de la Cour européenne de Justice et leurs répercussions sur les orientations souveraines du Maroc, Aziz Akhannouch et Nasser Bourita avaient formellement exprimé à leurs interlocuteurs européens la nécessité de réfléchir à une nouvelle approche, une nouvelle plateforme à même de gérer les relations bilatérales entre les deux parties pour éviter, à l’avenir, que les rapports politiques et économiques entre Rabat et Bruxelles ne soient menacés par une quelconque velléité judiciaire. Mais le manque de cohésion et d’homogénéité dans les relations entre nos ministres et les différentes parties intervenant dans ce dossier sensible, ainsi que l’excès de précipitation dans la prise de certaines décisions et le manque de constance avec nos partenaires internationaux, risquent de faire capoter tous les acquis du Maroc. Pour preuve, en moins de deux ans, le Maroc a changé à trois reprises le cabinet de lobbying en charge d’accompagner la diplomatie marocaine dans le sérail européen. Le dernier chamboulement en date, le débarquement de ESL & Network European Affairs au profit du très controversé Cambre Associates nous apprend Maghreb Confidentiel dans le dernier numéro de sa lettre hebdomadaire. Cette inconstance, si elle est révélatrice d’une fébrilité de notre exécutif, elle est surtout annonciatrice d’un conflit au sein de ce dernier.

Le Maroc a engagé à coups de millions de dollars des cabinets de lobbying de renom pour défendre ses intérêts auprès de l’exécutif européen. Ce processus, louable et légitime, n’a pas toujours permis d’obtenir des résultats escomptés. D’ailleurs, Nasser Bourita, dès sa prise de fonction à la tête de la diplomatie marocaine, et sur recommandation de Ahmed Réda Chami, avait décidé de mettre fin à la mission du cabinet britannique GPlus, mais sans pour autant en informer un des principaux protagonistes et intéressés, à savoir son collègue à l’Agriculture, Aziz Akhannouch. Sans concertation, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, a jeté son dévolu sur ESL & Network European Affairs, représenté par Najwa El Haité, nièce de Hakima El Haité, alors championne du climat.

A l’époque, un gros travail de lobbying avait été fourni pour introduire le cabinet parisien dans la sphère de la COP22 organisée au Maroc en 2016, au détriment de PublicisLive du marocain Richard Attias. Ainsi, le patron de ESL, Sami Baghdadi, a décidé de renforcer ses équipes au Maroc en s’attachant les services de l’ancien ministre Driss Benhima en qualité de Senior advisor et de l’ancien ambassadeur Saïd Benryane en tant que secrétaire général, travaillant de concert avec Ahmed Réda Chami.

Tout ce beau monde a du faire face à son premier vrai examen, à savoir la décision de la Cour de justice européenne sur le dossier de la Pêche. Et là, c’était la grande désillusion. Au premier test, échec sur toute la ligne. Les intérêts du Maroc ont été bafoués pas les instances judiciaires de Strasbourg sans que les Benhima, Benryane, Baghdadi, Chami et consorts, confortablement assis dans leurs bureaux, ne bougent le petit doigt. Fou furieux, Aziz Akhannouch sort de ses gongs et fera tout pour abattre ESL & Network European Affairs : il vire ESL sans ménagement et recrute, dans la foulée, le très controversé britannique basé à Bruxelles, Cambre Associates.

Habitué aux affaires «corporate» et celles ayant trait aux fédérations professionnelles européennes, Cambre Associates n’est pas vraiment rôdé aux dossiers sensibles à caractère géopolitique et souverain comme l’affaire du Sahara. Pire, ce cabinet a très mauvaise presse chez les défenseurs de l’environnement et du climat. En effet, Cambre Associates a souvent été pointé du doigt comme un fervent défenseur des grands pollueurs de la planète, comme Koch Industries, accusé de financer à coup de millions de dollars des groupes climato-sceptiques, tout comme il est le conseiller de l'association professionnelle des raffineurs européens FuelsEurope.

Extrait de l'enquête publiée par Corporate Europe Obervatory sur les lobbyistes des grands pollueurs européens

Le choix par Aziz Akhannouch d’allier le Maroc, qui a abrité le sommet de la COP22, à un cabinet qui défend les intérêts des climato-sceptiques soulève des interrogations. Et il est légitime de se demander quelle image accompagnera le traitement des dossiers du Sahara, de la Pêche et de l’Agriculture dans les couloirs de l’Union européenne, quand les hauts fonctionnaires de Bruxelles auront à faire avec les cadres de Cambre Associates dont le cabinet a permis à Koch Industries, par exemple, de mobiliser quelque 120 millions de dollars en faveur d’un vaste réseau de think tanks internationaux et de sociétés de relations publiques pour étouffer dans l’œuf tout espoir de la mise en place d’une taxe carbone ou loi pour la défense de l’environnement dans tel ou tel autre pays.

Extrait de l'enquête publiée par Corporate Europe Observatory sur les lobbyistes des grands pollueurs européens

Aujourd’hui, les marocains veulent juste savoir si leurs intérêts sont bien défendus ou pas. En virant GPlus, le gouvernement se devait de soumettre à l’opinion publique un bilan du travail du cabinet britannique et les raisons de son congédiement. En choisissant à sa place ESL & Network European Affairs, il aurait été intéressant d’expliquer les tenants et aboutissants de ce choix. De même pour Cambre Associates : si ce cabinet est un habitué des industriels tels que Koch Industries ou FuelsEurope, il pourrait être un bon conseiller pour Akwa Group ou Afriquia Gaz, peut-être l’est-il déjà ! Mais de là à en faire le défenseur des causes souveraines nationales dans les instances européennes, il y a pas osé de franchi. Car, en définitive, en quoi Aziz Akhannouch est-il convaincu, que ce cabinet qu’il a choisi en son âme et conscience, est-il différent (ou meilleur) de ses prédécesseurs et quelles sont garanties qu’il ne sera pas, lui aussi, débarqué dans moins d’un an, s’il ne donne pas satisfaction aux yeux d’un Bourita ou Chami ?


Références :

  1. Cambre, nouveau lobbyiste de Rabat à Bruxelles
  2. PR companies lobbying for big polluters in Europe
  3. Cambre Associates (Cambre), Lobby Facts
  4. Après la RAM, Driss Benhima atterrit chez ESL Agence Publics
  5. L'ambassadeur Saïd Benryane arrive chez ESL Agence publics

1 Comment Leave a Reply

  1. ESL est une boite internationale qui n’est pas à son premier projet et n’a pas eu besoin de Hakima Elhaité pour contracter avec qui que ce soit et Aziz Akhenouch est libre de choisir ses prestataires de service je suppose qu’il le fait dans le respect des lois

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