Le Parlement chinois a adopté jeudi une disposition controversée sur la sécurité nationale à Hong Kong, en réaction aux manifestations de l'an dernier dans l'ex-colonie britannique, malgré la menace de sanctions américaines.
Sans surprise, les près de 3.000 députés de l'Assemblée nationale populaire (ANP) ont adopté la mesure qui a déjà provoqué un regain d'agitation dans la région autonome du Sud de la Chine.
Seul un député a voté contre et six se sont abstenus. Le vote a été salué par de longs applaudissements dans le cadre solennel du Palais du peuple à Pékin, en présence du président Xi Jinping.
La Chine a fait de cette loi une priorité après les manifestations monstres de 2019 contre le pouvoir central, qui avaient aussi donné lieu à des violences et alimenté un sentiment indépendantiste.
Les opposants démocrates à l'influence de Pékin dans le territoire affirment que la mesure ouvre la voie à une régression sans précédent des libertés dans la métropole financière de 7 millions d'habitants.
«C'est la fin de Hong Kong», a résumé pour l'AFP Claudia Mo, députée pro-démocratie au Conseil législatif hongkongais. «A partir de maintenant, Hong Kong sera une ville chinoise comme les autres».
Joshua Wong, une des figures de l'opposition, a estimé que la future loi allait «tuer les mouvements démocratiques» dans le territoire autonome.
Dans le camp pro-Pékin en revanche, la cheffe de l'exécutif hongkongais Carrie Lam a salué le vote du Parlement chinois. Comme demandé par le projet de loi, elle a promis «de renforcer l'application de la loi et l'éducation afin de défendre la sécurité nationale».
Une loi qui devra empêcher, stopper et réprimer toute action qui menace gravement la sécurité nationale
"Cette décision ne portera pas atteinte aux droits et libertés dont jouissent les Hongkongais", a assuré le député pro-Pékin Martin Liao.
Alors que l'agitation était retombée ces derniers mois à la faveur des mesures prises contre la pandémie de Covid-19, des milliers de Hongkongais sont à nouveau descendus dans la rue dimanche pour protester contre le projet de loi, annoncé seulement trois jours plus tôt, avant d'être dispersés par la police.
La disposition donne désormais mandat au Comité permanent de l'ANP pour rédiger un projet de loi qui sera incorporé dans la mini-Constitution de Hong Kong, contournant le vote du Conseil législatif local.
Cette loi devra «empêcher, stopper et réprimer toute action qui menace gravement la sécurité nationale, comme le séparatisme, la subversion, la préparation ou la commission d'activités terroristes, ainsi que les activités de forces étrangères qui constituent une ingérence dans les affaires» de Hong Kong, selon le projet soumis à l'ANP.
Pékin a accusé à plusieurs reprises l'an dernier des «forces étrangères», notamment américaines, de fomenter l'agitation à Hong Kong. Il a également accusé les manifestants radicaux de se livrer à des activités "terroristes".
L'accusation de «subversion» est quant à elle fréquemment utilisée par le gouvernement central pour condamner des opposants.
Le Comité permanent de l'ANP pourrait se saisir du texte dès juin et le projet de loi être adopté fin août, selon le site NPC Observer, spécialiste des arcanes législatives chinoises.
Le projet prévoit aussi d'autoriser des organismes relevant du gouvernement central à ouvrir à Hong Kong des antennes compétentes en matière de sécurité nationale.
Fin du principe «Un pays, deux systèmes»
De l'avis des opposants, le texte signe la fin du principe "Un pays, deux systèmes" qui préside aux relations entre Hong Kong et Pékin depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997.
L'avenir du grand centre financier asiatique suscite aussi l'inquiétude dans le reste du monde, particulièrement aux Etats-Unis, où, sans attendre le vote du Parlement chinois, l'administration de Donald Trump a ouvert la voie à des sanctions économiques contre Hong Kong.
Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a annoncé mercredi au Congrès qu'il ne considérait plus le territoire comme autonome vis-à-vis de Pékin.
«Aucune personne sensée ne peut soutenir aujourd'hui que Hong Kong conserve un haut degré d'autonomie par rapport à la Chine», a-t-il déclaré.
Concrètement, l'administration Trump peut désormais mettre fin au statut commercial préférentiel accordé à l'ex-colonie britannique. Mais elle n'a pas encore dit si elle mettrait cette menace à exécution.
La menace américaine a été qualifiée de «barbare» jeudi par la représentation à Hong Kong du ministère chinois des Affaires étrangères.
Le Parlement chinois s'est prononcé au dernier jour de sa session plénière, la grand-messe annuelle du pouvoir communiste, ramenée cette année à sept jours en raison du Covid-19. Le reste de l'année, son Comité permanent, qui compte 175 membres, est chargé de légiférer.