Elections en RDC : Un scrutin de haute voltige

Reportées trois fois, les élections présidentielles, législatives et provinciales en République démocratique du Congo ont finalement eu lieu dimanche. Alors que le mandat de Joseph Kabila état censé s’achever en 2016, ce dernier s’est accroché à son fauteuil présidentiel jusqu’à aujourd’hui. Il espère continuer à gouverner via son dauphin qui se présente sous les couleurs de la coalition de la majorité. Il aura en face de lui 20 candidats. Qui succèdera donc à Joseph Kabila à la tête de l’ex-Zaïre, l’un des pays les plus vastes et les plus riches en minerais d’Afrique ? La réponse pourrait tomber en fin de semaine.

Dimanche dernier, quarante millions d’électeurs congolais étaient appelés à voter sur fond de grande tension. Ces élections sont à la fois organisées pour désigner le futur président, l’appareil législatif et les élus provinciaux. A l’heure actuelle, les opérations de dépouillement manuel des bulletins de vote se poursuivent. Ces élections ont été entachées selon l’opposition par de graves irrégularités et par de nombreux couacs. Dans ce pays, le plus vaste de l’Afrique subsaharienne, et où où Internet est coupé depuis 72h, quatre personnes ont trouvé la mort dans le Sud-Kivu après qu’un agent électoral ait essayé de remplir une boîte de scrutin de bulletins en faveur du protégé de Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary. Ce dernier est en course pour la présidence avec deux candidats de l’opposition : Félix Tshisekedi et Martin Fayulu. Fayulu a dénoncé l’expulsion de ses observateurs de plusieurs bureaux de vote et « de nombreuses et graves irrégularités ». Cela, au moment où le dauphin de Kabila, Emmanuel Shadary criait déjà victoire à la sortie du bureau de vote : « J’ai déjà gagné. Je serai élu, c’est moi le président à partir de ce soir ». Rappelons que ces élections se sont déroulées en l’absence de toute mission d’observation occidentale, refusées par Kinshasa. En attendant le suspens règne en maître tout comme la tension. Si la majorité a estimé que les résultats pouvaient être annoncés aujourd’hui, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a affirmé ne pouvoir donner de résultats provisoires que samedi prochain.

Couacs à répétition

Les élections ont connu plusieurs dysfonctionnements et plusieurs incidents. Si le climat général a été calme, plusieurs incidents sont à déplorer. Depuis la décision de Kinshasa d’exclure la région de Béni, de Butembo et de Yumbi des élections en raison du virus Ebola et des massacres de civils dans la région, cette dernière s’est insurgée contre cette décision car c’est l’un des bastions de l’opposition. Des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes. Elles ont été dispersées par les forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène et d’armes à feu. Pour marquer le coup, la ville de Béni a connu l’organisation d’un vote symbolique dans un bureau de vote fictif afin de protester contre cette exclusion. Lors du vote, les machines à voter (écrans digitaux) ont connu plusieurs problèmes, ce qui a poussé l’opposition à appeler au comptage manuel des voix. Les électeurs appuyaient sur des boutons sans trop savoir pour qui ils votaient.

Vote symbolique à Béni

Si les sondages favorisent le candidat de l’opposition Martin Fayulu, la façon dont s’est déroulé le scrutin pourrait cacher des surprises. Ce pays déchiré par les luttes de pouvoir et les transitions violentes risque de sombrer une nouvelle fois dans la violence. Son spectre plane sur le pays avec une dizaine de morts durant la campagne électorale d’après la société civile. Malgré les bons offices de la communauté de développement d'Afrique Australe (SADC), les deux candidats de l’opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi, ont refusé de signer samedi dernier l’« acte pour la paix », un document dans lequel ils se seraient engagés à rejeter toute violence. Selon Vital Kamerhe, directeur de campagne de Félix Tshisekedi, la CENI et la coalition au pouvoir « ne sont pas pour des élections crédibles et transparentes ». Si Joseph Kabila écarte toute dérive car « la menace sécuritaire est sous contrôle », le risque de voir la RDC sombrer dans le chaos à nouveau est bel et bien présent. Le 28 décembre dernier, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations unies, a exhorté les différentes parties à « assurer un environnement libre de violences afin que tous les électeurs éligibles puissent voter pacifiquement le jour du scrutin ». Son appel ne semble pas avoir été entendu.

Déchiré par la misère et l’instabilité politique chronique, l’ex-Zaïre contient d’immenses richesses minérales comme le cobalt (50% des réserves mondiales) et le cuivre. N’ayant jamais connu de transition pacifique au pouvoir, le pays ressemble à une poudrière dont la mèche peut être allumée à tout moment.

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