En pointant du doigt dans son discours du trône ceux qu’ils a désignés comme des «négativistes, nihilistes et autres marchands d’illusions» qui usent «du prétexte de certains dysfonctionnements pour attenter à la sécurité et à la stabilité du Maroc ou pour déprécier ses acquis et ses réalisations», le roi Mohammed VI reconnaît «l’ampleur du déficit social et les modalités de réalisation de la justice sociale et territoriale» qui sont parmi les principales raisons qui ont incité le souverain à appeler au renouvellement du modèle de développement national. Le roi Mohammed VI, qui rappelle qu’il «est insensé que plus de cent programmes de soutien et de protection sociale, de différents formats [mobilisant] des dizaines de milliards de dirhams, soient éparpillés entre plusieurs départements ministériels et de multiples intervenants publics», dénonce cette pratique selon laquelle «les programmes [sociaux] empiètent les uns sur les autres» péchant par manque de cohérence jusqu’à ne pas parvenir à cibler les catégories effectivement éligibles. «J’ai le sentiment que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale» a martelé le souverain ! Pour arriver à ce constat, le roi s’est appuyé sur deux rapports : le premier du Gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, le second de Driss Jettou, président de la Cour des comptes, tous deux présentés au souverain le jour-même du discours du trône dans deux audiences séparées au siège de la préfecture d’Al Hoceima.
En décortiquant la situation socio-économique du pays et celle des entreprises publiques, les deux anciens ministres des Finances, Abdellatif Jouahri et Driss Jettou, en leurs qualités respectives de Gouverneur de Bank Al-Maghrib et de président de la Cour des comptes, n’y sont pas allé avec le dos de la cuillère.
Pour le patron de l’Institut d’émission, «le rythme du progrès reste en deçà des attentes», surtout que l’activité non agricole demeure lente. De plus, Abdellatif Jouahri relève les limites de l’investissement ce qui réduit «les chances d’une reprise rapide de la croissance et de l’emploi.» Rappelant l’interrogation du roi Mohammed VI sur «l’adéquation de notre modèle de développement (amené à être revu et repensé) au contexte actuel et sur sa capacité à répondre aux aspirations légitimes de la population», le Gouverneur de la Banque centrale a affirmé que le Maroc «a besoin non seulement de poursuivre et d’élargir les réformes, mais également et surtout de réussir leur mise en oeuvre et de les parachever dans les délais impartis» prenant en exemple «la réforme du système d’éducation et de formation, dont la déclinaison tarde à prendre forme trois ans après l’adoption de la vision stratégique 2030». De même pour le Plan national de promotion de l’emploi «qui nécessite des mesures concrètes pour atteindre les objectifs ambitieux qu’il s’est fixés.»
Face à ce constat pour le moins alarmiste, Abdellatif Jouahri préconise de parachever d’urgence la réforme et la généralisation de la compensation visant à «l’instauration de la réalité des prix» ce qui risque de grever sérieusement le pouvoir d’achat des franges les plus démunies de la population et même celui de la classe dite moyenne. A ce sujet, Jouahri a affirmé «qu’il devenait urgent de mettre en place un système de ciblage de la population, d’autant plus que plusieurs programmes sociaux font face à de fortes contraintes financières qui menacent leur viabilité» tout en plaidant l’urgence du parachèvement du processus de réforme de la Caisse marocaine des retraites vu le rythme de «l’épuisement des ressources» qui menace nettement la pérennité de ce régime. Pour ce faire, Abdellatif Jouahri a appelé les «autorités à revoir la gouvernance de la politique publique pour lui assurer davantage de cohérence, d’efficacité et de rendement» surtout que le pays «a besoin aujourd’hui d’un véritable sursaut et d’une mobilisation de toutes ses forces vives pour instaurer un climat favorable et remettre l’économie sur un sentier plus élevé de croissance et de création d’emploi.»
Devant cette situation d’exception et face à l’urgence et à la précarité du moment, le roi a mis le gouvernement face à ses responsabilités.
Dans le même ordre d’idées, le président de la Cour des comptes, Driss Jettou, a pointé du doigt la faiblesse des crédits alloués par l’Etat à l’investissement en général et au financement des stratégies sectorielles en particulier. Pour lui, «l’effet limité de cet effort sur le développement de manière globale et la création de l’emploi plus précisément», ralentit la machine économique du pays ce qui lève le voile «sur les facteurs à même de constituer des risques sur la durabilité des finances publiques, notamment le niveau élevé de la dette publique et son rythme croissant, ainsi que la problématique des arriérés de l’Etat au profit de certains établissements publics et entreprises privées. »
Emboitant le pas à Abdellatif Jouahri, Driss Jettou a confié au roi la persistance de la problématique de la durabilité des régimes de retraites : «malgré la réforme du régime des pensions civiles lancées en 2016, le déficit financier de ce régime s'est aggravé » a-t-il martelé.
Mohammed VI a donné à Saad Eddine El Othmani et à son équipe un délai de trois mois pour soumettre un programme de restructuration profonde et globale de l’offre sociale
Si pour Driss Jettou les secteurs de L’Enseignement et de la Santé ont enregistré d’énormes dysfonctionnements et anomalies quant à leurs gestions respectives, le président de la Cour des comptes a souligné que «les résultats attendus du Programme d'Urgence de l'Education et de la Formation 2009-2012 n’ont pas été atteints (…) avec de surcroît l'absence chez les administrations concernées d'un bilan global et précis aux niveaux financier et quantitatif de tous les projets et mesures de ce Programme ». Cela s’est traduit sur le terrain «par la non-généralisation de l'enseignement pré-scolaire, la non-couverture de l'ensemble des communes rurales en enseignement collégial et en internats, l'aggravation de l'encombrement, le maintien de la déperdition scolaire à des niveaux élevés, l'exploitation d'établissements scolaires dans une situation précaire et la non-prise en considération des besoins du système d'enseignement en ressources humaines.» Dressant un sombre tableau du système de santé, le rapport remis au roi Mohammed VI par Driss Jettou fait ressortir «des dysfonctionnements dans la gestion des établissements, des dysfonctionnements structurels au niveau de la planification stratégique, la programmation, la gouvernance hospitalière, la gestion des services médicaux, la facturation et le recouvrement des recettes, outre la gestion des médicaments et des fournitures médicales.»
L’exécutif au pied du mur et interdit de vacances, se trouve désormais sur un siège éjectable
Devant cette situation d’exception et face à l’urgence et à la précarité du moment, le roi a mis le gouvernement face à ses responsabilités. Réunissant dans une ambiance grave, au siège même de la province d’Al Hoceima, un pool gouvernemental conduit par le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, et en l’absence du principal conseiller du roi Fouad Ali El Himma, dont la dernière apparition publique remonte au mois de Ramadan quand il a assisté à l’iftar royal offert en l’honneur de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission africaine, Mohammed VI a adressé un ultimatum aux Abdelouafi Laftit, Mohamed Boussaid, Aziz Akhannouch, Saïd Amzazi, Moulay Hafid Elalamy, Abdelkader Amara, Anas Doukkali, Aziz Rebbah et Bassima El Hakkaoui pour activer et mettre en œuvre les mesures contenues dans le discours du trône.
Une sorte de dernière chance donnée au gouvernement après de multiples rappels à l’ordre. Si l’objectif aujourd’hui est de mobiliser toutes les ressources et énergies nationales pour faire face à ces défis qui ne peuvent souffrir d’aucun report tellement les attentes sont pressantes, Mohammed VI a donné à Saad Eddine El Othmani et à son équipe un délai de trois mois pour soumettre un programme de restructuration profonde et globale de l’offre sociale dans ses différentes déclinaisons sectorielles. La situation du Maroc étant intenable avec les remèdes du passé, le roi a demandé au gouvernement un bilan pour le mois d’octobre 2018 certainement pour en tirer les conséquences nécessaires lors du discours d’ouverture de la session d’automne du parlement. L’exécutif au pied du mur et interdit de vacances, se trouve désormais sur un siège éjectable. Il a non seulement du pain sur la planche mais est acculé à réussir cette mission commando au risque de se voir congédier au moindre faux pas.
Ces gens sont incapables d imaginer une vision sociale ou même économique. Leurs têtes de liste ont dépassé les 80 ans. Qu ont ils fait alors par le passé ? Ils se sont toujours ingenié à aller dans l air du temps pour les deux derniers souverains et garantir ainsi leur confort personnel. Faut balayer et responsabiliser sur projet.
Excellente plume, merci
Serait t il possible de recevoir regulierement votre news letter par email ? Je vous en remercie