Les présidents de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et du Sénat, Gérard Larcher, ont fait part vendredi de leur opposition à la création d’une commission chargée de réécrire un article controversé de la proposition de loi en cours d’élaboration sur la «sécurité globale», rappelant que cette tâche était du ressort du Parlement.
Reuters
Dans un courrier envoyé par la suite à Richard Ferrand, Jean Castex précise que cette instance n’a pas vocation à se substituer au travail parlementaire.
«Il n’entrera pas dans le périmètre de cette commission le soin de proposer une réécriture d’une disposition législative, mission qui ne saurait relever que du Parlement», peut-on lire dans cette lettre du Premier ministre dont Reuters s’est procuré une copie.
Jean Castex avait annoncé jeudi soir la création de cette instance chargée de se pencher sur le très controversé article 24 de la proposition de loi dans le but affiché de «respecter l’objectif poursuivi tout en dissipant tout doute sur le respect de la liberté d’informer».
Cet article 24 interdit de filmer des membres des forces de l’ordre dans l’intention de nuire à leur intégrité «physique ou psychique».
Les syndicats de journalistes et les mouvements de défense des droits de l’homme estiment qu’il restreindra la liberté d’expression. Un nouveau rassemblement contre la proposition de loi est annoncé samedi place de la République à Paris.
L’idée de confier l’article 24 à une commission indépendante, décidée en accord avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, a créé des remous chez les députés, en particulier ceux de la majorité qui ont fait part de leur désaccord en interne dès jeudi soir, a-t-on appris de sources parlementaires.
D’où l’appel téléphonique du président de l’Assemblée au Premier ministre vendredi matin pour lui faire de «sa vive émotion, partagée par les députés, et lui dire son opposition à l’initiative consistant à confier à un organe extérieur au parlement le soin de réécrire un texte d’une proposition de loi issue de travaux parlementaires», a fait savoir l’entourage de Richard Ferrand.
D’où la lettre que lui a adressée par la suite Jean Castex.
Darmanin s'expliquera devant la commission des lois
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a lui aussi fait part de sa désapprobation dans un communiqué où il demande à Jean Castex de «renoncer» à cette commission, dont la création va selon lui «à l’encontre du fonctionnement normal de nos institutions” et est “en totale contradiction avec les droits du Parlement».
Même le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, s’est joint à la fronde via un message sur Twitter citant l’article 24 de la Constitution qui prévoit que «Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques».
«Voilà. Simple, clair, net. Confiance pleine et entière à la démocratie représentative», ajoute le ministre, issu du MoDem de François Bayrou.
Cette fronde émanant en partie de la majorité dont il est le chef est d’une ampleur inédite contre Jean Castex, arrivé à Matignon il y a moins de cinq mois.
Soucieux de «préciser les intentions du gouvernement» dans son courrier à Richard Ferrand, le Premier ministre explique vendredi que les propositions de la commission n’ont «pas vocation à être seulement juridiques et devront aussi plus largement porter sur des enjeux de procédure ou de formation, ainsi que sur les conditions de travail et d’intervention de la presse et des forces de l’ordre».
Gérald Darmanin sera pour sa part entendu lundi soir par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, et rencontrera mardi après-midi - à leur demande - les députés La République en marche, dans un contexte d’inquiétude sur le thème des violences policières après plusieurs incidents récents qui ont choqué l’opinion.