Conclu le 30 mars 1912, le traité de Fès établit «l’organisation du protectorat français dans l’empire chérifien». En le signant, le sultan marocain Moulay Abdelhafid mettait fin à 12 siècles d’indépendance. Par cet accord, la France achevait sa domination sur l'Afrique du Nord. Le général Hubert Lyautey, qui avait progressivement conduit la conquête du Maroc, notamment via Oujda dès 1907, est désigné Résident général auprès du sultan.
L’Empire chérifien traversait à l’époque une grave crise dynastique et économique. Moulay Abdelhafid, installé à Marrakech, menait des intrigues et des complots contre son frère le sultan Moulay Abdelaziz, basé à Fès.
Fort du soutien des caïds et autres féodaux du Sud, dont les influents Madani Glaoui et Abdel Malek M’Tougui, Moulay Abdelhafid finit par évincer son frère en 1908 et prendre sa place sur le trône.
Incapable de tenir ses promesses, Moulay Abdelhafid fut rapidement confronté à un immense mouvement de rejet. Il faut dire que ce que l’on appelait à l’époque la «question marocaine» était déjà sur la table entre les différentes puissances.
L’universitaire Bernard Lugan, rédacteur en chef de la revue l’Afrique réelle, directeur de séminaire à l’École de Guerre, et non moins éminent spécialiste de la question explique qu’au début de l’année 1911, plusieurs tribus assiégèrent Moulay Abdelaziz dans sa capitale, Fès. «Le 15 avril, sa situation étant désespérée, il demanda l’intervention des troupes françaises stationnées dans la région de Casablanca et le 21 mai, une colonne commandée par le général Moinier entra à Fès après avoir fait lever le siège de la ville. Cependant, en lançant cette opération militaire à l’intérieur du Maroc, la France avait clairement outrepassé ses droits, le traité d’Algésiras du 6 avril 1906 limitant en effet sa zone d’occupation et d’intervention à la seule région de Casablanca et à son arrière-pays.»
C’est là où l’Allemagne réagit le 1er juillet 1911, en envoyant le croiseur Panther stationner au large de la ville d’Agadir. «L’on frôla alors la guerre qui ne fut évitée que par une rude négociation» dit Bernard Lugan. Dès le début des pourparlers, Jules Cambon, ambassadeur de France à Berlin, et Joseph Caillaux, président du Conseil, «posèrent un préalable qui était que les droits français sur le Maroc n’étaient pas négociables ; le 21 juillet, la Grande-Bretagne se rangea aux côtés de Paris. La crise fut résolue le 4 novembre 1911 par la signature d’une convention réglant le contentieux colonial entre Paris et Berlin. Aux termes de cette convention, l’Allemagne reconnaissait les «droits» de la France au Maroc contre des compensations territoriales en Afrique équatoriale.»
La France ayant désormais «les mains libres», Eugène Regnault, le ministre plénipotentiaire français à Tanger, fut chargé de faire signer le traité de protectorat à Moulay Abdelhafid. «Il fallut néanmoins une semaine pour convaincre le sultan, mais tout fut finalement réglé le 30 mars 1912, sous la pression de cinq mille soldats français campant sous les murs du palais de Fès et de l’occupation de vastes zones dans l’ouest et dans l’est du royaume» explique Bernard Lugan dans son ouvrage Histoire de l'Afrique du Nord : Des Origines à nos jours.
Au terme du traité de Fès, le Maroc qui, en théorie, demeurait un État souverain, déléguait à la France ses droits régaliens. Dès que fut connue la fin de l’indépendance du Maroc, plusieurs tribus se soulevèrent contre le sultan. Dès le 17 avril, avec la grave insurrection du Saïss et l’agitation de nombreuses tribus du Gharb, les autorités françaises décidèrent la nomination du général Lyautey au titre de Résident général.
Au mois d’août 1912, très affaibli, le sultan Moulay Abdelhafid abdiqua en faveur de son frère Moulay Youssef, père de Mohammed (Ben Youssef), le futur roi Mohammed V.
Le traité de Fès est abrogé le 2 mars 1956.