Jean-Paul Carteron : l’Espagne et l’Allemagne menacent gravement la Paix

Depuis un certain temps, le dogmatisme semble avoir envahi le paysage de la diplomatie internationale ; les ministères des affaires étrangères sont souvent devenus des ONG qui se contentent de gérer l’actualité du jour dans un cadre militant. Ils n’imaginent même plus que la politique étrangère existe !

La politique étrangère c’est d’abord une vision mais une vision structurée sur le long terme, mise en oeuvre dans un espace temps qui ne saurait se concilier avec le tumulte et la précipitation des réseaux sociaux et le désir omni présent d’être sans cesse visible partout et sur n’importe quel sujet.

La diplomatie c’est d’abord, avec courtoisie et respect, s’occuper de ses propres affaires, s’abstenir de se mêler de celles des autres et surtout de donner des leçons ! Respecter l’autre dans ses spécificités et ses sensibilités c’est la base d’une coexistence pacifique et constructive.

Il semblerait pourtant que certains pensent détenir la vérité en toutes choses, porter des valeurs définitives qu’ils seraient missionnés à exporter voire imposer. Il y aurait dans le monde ceux qui savent et ont toujours raison et les autres, méprisables car non alignés sur des valeurs qui leur sont pourtant étrangères ?

Quelle est la justification de Berlin pour s’agiter et tenter d’imposer – en vain d’ailleurs - jusqu’au Conseil de sécurité sa position autoritaire quant à la défense d’un prétendu statut quo ante d’une province marocaine qui ne la concerne en rien et lutter contre une décision américaine qui lui est totalement étrangère. Seul le chaos peut résulter du fait de se mêler systématiquement des affaires des autres – avant de s’occuper des siennes qui sont rarement brillantes - et le monde ne peut que s’en porter mal.

L’Espagne quant à elle est dans une position que l’on peine à comprendre. Lorsque les Espagnols ont débarqué au Rio de Oro, ils savaient très bien qu’ils colonisaient des terres marocaines. Quand ils en sont partis ces terres ne pouvaient revenir qu’à leur propriétaire historique, le Maroc, et ce fut le cas.

Quand on agite le fait que le « Sahara Occidental » serait encore inscrit sur la liste des Nations Unies des territoires à décoloniser, on oublie souvent que c’est le Roi Hassan II lui-même qui demanda cette inscription…dans le but de faire partir les Espagnols !

Aujourd’hui l’Espagne, qui a pourtant bien d’autres sujets urgents de préoccupation, a choisi d’accueillir le chef du Polisario, officine patentée antimarocaine de l’Algérie, pour recevoir des soins médicaux. Il s’agit, de notoriété
mondiale, de l’ennemi implacable du Royaume. Celui-ci est poursuivi, en Espagne même, pour des crimes très graves que l’on semble avoir mis entre parenthèses. Lui dérouler un tapis rouge, même sanitaire, est une offense pure et simple faite au Maroc alors qu’à Alger se trouvent des hôpitaux certainement très performants. De surcroît, il aurait été accepté qu’il utilisât un faux nom et un faux passeport ce qui légitimerait déjà une, arrestation, une poursuite pénale et une sérieuse peine de prison pour vous ou moi !

Voilà un bel exemple de très « mauvaise diplomatie » – si l’on peut encore parler de diplomatie - et de dysfonctionnement complet de la machine gouvernementale. Au mieux d’ailleurs, car si en plus cela était délibéré, il s’agirait d’une rupture violente et définitive des relations de confiance sans lesquelles notamment, la coopération sécuritaire ne pourrait plus exister entre les deux pays.

D’un côté l’Espagne a un besoin vital de sa coopération avec Maroc pour tout ce qui touche notamment à sa sécurité et de l’autre elle l’offense ouvertement. Alors où est la logique ? Espérons qu’il ne s’agit que d’incompétence…

Cet exemple n’est pas unique. Notre monde connait quotidiennement de telles situations et se trouve mis en danger par des « diplomates » qui sont en fait des militants de causes perdues. Ils s’amusent avec des allumettes, se rêvent en
bâtisseurs d’un monde à leur manière mais, en fait, ils menacent gravement la Paix.

Le ministre marocain des affaires étrangères, M. Nasser Bourita, a réagi avec force devant cette situation ubuesque mais gravissime. Il a raison. Aujourd’hui, on doit exiger avec vigueur le respect, le réalisme, l’honnêteté et la transparence dans les relations internationales. On appartient à un cercle d’amitié et de confiance ou pas.

C’est pour toutes ces raisons que le Forum de Crans Montana a créé la World Diplomatic Academy, soutenue par un nombre déjà impressionnant de personnalités internationales. Dans son objet et parmi d’autres buts il y a notamment celui de réinventer la diplomatie en y insufflant le concept de l’élégance…


Jean-Paul Carteron est l’Ambassadeur des Iles Salomon auprès de l’UNESCO et de la FAO et, depuis 2015, le Président du Cercle des Ambassadeurs à Paris qui rassemble le plus grand nombre des chefs de mission diplomatique en fonction dans la capitale française.
Fondateur du Forum de Crans Montana en 1989, à la chute du communisme, il s’impliqua notamment, à la demande de Itzaak Rabin, dans le processus de paix israélo-palestinien, puis à la demande de Richard Holbrooke dans les tentatives de règlement de la question chypriote et la dissolution de la Yougoslavie. Il travailla enfin durant de longues années à la stabilisation démocratique de l’Europe centrale et de l’est puis dès 1988 à l’intégration mondiale de l’Afrique.

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