Le Pentagone envoie des troupes supplémentaires au Camp Lemonnier à Djibouti pour se préparer à une éventuelle évacuation du personnel de l'ambassade américaine au Soudan, où des combats féroces entre deux généraux belligérants ont entraîné une détérioration rapide des conditions de vie dans la capitale.
19 000 citoyens américains sont piégés depuis samedi dernier au Soudan où les combats font rage. Hemidti, le chef des paramilitaires de la Rapid Support Force (RSF), a volontairement détruit les avions, et bloqué les trois aéroports les plus importants du pays et fermé L'espace aérien du Soudan. Transformant ainsi les ressortissants étrangers composés majoritairement de diplomates et de travailleurs humanitaires en bouclier humain contre toute opération militaire étrangère d'envergure.
Vedant Patel, porte-parole du département d'État américain, a déclaré jeudi qu'en raison des combats à l'aéroport de Khartoum, «il n'est actuellement pas sûr d'entreprendre une évacuation des citoyens américains coordonnée par le gouvernement américain».
Vedant Patel a ajouté que le département d'État était en contact étroit avec l'ambassade et qu'à sa connaissance, tous les diplomates américains présents dans le pays étaient sains et saufs. Interrogé sur l'éventualité d'une évacuation de diplomates et de citoyens américains, il a répondu que «toutes les éventualités sont envisagées».
Le Japon a été le premier pays à annoncer une évacuation planifiée de ses citoyens. Mais l'annonce et la réalisation effective des évacuations sont deux choses différentes. L'Allemagne aurait envoyé trois avions, mais aurait annulé l'opération de sauvetage alors qu'ils étaient en route.
Patel a réitéré le conseil donné par le département d'État en début de semaine aux Américains de s'abriter sur place et leur a demandé de ne pas se rendre à l'ambassade des États-Unis à Khartoum.
Seul ressort pour assurer l'évacuation du Soudan, renforcer les troupes au pays voisin le Djibouti
Les États-Unis disposant d'une base à Djibouti, s'apprêtent à y déployer des troupes supplémentaires. La décision américaine intervient alors que les combats au Soudan se sont intensifiés jeudi, avec un bombardement par des avions de guerre dans le centre de Khartoum qui constitue l'un des assauts les plus redoutables de cette série d'affrontements qui dure depuis plusieurs jours.
Jeudi, d'aucuns ne savait qui contrôlait le Soudan, troisième plus grand pays d'Afrique, pour peu qu'il y en ait un. Le bilan des combats s'élève à 330 morts et près de 3 200 blessés, selon l'Organisation mondiale de la santé. Des chiffres qui seraient sous-estimés selon la même source.
Les affrontements entre l'armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, et le groupe paramilitaire appelé Forces de soutien rapide, dirigé par le lieutenant-général Mohamed Hamdan alias «Hemidti», ont bouleversé la transition du pays vers une démocratie dirigée par des civils.
«Le Département de la défense, par l'intermédiaire du Commandement des États-Unis pour l'Afrique, surveille la situation au Soudan et procède à une planification prudente pour faire face à diverses éventualités», a déclaré le lieutenant-colonel Phil Ventura, porte-parole du Pentagone, dans un communiqué. «Dans ce cadre, nous déployons des capacités supplémentaires à proximité de la région à des fins d'urgence pour sécuriser et éventuellement faciliter le départ du personnel de l'ambassade des États-Unis du Soudan, si les circonstances l'exigent», a-t-il ajouté.
Un responsable militaire américain a déclaré jeudi que les premières centaines de soldats américains avaient commencé à arriver à Djibouti et que leur nombre augmenterait au fur et à mesure que les plans d'urgence du commandement militaire pour l'Afrique à Stuttgart (Allemagne) et de l'état-major interarmées à Washington seraient affinés pour tenir compte de l'évolution rapide de la situation sécuritaire sur le terrain au Soudan.
Les États-Unis maintiennent une force permanente de réaction rapide d'environ 150 soldats à Djibouti pour renforcer la sécurité des ambassades américaines, affirme The New York Times. Mais la possibilité que les États-Unis se doivent d'évacuer le personnel du gouvernement américain et peut-être d'autres citoyens américains a incité le Pentagone à positionner une force beaucoup plus importante à proximité pour intervenir au Soudan si nécessaire, a déclaré le responsable américain.
La situation humanitaire se détériore à vue d'oeil
La plupart des combats se sont déroulés à l'intérieur et autour de Khartoum, notamment dans les quartiers résidentiels et d'autres parties habituellement animées de la ville. De nombreux habitants se sont retranchés chez eux au milieu des bombardements, des fusillades et des tirs de snipers qui ont touché les infrastructures civiles, y compris de nombreux hôpitaux.
Des hommes armés se seraient introduits dans les maisons et auraient attaqué des civils, dont un ambassadeur européen.
«C'est un bombardement épouvantable», a déclaré dans une interview jeudi au New York Times Endre Stiansen, ambassadeur de Norvège au Soudan, en décrivant les attaques contre l'aéroport de Khartoum qui ont ébranlé à plusieurs reprises les murs de sa résidence, située à proximité.
«Pour la première fois, j'ai eu peur», a-t-il ajouté. «C'est de la folie».
Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a appelé jeudi à un cessez-le-feu de trois jours pour commémorer la fête de l'Aïd al-Fitr, afin de permettre aux civils de s'échapper et de chercher des soins médicaux, de la nourriture et d'autres produits de première nécessité. Guterres a déclaré que les opérations humanitaires étaient «quasiment impossibles» car le personnel de l'ONU est resté bloqué chez lui dans les zones de conflit actif.
Mais les cessez-le-feu n'ont pas tenu, y compris celui qui a été déclaré mercredi. Guterres a déclaré qu'il avait bon espoir que cette tentative aboutisse car «toutes les parties au conflit sont musulmanes».
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