Le guide suprême d'Iran, Ali Khamenei, a affirmé mercredi que son pays avait mis en échec "un complot très dangereux" après les manifestations violentes de mi-novembre déclenchées par une hausse du prix de l'essence en pleine crise économique.
Les autorités iraniennes accusent principalement les Etats-Unis et Israël, ennemis jurés de Téhéran, d'avoir été à l'origine des troubles survenus lors des manifestations déclenchées le 15 octobre. Elles ont affirmé avoir rétabli l'ordre au bout de quelques jours.
A l'étranger, l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a affirmé que le pouvoir en Iran avait "dissimulé délibérément" le bilan des morts et des arrestations dans la répression des rassemblements qui ont gagné des dizaines de villes. Amnesty International a fait état de près de "143 manifestants tués".
Les autorités ont confirmé la mort de cinq personnes, quatre membres des forces de l'ordre tués par des "émeutiers" et un civil, et annoncé environ 500 arrestations dont celles de 180 "meneurs".
Grand et puissant
Durant les manifestations, stations-service, commissariats, centre commerciaux, mosquées et bâtiments publics ont été incendiés ou attaqués, selon les médias locaux.
L'ampleur de la répression n'est néanmoins pas claire, en raison du blocage d'internet par les autorités. L'accès à internet est revenu ces derniers jours, et le réseau mobile, jusqu'ici bloqué selon NetBlocks, qui surveille la liberté d'accès à internet dans le monde, était en train de redevenir accessible mercredi soir.
«Le peuple a mis en échec un (...) très dangereux complot. Beaucoup d'argent a été dépensé pour détruire, mener des violences et tuer les gens», a déclaré l'ayatollah Khamenei devant un rassemblement des Bassidj.
Il a recommandé à ce corps de volontaires islamistes, pouvant agir comme supplétifs des forces de l'ordre, de maintenir une présence dans toutes les provinces du pays et de conserver un coup d'avance sur "l'ennemi".
Le numéro un iranien a aussi exprimé sur Twitter sa "profonde gratitude et reconnaissance" à la nation iranienne dans un message accompagné d'images d'une grande manifestation progouvernementale qui a eu lieu lundi à Téhéran à l'appel des autorités.
«Le peuple a une fois de plus prouvé qu'il est grand et puissant; il a vaincu le gros complot de l'ennemi», a-t-il ajouté en pointant du doigt «l'Arrogance globale et le Sionisme», allusion aux Etats-Unis et Israël.
Depuis le retrait américain en mai 2018 de l'accord international sur le nucléaire iranien, l'administration de Donald Trump mène une "campagne de pression maximale" contre l'Iran, qu'elle accuse de chercher à se doter de l'arme atomique et d'une influence "déstabilisatrice dans la région".
Les manifestations contre la hausse surprise du prix de l'essence surviennent dans un pays touché par une crise économique, aggravée par le rétablissement et le durcissement de sanctions économiques par les Etats-Unis depuis 2018.
Ces sanctions empêchent l’Iran, pays membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), de vendre son pétrole à l'étranger, une de ses principales sources de revenus.
Les Etats-Unis, qui ont apporté leur soutien aux manifestants, ont reçu «près de 20.000 messages» illustrant «les abus du régime» iranien lors de la répression, a affirmé mardi le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, menaçant Téhéran de nouvelles sanctions.
Climat de peur
La coupure d'Internet durant les manifestations avait rendu la tâche difficile, pour les ONG, de reconstituer les faits du 15 novembre et des jours suivants, et d'en établir le bilan.
HRW a accusé dans un communiqué les autorités «de dissimuler délibérément l'ampleur de la répression massive des manifestants», les appelant à «annoncer immédiatement le nombre des morts, des arrestations, des détentions (...) et à permettre une enquête indépendante sur les abus présumés».
"Maintenir les familles dans le noir quant au sort de leurs proches, attisant dans le même temps un climat de peur et de vengeance, est une stratégie délibérée du gouvernement pour étouffer toute dissidence", selon HRW.
Avant HRW, Amnesty International avait affirmé «qu'au moins 143 manifestants ont été tués».
AFP