A cinq jours de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un à Hanoï au Vietnam, l’ambassade nord coréenne à Madrid a été la cible d’un raid au cours duquel au moins une dizaine de personnes y sont entrées par effraction, ligotant, frappant et interrogeant des membres du personnel de l’ambassade durant plusieurs heures avant de partir dans deux voitures à vives allures sans être inquiétées et en emportant du matériel informatiques et des documents. La presse espagnole sera la première à révéler l’affaire au grand public pointant du doigt les services de renseignement américain, la CIA.
Dans son édition du dimanche 10 mars dernier, soit 16 jours après les faits, le site espagnol el Confidencial a révélé l’affaire au grand jour, rapportant qu’une employée de l’ambassade nord coréenne, qui a réussi à s’échapper, dans la soirée du 22 février, s’est rendue à la police pour donner l’alerte sur l’attaque dont été victime l’ambassade. D’après son témoignage, le personnel était ligoté et bâillonné par plusieurs hommes armés. Les policiers se sont rendus rapidement à l’ambassade et ont ont été accueillis par un homme qui les a rassurés que tout allait bien.
La embajada de Corea del Norte fue asaltada por una decena de hombres armados https://t.co/j8ewcDc59k
— El Confidencial (@elconfidencial) February 28, 2019
Peu de temps après et sous les regards de la police, deux voitures ont quitté le complexe à grande vitesse, dans l'une d'elles y avait l'homme qui avait ouvert la porte aux policiers, révèle El Confidencial.
Le 13 mars, c’est autour d’El Pais de s’emparer de l’affaire en affirmant que la police avait visionné des cassettes de surveillance de l'ambassade et que les enquêteurs espagnols avaient identifié deux des intrus comme étant liés à la CIA.
El Pais précise que l’attaque a eu lieu quelques jours seulement avant le sommet entre le président américain Donald Trump et son homologue nord coréen Kim Jong- Un dans la capitale vietnamienne Hanoi, le 27 février dernier. Jusqu'à présent, aucun suspect n'a été arrêté.
Spanish investigators have linked an attack on the North Korean embassy in Madrid to the CIA.
At least two of the 10 assailants who broke into the embassy and interrogated diplomatic staff have connections to the US intelligence agency https://t.co/Bdnw8hM7Rq
— El País in English (@elpaisinenglish) March 17, 2019
Réagissant aux accusations des autorités espagnoles, la CIA a nié toute implication dans l'attaque. Réponse peu convaincante pour Madrid.
Si certains médias américains ont volé au secours de leur centrale de renseignements pour la blanchir, d’autres n’hésitent pas à la pointer du doigt l’accusant d’être le premier suspect tout en s’interrogeant sur le donneur d’ordre et les motifs de cette opération.
C’est le cas de Moon of Alabama qui s’est posé les deux questions suivantes : Qui a ordonné à la CIA d'assaillir l'ambassade de Corée du Nord en Espagne?
John Bolton, conseiller en sécurité nationale du président Trump, a-t-il ordonné l'assaut de l'ambassade pour obtenir un avantage dans les négociations sur le nucléaire?
L'ambassadeur qui sait trop
Pour le site américain, ce qui intéressaient les barbouzes c’est Kim Hyok Chol. Ce dernier a été ambassadeur de la Corée du nord en Espagne jusqu'en septembre 2017, date à laquelle le gouvernement espagnol l'a expulsé ainsi qu'un autre diplomate à la suite d'essais nucléaires de Pyongyang et de lancements de missiles sur le Japon voisin. Il a récemment fait l'actualité lorsqu'il a dirigé la délégation nord-coréenne dans les négociations sur le nucléaire.
Incredible story but sounds believable. Former DPRK ambo in Spain was Kim Hyok Chol, head of the North Korean delegation in the nuclear negotiations with the US.
Bolton tried to get info on him? https://t.co/ZrTkDnaC5W
— Moon of Alabama (@MoonofA) March 13, 2019
Kim Hyok Chol, diplomate de carrière issu d’une famille nord-coréenne d’élite, a fait ses débuts internationaux il y a quelques semaines à peine en tant que nouveau responsable des négociations nucléaires à Pyongyang. Dans la perspective du sommet des 27 et 28 février, il s'est entretenu avec son homologue américain Stephen Biegun afin de préparer le terrain pour la réunion, prenant les diplomates par surprise.
On apprend également par un autre site américain Galactic Connection que certains des assaillants étaient asiatiques et parlaient le coréen. Ils appartiennent probablement au Service national de renseignement sud-coréen (NIS), très lié à la CIA. Il souligne que s'attaquer à une ambassade étrangère dans un pays tiers est bien loin du droit international et de la décence diplomatique, ajoutant qu’après les révélations d’El Pais, il fallait faire quelque chose pour détourner l'attention de la CIA et trouver un autre coupable.
Pour ce faire, une histoire a été imaginée et portée par les médias américains proches de la centrale. Ce n’est pas la CIA qui l’a fait, mais une organisation qui cherche un «changement de régime» contrôlée par la CIA.
Il s’agit du groupe Cheollima, également connu sous le nom de Free Joseon, devenu célèbre en 2017 après avoir évacué avec succès le neveu de Kim Jong - Un de Macao lorsque des menaces potentielles pour sa vie ont fait surface. Le neveu était le fils de Kim Jong Nam, demi-frère exilé du dirigeant nord-coréen, assassiné lors d’une attaque par gaz neurotoxique dans un aéroport de Malaisie en 2017.
Voilà une affaire qui s’inscrit dans le long feuilleton de la guerre de l’ombre et des coups tordus de part et d’autre au grand bonheur des romanciers et de l’industrie cinématographique.