Le Festival du Film Francophone d’Angoulême accueillera cette année Autisto, un long-métrage réalisé par Jérôme Cohen‑Olivar et produit par Zhor Fassi‑Fihri, dans sa section dédiée aux premiers films, “Premier Rendez-vous”. Abordant la question de l’autisme sous un angle personnel et engagé, Autisto propose une plongée sensible dans un univers rarement traité à l’écran avec autant de pudeur et de justesse.
À la tête de la société Z’Films, Zhor Fassi‑Fihri s’impose comme l’une des figures montantes de la production cinématographique marocaine. Ancienne collaboratrice de Canal+ et initiatrice de projets audiovisuels panafricains, elle développe depuis Casablanca une ligne éditoriale indépendante, portée par une ambition artistique affirmée. Après avoir produit The Moderator en 2022, elle s’illustre cette année avec Autisto et prépare également un biopic sur le peintre Mehdi Qotbi.
Le film réunit à l’écran Loubna Abidar, Sam Kanater, Youssef Bouguerra Ezzina et Sandia, autour d’une distribution qui conjugue justesse de jeu et intensité dramatique. Tourné avec une économie de moyens assumée, Autisto met en avant un travail narratif centré sur l’intime, renforcé par une mise en scène épurée.
Du choc frontal à l’intime : l’évolution esthétique de Zhor Fassi‑Fihri entre The Moderator et Autisto
Avec The Moderator (2022), Zhor Fassi‑Fihri optait pour une entrée fracassante dans le registre du thriller international. En abordant un sujet hautement sensible — le double assassinat de touristes scandinaves à Imlil — à travers le prisme de la fiction et du cinéma d’action, la productrice assumait un parti pris audacieux : confronter le public à la brutalité d’un réel encore récent, tout en s’appuyant sur les codes narratifs du film de vengeance. Le recours à une distribution internationale, la participation du rappeur Don Bigg et l’esthétique léchée du film témoignaient d’une ambition de projection globale, parfois au risque d’une certaine frontalité émotionnelle.
Trois ans plus tard, Autisto marque un tournant radical dans le langage cinématographique de Fassi‑Fihri. Le spectaculaire cède ici la place à la pudeur, la tension narrative à l’intériorité. Si le sujet — l’autisme — est tout aussi profond, le traitement, lui, se veut plus épuré, plus contemplatif. Produit avec un budget plus resserré, Autisto déploie une esthétique plus modeste mais d’une sincérité poignante. La caméra s’efface pour laisser place à l’humain, au geste, au silence. Là où The Moderator criait l’indignation, Autisto chuchote la complexité.
Ce basculement d’un cinéma d’impact vers un cinéma d’écoute témoigne d’une maturité nouvelle dans le parcours de Zhor Fassi‑Fihri. Elle y affirme une volonté de s’emparer de sujets difficiles, qu’ils soient sociétaux ou psychiques, tout en explorant les formes qui leur sont les plus justes. Une productrice qui ne se contente pas de produire des films, mais qui cherche à leur donner une voix cohérente, incarnée, et résolument engagée. Tout en gardant un ancrage marocain fort — dans les lieux, les langues, les visages — Zhor Fassi‑Fihri revendique un cinéma tourné vers le monde, capable de dialoguer avec les grands enjeux contemporains et de rayonner au-delà des frontières. Une trajectoire singulière, à la croisée du local et de l’universel.